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CHAPITRE III : HETEROGENEITE LINGUISTIQUE DE LA VILLE DE LUBUMBASHI

III. 1. LE FRANÇAIS

La République Démocratique du Congo est un cas typique de la diversité linguistique, une « tour de Babel » ; c’est l’image souvent utilisée, en effet, par ceux qui s’intéressent à la réalité de ce pays de 60 millions d’habitants disséminés sur 2 645 000Km² de leur immense territoire et qui ont à leur disposition au moins de 250 langues.

Le domaine linguistique de ce pays constitue l’un des terrains les plus privilégiés où la violence symbolique s’est exercée sur le colonisé et le terrain d’affrontement et idéologique dont l’enjeu a été à la recherche d’une politique linguistique susceptible de faciliter le contact entre la civilisation supérieure et la civilisation inférieure. La préoccupation était celle de savoir, devant les affrontements et les divergences observées autour de la politique linguistique de la République Démocratique du Congo, quelle langue serait en mesure de mieux civiliser les Congolais.

A en croire Sesep (2009 : 51), deux options restaient certaines :  « soit l’utilisation d’une ou de plusieurs langue(s) européenne(s),  soit l’utilisation d’une ou de plusieurs langue(s) congolaise (s)».

Les avis ne sont pas unanimes à ce propos. Deux points de vue méritent d’être énoncés à ce stade, à savoir le point de vue européaniste et le point de vue indigéniste :

« Le premier point, les colonisés n’ont « ni langues, ni dialectes ». Ils disposent tout au plus d’une « nébuleuse d’idiomes » qu’on ne pourrait prendre pour modèles normatifs ni au niveau du code oral ni à celui de l’écriture. Et le second, Dekoster (1951 : 7)87 pense que si

l’on veut amener les Noirs (…) à un degré de civilisation avancée, il faut les instruire par les moyens d’une langue de diffusion mondiale ».

Le français reste, malgré tout, la seule langue de communication à l’échelle de tout le Congo. Le français, en tant que langue officielle, peut être défini en rapport avec un certain développement des fonctions administratives et étatiques et, dans certains cas, notamment celui des pays nouvellement indépendants, en rapport avec la définition de la « langue

nationale » par l’État, pour qui, justement, le choix d’une « langue officielle » se pose (Baggioni (1997 : 192).

Quant aux États qui ont acquis plus ou moins récemment leur indépendance après une colonisation européenne, la question du choix de la langue officielle a souvent abouti à la proclamation d’une ou de plusieurs langues nationales distinctes de la langue officielle. Les langues dites nationales, sans les attributs de la langue officielle, sont alors réduites parfois à des fonctions emblématiques. La langue officielle est la langue de l’ancien colonisateur dans la plupart des cas.

Pour Bitjaa Kody (2004 : 536), la langue officielle est une langue désignée dans la constitution d’un pays comme langue des institutions publiques. Elle est utilisée dans les activités gouvernementales, administratives, juridiques et éducatives. Elle sert aux échanges formels dans la vie publique.

Le français reste la seule langue officielle en RD Congo. Toutefois, selon Ngalasso (1990 : 389), avant la constitution de la CNS (1992)88, le statut de langues en RD Congo demeurait flou, dans la mesure où il n’avait jamais fait l’objet d’une quelconque proclamation législative ou constitutionnelle. Ainsi les différentes constitutions promulguées en RD Congo à ce propos restent contradictoires. C’est le cas du projet de constitution de la RD Congo (1999) qui attribue le statut de langue officielle à la langue française et anglaise. Ce texte fait de l’anglais une langue officielle au même titre que le français. Cette politique du bilinguisme qui définit le français et l’anglais comme tels a posé des problèmes en ce qui concerne son application. Pour y palier, la nouvelle constitution de la RD Congo du 18 février 2006, en son titre premier, premier chapitre et section première apportera la solution, en attribuant au français le statut de langue officielle. Ainsi, la politique congolaise, telle que présentée dans ces textes constitutionnels manque d’un réel engagement.

Certes, ces relations jouent un rôle très important dans la société congolaise. A Lubumbashi par exemple, la langue française est associée à l’urbanité et la citadinité. La pratique du français est un idéal à poursuivre. La population lushoise s’approprie le français au point que leur discours l’influence suite au contact avec les langues locales. Bref, pour un Lushois, les langues nationales relèvent du domaine dit de « la langue de la cité », domaine des langues ethniques ; celles-ci sont exclusivement des langues parlées en famille. Parler un

« dialecte » à Lubumbashi devient donc gênant, les locuteurs craignant d'être associés aux « broussards », comme déjà mentionné.

L’image du français auprès de la population congolaise en général et lushoise en particulier, reste positive. Nos enquêtés considèrent le français comme la langue du savoir, du bien être… comme nous l’évoquerons plus loin. Il demeure une langue de prestige pour un Lushois. Celui-ci peut même aller plus loin en reniant sa culture originelle. Il recourt pour cela à la langue française de manière spontanée, soit en parler multilingue, soit en parler unilingue. S’agissant du français au contact des langues en présence, à Lubumbashi, il se vehicularise et même se vernacularise ; car il ne se limite plus aux secteurs officiels ou aux seuls domaines formels. Son appropriation et sa présence dans la rue pourrait en constituer une preuve.

III. 2. LANGUES EN PRÉSENCE À LUBUMBASHI