• Aucun résultat trouvé

STIGMATISATION DES LANGUES ETHNIQUES

CHAPITRE IV. REPRESENTATIONS DES LUSHOIS VIS-A-VIS DU FRANÇAIS ET DES LANGUES EN PRESENCE A

IV. 6 2 Valorisation des langues ethniques

IV. 7. STIGMATISATION DES LANGUES ETHNIQUES

Si le locuteur est fasciné par sa langue ethnique, nous sommes parfois confrontés à des phénomènes tels que le chauvinisme exacerbé contre une langue donnée ou alors l’ethnocentrisme culturel. Dans cette perspective, les langues ethniques sont menacées d’effacement dans leur grande majorité au profit des langues nationales et du français. Les études menées, par ailleurs, sur les représentations que les locuteurs se font de leur langue ethnique ont révélé l’existence d’une aversion pour l’apprentissage des autres idiomes pratiqués dans la communauté. Il y a tout un ensemble des termes significatifs servant à évoquer la réalité des langues ethniques : langue maternelle, langue vernaculaire, langue ethnique, langue de minorité, langue locale, langue autochtone, langue indigène, dialecte, patois, parler. Tous ces qualificatifs témoignent que les systèmes linguistiques ne sont pas valorisés, car trop de nomination tue la nomination. C’est ainsi que leur cohabitation entraîne le mépris de l’autre pour de raison d’incompréhension, de méfiance, de peur de l’autre, car on se connaît mal.

Par rapport à moi je crois que les autres langues maternelles embêtent tunasha paka

kuipenda (nous devons toujours l’aimer) parce que jo kumakwetu (c’est nous)

(L7128).

C’est bien dans leurs coutumes aussi + la langue maternelle des autres bon ce n’est pas bien pour moi + c’est bien aussi pour eux quand il le parle ils se sentent aussi alaise (L6).

Bon parfois je le trouve bizarre mais je comprends les personnes qui parlent ces langues (L5).

Il est vrai que le premier contact passe par l’expression linguistique et la perception de la langue de l’autre est l’élément sur lequel va porter la nomination de l’autre. Dans le patrimoine de chaque groupe, il est transmis et conservé des noms qui servent à se désigner et à désigner l’autre. Ainsi donc, la diversité des groupes correspond à un ensemble de vocables dont parfois le sens échappe à la mémoire collective, on se sert de noms parfois

128 Pour ce locuteur, les langues maternelles des autres locuteurs gênent, mais les lushois sont obligés de les

péjoratifs. Ceci est attesté par le discours d’André. Il nomme tous ceux qui sont hors de son groupe et qui ne parlent pas sa langue : « des pygmées »129.

Non donc les gens comme les gens comme dans notre contrée nous avions dans le royaume des gens qui parlent une même langue mais nous avions des différences quand la différence là la différence se trouve à partir d’où la différence se trouve à partir de la prononciation + nous nous pouvons prononcer comme ça eux prononcent autrement mais quand nous prononçons eux n’écoutent pas donc leur langue là comme on les appelle chez nous nous les appelons les « patcwha »** automatiquement ce sont les pygmées patcwa** signifie pygmées + les gens là très les gens qui vivent en brousse là comment on a alors on les appelle patcwa** pour que les gens comprennent que ce sont les pygmées(L3).

La dénomination péjorative ou le rejet de nos langues ethniques peut toutefois freiner le développement de nos sociétés. Elle peut porter sur la langue (« barbare » ), sur la religion (« païens ») et sur la culture (« sauvage »). Ceci nous amène à la réflexion selon laquelle, à Lubumbashi, le fait de s’habiller, de manger peut conduire à une frustration au point de rejeter son identité. Ainsi, avons-nous posé la question :

Peut-on reconnaître l’appartenance ethnique selon son l’habillement?

Oui par conjoncture oui parfois je peux prendre l’exemple des luba + ils aiment bien les tissus en jaune tous les gens qui mettent les tissus en jaune sont considérés comme des baluba (L11).

Oui on peut reconnaître la langue d’une personne par sa manière de s’habiller parce que chez nous au Katanga nous avons plusieurs tribus et nous qui habitons le Katanga nous savons voir si quelqu’un s’habille de cette manière ah ce type il vient de là si celui-ci s’habille comme ça il vient de là ah donc la façon de s’habiller peut directement te classer dans ta tribu (L9).

Pour marquer l’insistance, les informateurs L2 et L4 ont recours à l’alternance codique :

Oui ici chez nous oui les Baluba s’habillent très mal avec les Balamba dès qu’on les voit on peut dire c’est lui souvent ni manguo ya marangi mingimingi (ce sont des

vêtements des différentes couleurs) marouge mavert majaune (les couleurs rouge, vertes et jaunes) ///(rire) (L5).

Oui on peut reconnaître la personne malamingi par mafaçon yabo yakujabiller (souvent par leur façon de s’habiller)+ ici à Lubumbashi et aussi par sa façon de parler parce que si vous voyez tu peux prendre comme exemple euh les baluba + les baluba peuvent commencer une phrase en français il termine avec le swahili euh le kiluba + leur façon de s’habiller aussi il peut s’habiller le rouge vert le rouge jaune il y a aussi les Lamba + les Lamba aussi pour connaître les Lamba on peut voir l’habillement aussi les Lamba s’habillent avec les chaussettes + une femme avec les chaussettes en pagne mais avec les chaussettes(L4).

Oui ici chez nous oui les baluba s’habillent très mal djo vile bantu banasemaka (c’est ce que les gens disent) mais avec les Balamba dès qu’on les voit on peut dire c’est lui+ on dit toujours tshilamba bwanga bwa lwendo130 (l’habillement valorise

l’homme) (L2).

A la lumière des réponses, apparaît une relation très amusante établie entre le style vestimentaire hétéroclite et l’alternance codique des locuteurs en question. L4 emploie un langage dédaigneux contre les Baluba, sans toutefois les citer. Il recourt à l’alternance codique pour s’exprimer. Il est allé plus loin en affirmant que les Baluba sont reconnus par leur façon de parler. Quant à L2, il ne veut pas s’affirmer, il recourt à l’alternance pour cacher son point de vue. Le proverbe ciluba signifie que c’est par l’habit qu’on connait le moine.

A Lubumbashi, on peut identifier un peuple de par son habillement et sa façon de parler. La dernière réponse est mitigée :

Non non en tout cas l’habillement non mais peut-être la couleur euh il y a des gens qui viennent de l’intérieur de notre province + ce sont des personnes qui préfèrent des

130 On peut traduire ce proverbe par l’habillement est un fétiche pour le voyage. L’habillement joue un rôle capital dans la culture kasaïenne, il correspond à une circonstance.

couleurs vives et ont le sens dans leur habillement c’est pour cela que ce qui prouve l’appartenance tribale de quelqu’un c’est un peu ça (L10)

Pour L10, chaque couleur a un sens d’une ethnie à l’autre. Certaines ethnies prèfèrent une couleur vive tansdis que d’autres ne le prefèrent pas.

[Rire] /// Tout d’abord pour les habillements moi je dis non non ##### (L8)