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2 5 Corpus et terrain d’enquête

CHAPITRE II : CONSIDERATIONS THEORIQUES ET METHODOLOGIQUES

II. 2 5 Corpus et terrain d’enquête

Le terrain est considéré comme le « lieu » d’émergence du corpus. Celui-ci est supposé être recueilli et prélevé sur le terrain. N’importe quel chercheur peut prélever cela sans que l’incidence sur les résultats de la recherche en soit ressentie. Afin de mieux cerner cette notion par rapport à notre démarche, il est important d’établir une différence dans les

usages entre corpus et terrain. Il conviendrait de s’appesantir sur la notion de corpus, qui nous parait efficace dans l’étude des représentations.

II. 2. 5. 1. Corpus

Notre corpus est un ensemble des pratiques des locuteurs lushois. Un corpus est défini comme « étant un recueil d’énoncés enregistrés au magnétophone ou pris sous la dictée. Une fois constitué, ce recueil, considéré comme intangible, ne reçoit plus d’additions, et la langue est décrite en fonction de ce qu’on y trouve » (Martinet 1996 : 31). A cet effet, deux

objections peuvent être formulées :

-« l’objection théorique qu’on peut faire à cette « méthode du corpus » est que des chercheurs

opérant sur une même langue, mais à partir des corpus différents, peuvent aboutir à des descriptions différentes.

-l’objection pratique, elle est qu’à tout moment le descripteur peut ressentir le besoin de compléter ou de vérifier son information et que s’il se refuse à satisfaire ce besoin quand il le ressent, il écarte volontairement certains aspects de la réalité, nullement parce qu’ils ne sont pas pertinents, mais parce qu’ils lui avaient échappé tout d’abord » (Martinet 1996 : 32).

Le corpus a pour rôle de prouver, d’authentifier, et de montrer. Cela suppose une prise de distance, le corpus étant extérieur à celui qui l’a accueilli (Feussi 2006 : 159). C’est pourquoi il faut prendre des précautions pour que le corpus soit authentique.

L’ensemble des enregistrements forme un échantillon de six heures de conversations, transcrites d’après le protocole adopté par l’équipe de GARS et exposé par Blanche- Benveniste (2002)71. Toutefois, notre transcription semble quelque peu s’écarter de la méthode de GARS, les chevauchements des paroles n’ayant pas été signalés vu les murmures et les bruits.

71 Ce protocole se révèle efficace dans le domaine du lexique, de la syntaxe et des faits d’énonciation. Il laisse la liberté aux transcripteurs en reconnaissant que les transcriptions des enregistrements sont différentes selon les objectifs que l’on se fixe pour l’étude (2002 : 9).

Notre corpus est produit par des locuteurs bilingues au sens de Lüdi et Py (2002 : 131)72. Ceci n’empêche pas que les locuteurs puissent recourir à plusieurs registres de langue

pour faire passer leur message. Ce point sera développé dans la transcription du corpus.

II. 2. 5. 2 Terrain d’enquête

Si la sociolinguistique se caractérise notamment par son ancrage de terrain, comme l’indiquent Blanchet et Gotman (1992), il convient alors de se demander ce qu’est le terrain. Auzanneau et Juillard (2002 : 240) conçoivent le terrain comme étant: d’une part un lieu géographique, [et] d’autre part un espace social dynamique, cadre tout autant que facteur déclenchant des rapports sociaux qui s’y expriment, en partie au travers des usages langagiers.

Elles procèdent en premier lieu à une fonctionnalisation du terrain en tant qu’espace physique d’investigation, et donc en tant que cadre. Puis le considérant également comme « espace social et dynamique » et « facteurs déclenchant » de rapports sociaux, le terrain ressortit aussi pour elles à l’objet de la sociolinguistique puisque des liens causaux existent entre les rapports sociaux et leurs expressions partiellement langagières. Le terrain peut être exploré non seulement dans ses aspects spatiaux, mais peut également être questionné dans sa dimension historique.

Le terme et la notion de « terrain » tels qu’ils sont utilisés en sociolinguistique sont issus de la tradition ethnologique. Dans ce cadre, dont l’objet est longtemps resté l’étude de lointaine et « exotique » altérité, le terrain est perçu comme étant « la réalisation de la proximité et de l’intimité de l’ethnologue avec son sujet (Copans 1999 :14). Le terme « terrain » couvrirait des domaines plus larges et serait appliqué à tous les aspects de la recherche qui ont trait à l’observation et à la collecte des données (Mahmoudian 1998 :7)73.

Le caractère urbain constitue en fait la spécificité de notre terrain d’enquête. Le milieu urbain est considéré comme le lieu privilégié d’affluence de populations d’origines diverses, et donc de contact de cultures et de langues. Comme le souligne Calvet (1994 :11) « la ville, point de convergence des migrations et donc de différentes langues du pays est un lieu

72 Etre bilingue pour Lüdi et Py (2002) signifie être capable de passer d’une langue à l’autre dans de nombreuses situations si cela est possible et nécessaire, même avec une compétence considérablement asymétrique ». Nous nous inscrivons dans un courant de recherche actuel qui envisage le plurilinguisme individuel comme une source importante.

d’observation privilégié pour le linguiste. Il qualifie l’agglomération urbaine de « lieu de coexistence » et de « métissage linguistique ». L’urbanisation est également synonyme d « ’unification linguistique », car elle nécessite une langue d’intégration à la ville pour les nouveaux arrivants et une langue de communication efficace pour les résidents. L’auteur souligne par ailleurs que : « les solutions linguistiques que la ville apporte à la communication sociale ont toutes les chances de s’imposer à l’ensemble du pays : telle une pompe, la ville aspire le plurilinguisme et recrache du monolinguisme, et elle joue ainsi le rôle fondamental dans l’avenir linguistique de la région ou de l’État » (1994 :136). La ville devient donc partie intégrante du vécu des locuteurs, elle détermine les pratiques sociales et doit être prise en compte en tant que telle. Voici les différentes communes de la ville de Lubumbashi74 :

II. 2. 5. 2. 1. Commune Lubumbashi

C’est la commune du centre de la ville où habitent la plupart des familles aisées de la ville. Les langues les plus parlées sont le swahili et le français. Elle a une population de 185. 491 habitants. Elle est constituée de quartiers75 : Gambela I, Gambela II, Kalubwe, Kiwele,

Lido golf, Lumumba, Makutano, Mampala, Baudouin et Makomeno.

