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H. Thérapie du lymphome folliculaire

1. Standard thérapeutique

Moins de 10% des patients sont diagnostiqués alors que la maladie est à un stade précoce (I- II). Pour ceux-ci, la radiothérapie constitue le traitement de référence, puisque plusieurs études ont montré son impact bénéfique en terme de survie, sans récidive de la pathologie. Ce type de traitement conduit en effet à une médiane de survie de 19 ans (150). Il faut toutefois nuancer, car certains patients diagnostiqués précocement ne reçoivent pas de traitement, et une étude rétrospective suggère que ceux-ci présentent une survie comparable à celle des patients traités (151).

Cependant, la vaste majorité des patients est diagnostiquée avec une maladie à un stade avancé. Pour ceux-ci, la prise en charge est variable : en effet, les patients asymptomatiques, et chez lesquels la maladie progresse lentement, sont soumis à des approches de "watch and wait". La première explication de ce choix thérapeutique est qu'il existe des cas de régression spontanée de la pathologie. De plus, les résultats de plusieurs essais cliniques indiquaient que la survie des patients sans symptômes, qui étaient traités immédiatement, n'était pas meilleure que celle des patients qui n'étaient pas traités (152, 153). Par le passé, seules la chimiothérapie et la radiothérapie étaient disponibles pour les patients symptomatiques. Notamment, un cocktail de molécules chimio-thérapeutiques, regroupées sous le nom de CHOP (cyclophosphamide - hydroxydaunomycin - oncovine - prednisone) a fait ses preuves en thérapie du LF, mais plus pour sa capacité à augmenter le taux de réponse des patients que pour rallonger leur survie. L'administration combinée d'interféron alpha, ou encore la

fludarabine, utilisée seule, ont aussi été utilisées, mais ces différentes options n'ont pas non plus permis d'augmenter le temps de survie des patients traités.

Cet arsenal thérapeutique s'est ensuite enrichi, notamment avec les greffes autologues ou allogéniques. La transplantation de cellules souches autologues couplée à de hautes doses de chimiothérapie présente un intérêt non négligeable. Parmi les points positifs qui lui sont attribués, une réponse plus durable et des avantages de survie. Mais elle reste soumise à controverse, notamment par sa contribution à l'émergence de complications secondaires majeures, telles que le développement de tumeurs solides ou de myélodysplasies ou leucémies aigües (154).

Mais les progrès majeurs qui ont été réalisés en thérapie ont consisté en des approches d'immunothérapies. En effet, c'est le développement de l'anticorps monoclonal anti-CD20, appelé le rituximab (Mabthera®), qui a véritablement révolutionné le traitement du LF depuis ces 10 dernières années (155). Il s'agit d'un anticorps chimérique, c'est-à-dire qu'il possède une partie murine (domaines VH et VL d'un anticorps monoclonal de souris) et une partie

humaine (région constante d'une l'IgG1 humaine). Cette propriété diminue sa propension à générer des réactions immunogènes. Il a pour cible le CD20, antigène exprimé par les cellules tumorales. Il a d'abord été utilisé seul chez les patients. Il présentait alors un bénéfice somme toute médiocre avec un taux de réponse élevé (70%) mais pas de réponse complète. Ces observations ont conduit à utiliser le rituximab en combinaison avec les molécules de chimiothérapie classiques (CHOP). Cette modalité thérapeutique induit une réponse globale de 95%, dont près de 80% de réponse clinique complète, chez les patients. Ses effets moléculaires sont également surprenants, puisque les cellules de LF ne sont plus détectées dans le sang chez près de 50% des patients. L'efficacité avérée de cette association R-CHOP a fait qu'elle est devenue le traitement de référence en thérapie du LF en première ligne.

Le rituximab présente donc des bénéfices thérapeutiques avérés, mais ses mécanismes d'action semblent complexes : in vitro, 3 modes d'action lui sont associés (Figure 10).

Le premier mode d'action, à savoir l'effet direct, se produit par la fixation du rituximab sur sa cible, le CD20 de la cellule tumorale. Ceci induit l'engagement du CD20, mécanisme directement associé à sa translocation dans les radeaux lipidiques, où il va s'associer à des tyrosines kinases telles que Lyn, Fyn ou Lck. Ces tyrosines kinases vont alors être activées,

induisant ainsi l'activation de la PLCγ2, ce qui génère un flux calcique intracellulaire. Ceci active les caspases, et conduit à une augmentation de l'apoptose (156). L'ADCC est le second mécanisme d'action décrit du rituximab. Comme nous l'avons dit ci-dessus, le rituximab est un anticorps monoclonal chimérique, qui présente une partie murine variable qui reconnaît spécifiquement le CD20 humain, et une partie humaine constante, qui est le fragment constant (Fc) d'une IgG1 humaine. Ceci permet sa fixation à toute cellule effectrice exprimant des récepteurs au fragment Fc de l'IgG, à savoir les FCγRs, comme les NK, les neutrophiles ou les macrophages. Les FCγRs activateurs sont des récepteurs à motif ITAM. Leur activation suite à la fixation de l'IgG1 conduit à une phosphorylation dans ce motif ITAM, activant des voies de signalisation responsables de la libération d'immuno-modulateurs ou de molécules cytolytiques par les cellules effectrices. Enfin, le rituximab peut agir via la cytotoxicité dépendante du complément (CDC). Celle-ci est permise grâce à la fixation de la composante C1q du complément sur l'IgG1 (partie Fc) de l'anticorps. Ceci permet la liaison de cette partie Fc au C1qR de la cellule effectrice. La molécule majeure du complément, la C3b, est alors produite en quantité importante, ce qui génère des complexes d'attaque membranaires, responsables de la mort de la cellule cible tumorale.

La part relative de chacun de ces mécanismes d'action in vivo reste imprécise. On pourrait penser que l'action inhibitrice du rituximab sur la signalisation du BCR (157) sensibilise les cellules à l'apoptose induite par la chimiothérapie. Mais il est généralement admis que son mécanisme d'action majeur in vivo réside dans sa capacité à stimuler l'ADCC. Toutefois, la population effectrice qui serait responsable de cette réponse n'est pas encore totalement identifiée (NK, macrophages,..?).

Figure 10: Mode d'action des anticorps monoclonaux thérapeutiques. Les 3 modes d'action suggérés pour des anticorps tels que le rituximab sont: 1-l'effet direct, c'est à dire induction de mort par apoptose de la cellule tumorale suite à la fixation de l'anticorps sur le récepteur CD20. Cette liaison favoriserait l'inhibition de voies de signalisation impliquées dans la prolifération et la survie, comme p38/MAPK, ERK, ou NF-KB (158, 159). 2-la cytotoxicité dépendante du complément se produit grâce à la liaison de la partie Fc du rituximab à la sous-unité C1q du complément: ceci permet la fixation de l'anticorps sur le C1qR de la cellule effectrice, ce qui induit la production de CR3, molécule majeure du complément, par cette même cellule ; le complexe d'attaque membranaire qui en résulte induit la lyse de la cellule tumorale. 3-la cytotoxicité dépendante de l'anticorps (ADCC) est possible grâce à l'activation de la cellule effectrice générée par la fixation simultanée du rituximab sur le récepteur CD20 de la cellule tumorale, et sur le récepteur CD16 (FCγR) de la cellule effectrice (via son fragment Fc) ; l'effecteur ainsi activé sécrète des molécules lytiques responsables de la mort de la cellule tumorale. D'après (160).