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2 7 Le français : langue d’intercompréhension

CHAPITRE IV. REPRESENTATIONS DES LUSHOIS VIS-A-VIS DU FRANÇAIS ET DES LANGUES EN PRESENCE A

IV. 2 7 Le français : langue d’intercompréhension

Le français est la langue qui permet la communication avec le reste de la communauté lushoise. Dans un contexte multilingue comme le nôtre, le français devient une langue véhiculaire. Ainsi, « dans toute l’Afrique francophone, le français peut être considéré comme une langue véhiculaire. A Lubumbashi, le français facilite l’intercommunication entre plusieurs communautés géographiquement voisines ou non mais ne parlant pas les mêmes langues. Pour Edema (1998b), « cette véhicularité du français en RDC paraît à la fois interne et externe. Par véhicularité interne du français, nous voulions faire comprendre que le français développe des variétés linguistiques, si mineures soient-elles, qui distinguent ses locuteurs. La véhicularité interne fait du français une langue différenciée à l’intérieur d’une même communauté linguistique ». Langue différenciée, le français pourrait, à la longue, aboutir à des dialectes identifiables dont la véhicularité serait la conséquence. A partir des traits sociolinguistiques variés, la véhicularité interne sert à localiser le locuteur par rapport à son milieu d’origine, son substrat, sa profession, son niveau d’études. Dans cette perspective, nous avons demandé aux locuteurs s’il y a une différence entre le français parlé à Lubumbashi et le français parlé dans les autres villes du Congo, et laquelle ? Les locuteurs répondent en ces termes :

Ah binakuya biakwachana chana aba banasema ibi aba banasema ibi français inachana (C’est différent il y a ceux qui disent ceci et les autres aussi disent cela, le

français est différent ) oui le français est différent+ le français qu’on parle au Kasaï est différent du français qu’on parle à Lubumbashi à Kin ou au Kasaï + chaque personne qui parle français donc utilise donc il y a plus les dialectes de sa tribu (L7). Oui il y a une différence parce que les gens du Kasaï beko nasema kikasaï

C’est difficile de les comprendre) tu peux entendre même pour parler le français leur ton euh la prononciation n’est pas bien vraiment (L6).

La majorité des locuteurs congolais ont acquis le français par l’enseignement à l’école et accessoirement par l’alphabétisation. Les locuteurs lushois attestent que le français parlé dans d’autres villes est différent de celui de la ville de Lubumbashi.

Oui oui parce que#ici le français parlé au Katanga parce que il y a la langue hein ça se diffère + nous nous exprimons très bien tandis que les gens qui viennent de Kasaï du Kasaï plutôt et à Kinshasa ça se diffère ils s’expriment mubaya sana (très mauvais)c’est comme s’ils s’expriment dans leurs langues mais shituko nasema bien

sana par rapport yabo (nous parlons mieux qu’eux) (L4)

Ce locuteur estime qu’il est capable d’identifier un locuteur par rapport à sa province :

Oui euh il y a une différence moi personnellement je sais identifier quelqu’un par sa manière de parler français + je sais dire celui-là c’est #un Kinois celui-là c’est quelqu’un qui vient de Bandundu celui-là c’est quelqu’un qui vient du Bas-Congo celui-là vient du Kasaï par la manière dont #il prononce les mots français hein +il y a certains mots quand il les prononce je dis celui-là il doit être du Kasaï celui-là il est Kinois hein + les langues telles que le lingala le ciluba le kikongo influencent aussi le français euh ont une grande influence sur le français (L1).

La véhicularité est externe quand le français sert d’ouverture avec un locuteur extérieur, le premier mobile de son utilisation étant de briser une barrière linguistique possible (Edema, 1998b : 128). La langue française permet aux locuteurs d’échanger entre eux, d’entrer en contact avec les autres, dans le but de les comprendre et de se faire comprendre d’eux.

Les enquêtés ont formulé les représentations qui associent principalement le français à la distinction et à la langue qui facilite la communication. Dumont (1990) utilise l'expression « français langue africaine » comme titre de l'une de ses études en sociolinguistique africaine. Il constate que le français a pris une place non seulement importante dans la communication usuelle et, qu’en outre, il s'est adapté aux besoins de ses utilisateurs.

Pour apprécier le degré d’intercompréhension à Lubumbashi, il convient de considérer les liens qui existent entre les groupes sociaux et les variétés des langues. Le

succès ou l’échec de la communication ne dépendent pas des seuls facteurs internes de la structure linguistique. Le découpage de la communauté en groupe y joue un rôle important. La langue sert aussi à signaler l’appartenance du sujet parlant à un groupe social ou à le démarquer d’un autre groupe. Dans ce cas, il est difficile de recourir à des langues congolaises au-delà de sa province. Il y a des cas où un locuteur ne consent qu’à employer tel idiome pour signifier qu’il est de telle origine et qu’il en est fier , surtout en cas de plurilinguisme. Dans certaines situations conflictuelles, comme c’est le cas à Lubumbashi, le locuteur peut se refuser à utiliser la langue de l’autre de crainte de perdre sa langue, ou de se considérer comme inférieur à son partenaire. En pareil cas, le français joue un rôle important, et il est le moyen par excellence pour entrer en contact avec deux ou plusieurs personnes n’appartenant pas à la même province. Il apparaît comme une solution au problème du plurilinguisme que pose la ville de Lubumbashi. Et les Lushois s’identifient dans la langue française parce qu’elle permet l’intercompréhension. D’où l’image d’appartenance à la francophonie.

Oui alors si je vois quelqu’un qui parle en français il fait partie de la francophone euh de la francophonie + alors c’est la langue française qui est un peu parlée partout dans tout les pays francophones le français devient une langue internationale pour tout le monde (L8).

Le swahili euh j’aime beaucoup parler le swahili parce que le swahili sera compris par tout le monde celui qui a étudié et celui qui n’a pas étudié + si tu le parles en swahili il t’écoute facilement c’est pourquoi je préfère parler le swahili toutefois pour les étrangers et les gens d’autres tribus je vais utiliser le français parce que c’est une langue universelle (L9).