II. 2. 5. 2. 2. Commune Kenya

Elle fut la première extension créée en 1929. On y trouve une formation des petites bandes aux limites variables et placées sous la direction d’un Caïd. Des groupes de délinquants qui errent jour et nuit à travers la commune, raison pour laquelle elle est appelée communément commune « rouge ». La commune de la Kenya contient le grand marché de la ville et le stade de l’État.

II. 2. 5. 2. 3. Commune Annexe

Créée en 1957, la Commune Annexe est une commune essentiellement rurale de la ville de Lubumbashi. Sa population est 116.986 habitants. Elle est la plus grande commune de la ville de Lubumbashi. Avec une mauvaise infrastructure, elle est celle qui accueille

74 L’appartenance des locuteurs aux différentes communes se reflète dans nos enquêtes, comme nous le verrons plus loin.

la population la plus pauvre de la ville. On y trouve des quartiers tels que : Kalebuka, Kasapa, Kasungami, Kimbembe, Kisanga, Luwowoshi, Munwa, Naviundu.

II. 2. 5. 2. 4. Commune de la Kampemba

Le nom « Kampemba » est constitué du préfixe singulier de la classe 12 (CL 12) du kiswahili ka- exprimant le diminutif et d’un nom pemba signifiant « kaolin »76. La commune de la Kampemba est subdivisée en sept (7) quartiers que voici : Bel-air I, et II, Bongonga, Industriel, Kafubu, Kampemba et Kigoma.

La Commune Kampemba est issue de la commune Elisabeth, l’actuelle commune de Lubumbashi. C’est une commune de l’est de la ville de Lubumbashi. Sa population est de 306. 591 habitants77. Elle a une superficie de 48Km2. Dans le souci d’offrir à la population blanche un beau cadre dans la ville de Lubumbashi, Marron, le gouverneur de la province du Katanga, par l’arrêté N° 106/F/F/ du 8/09/ 1943, créa un quartier résidentiel traversé par différentes plantes le long des avenues, d’où le surnom du quartier « de Bel-air ».

Vers les années 1970, le conseil de la ville émet l’idée du découpage de la ville en commune et le quartier Bel-air devient la commune Kampemba, nom du ruisseau qui la traverse. Elle est entourée par toutes les communes sauf celle de la Katuba. Elle renferme le ¾ des entreprises, des industries et usines de la ville. Autrefois habitée par les colons blancs, elle garde encore son infrastructure. Cette commune attire les habitants de la ville de Lubumbashi de par sa beauté. Elle est reconnue comme étant la commune la plus propre et la plus paisible de la ville. Les militaires et la police sont logés dans cette commune. A sa création trois appellations étaient proposées à savoir :

Bel-air ; Dilungu ; Kambemba ;

76 Le kaolin chez le peuple Muluba caractérise la joie et la prospérité. Le kaolin est utilisé dans les circonstances comme l’intronisation du Chef, [lors de] la venue des nouveau-nés.

De ces trois propositions, c’est la dernière qui a été retenue parce qu’elle fait penser à la rivière qui la traverse.

II. 2. 5. 2. 5. Commune Katuba

C’est une commune du sud-ouest de la ville de Lubumbashi. Elle fut créée en 1950 pour répondre à l’urbanisation croissante de la ville. Elle est communément appelée « grand pays » ; c’est la commune la plus peuplée de la ville de Lubumbashi. Sa population est de 405 habitants. Son infrastructure laisse à désirer. Elle abrite beaucoup de résidents d’origine kasaïenne. Les langues les plus parlées restent le kiswahili et le ciluba. La plupart des dignitaires katangais sont issus de cette commune. Elle est réputée grâce à ses activités culturelles. On y trouve les quartiers : Bukama, Kaponda, Kinyama, Kimilolo, Kisale, Lufira, Musumba, Mwana Shaba, Nsele, et Upemba.

II. 2. 5. 2. 6. Commune Kamalondo

Avec une population de 29. 937 habitants (2001), la commune de la Kamalondo est la première commune créée dans la ville de Lubumbashi, la ville ayant été scindée en deux communes au début du XX° siècle : elle était réservée aux résidents blancs. Et au sud-est le quartier Albert (devenu Kamalondo). Elle était habitée régulièrement par les communautés étrangères africaines. La plus importante était la communauté ouest-africaine jusque fin 1980. Actuellement, elle est caractérisée par la vente de bière et par l’insalubrité. Elle est un lieu de rencontre et des festivités où le tapage diurne et nocturne cohabite avec la population. Cette commune comprend deux quartiers : Kitumaini et Njanja.

II. 2. 5. 2. 7. Commune Rwashi

C’est une commune du nord-est de la ville. Elle fut créée en 1956 en vue de répondre à l’urbanisation croissante de la ville. C’est une commune constituée majoritairement de la population Bemba. Sa population est de 148. 900 (2001). Elle est réputée comme commune à vocation culturelle grâce à la fabrication d’objets en malachite. Elle comprend les quartiers : Bendera, Kalukuluku, Matoleo, Shindaika et Kawama, Kongo et Lwano.