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1. Concept d'immunité anti-tumorale et mécanismes d'immuno-évasion Lors du développement et de la progression tumorales, les cellules malignes mettent en place des mécanismes qui leur permettent d'échapper aux réponses anti-tumorales de l'hôte.

L'hypothèse selon laquelle les cellules du système immunitaires sont capables de maîtriser la maladie néoplasique, en éradiquant les cellules cancéreuses avant que la maladie ne devienne détectable cliniquement, a donné lieu au concept d'immuno-surveillance. C'est chez la souris que ces notions ont été validées, puisqu'il a été montré que des animaux immunodéficients présentent un risque beaucoup plus important de développer des tumeurs, spontanément ou à la suite de traitements par des agents carcinogènes (133). Chez l'Homme, la démonstration de l'existence d'une immunité anti-tumorale reste plus complexe, mais elle existe bel et bien, et certaines observations cliniques constituent des arguments en sa faveur. Des cas d'immunodéficience sont en effet propices au développement de cancers: les patients traités par immuno-suppresseurs (transplantation, maladies inflammatoires chroniques,...) représentent des groupes à risque plus élevé de développer des tumeurs (134, 135). D'autres

arguments démontrent ce concept d'immuno-surveillance anti-tumorale chez l'Homme: notamment, l'efficacité préventive et curative de certains vaccins (carcinome utérin par exemple), l'action bénéfique des thérapies menées avec l'IL 2 ou les traitements d'immuno- stimulation avec des antigènes tumoraux, ou encore la corrélation avérée entre la présence au sein des tumeurs de TILs (Tumor Infiltrating Lymphocytes) et le meilleur pronostic des patients (136) (pour revue, voir (137)).

L'immunoediting des tumeurs est un concept basé sur le fait que la progression tumorale est dépendante du système immunitaire de l'hôte. Celui-ci se décompose en trois étapes. La première, dite phase d'élimination (immunosurveillance), se caractérise par la destruction des cellules tumorales. Toutefois, cette destruction peut être inefficace, et conduire à une phase d'équilibre, celle-ci étant décrite comme une étape durant laquelle les cellules immunitaires contrôlent l'expansion du clone tumoral, mais ne parviennent pas à l'éradiquer. Enfin, la dernière phase, dite d'échappement, est définie comme la prolifération totalement incontrôlée de la tumeur, qui échappe à toute pression du système immunitaire. On parle alors d' "immune escape".

Les processus mis en œuvre pour contribuer à cet échappement sont multiples. Par exemple, les cellules tumorales peuvent se rendre "invisibles" vis-à-vis des CTL, via la diminution de l'expression des molécules du CMH de classe I. Cette diminution permet la survie, mais aussi la dissémination métastatique des cellules tumorales, dans le mélanome notamment (138).

L'inhibition des voies de mort induites par les CTL ou les cellules NK est un autre mécanisme d'échappement décrit. Par exemple, la sécrétion de FAS-L soluble, qui va induire la mort des cellules effectrices exprimant le récepteur FAS (139). Mais cette voie peut également être inhibée via la surexpression de protéines anti-apoptotiques comme FLIP (FADD-like IL-1b- converting enzyme inhibitory protein). Certaines protéines connues pour contrecarrer l'effet cytolytique de la perforine et des granzymes, comme la serpine PI-9, ont également été décrites comme étant surexprimées dans une fraction conséquente des LNHs, et, dans une moindre mesure, dans certains cas de MH (140).

Enfin, le profil sécrétoire des cellules malignes peut être directement associé à une diminution de la réponse immunitaire anti-tumorale. Certaines molécules sécrétées par les cellules tumorales présentent des fonctions immunosuppressives, comme l'IL-10, le TGF-β, ou encore la prostaglandine E-2 (PGE2), ou l’indoléamine-2-3-déoxygénase (IDO) (141). D'autres

facteurs solubles sécrétés permettent l'établissement d'un microenvironnement pro-tumoral par les cellules cancéreuses elles-mêmes, via le recrutement de types cellulaires propices à la progression tumorale, tels que les macrophages ou les lymphocytes Treg, que nous avons décrits précédemment.

2. Application aux lymphoproliférations malignes de type B

Ces considérations ont également été étendues au domaine des LNHs. En effet, des défauts d'expression des HLA-I, en raison de lésions affectant le gène de la β2-microglobuline, ont été décrites dans certains sous types de lymphomes, du système nerveux central notamment (142). Un travail plus récent de l'équipe de Riccardo Dalla-Favera confirme ces données chez les patients atteints de LBDGC, en ajoutant que des mutations et délétions affectant le gène codant pour le CD58 y sont retrouvées aussi, et ont la même conséquence (143).

Une autre adaptation cellulaire de la cellule tumorale décrit est le défaut de fixation de la perforine sur la membrane des cellules leucémiques, ceci empêchant leur lyse par le système perforine/granzyme dans les lignées cellulaires et cellules de patients atteints de leucémie aigüe myéloïde (AML) (144).

Mais la résistance des cellules tumorales au système immunitaire peut aussi résider dans leur capacité à détourner les fonctions cytotoxiques de certains effecteurs présents dans le microenvironnement, tels que les cellules NK ou les lymphocytes T par exemple. Ces cellules sont connues notamment pour agir via la stimulation du récepteur FAS. Or, les mécanismes décrits pour contourner ce phénomène sont nombreux: mutation du récepteur FAS, sécrétion de FAS-L (145) (qui va stimuler le récepteur FAS, présent en surface des cellules cytotoxiques, induisant ainsi leur mort), ou encore diminution de l'expression des récepteurs de mort tels que FAS, le récepteur au TNF, ou à TRAIL. Dans le LF aussi, ces détournements du système immunitaire de l'hôte par les cellules tumorales ont lieu. Ainsi, une étude récente de l'équipe de Ronald Lévy montre que les cellules tumorales de LF sont capables d'induire une conversion du phénotype lymphocytaire T CD4 en Treg, contrairement aux cellules B normales (146). Or, ces lymphocytes représentent une population immunitaire du microenvironnement qui possède des fonctions immuno-modulatrices favorables à la progression tumorale (147), comme évoqué précédemment. Très récemment, il a aussi été montré que l'IL-12 sécrétée par les cellules B lymphomateuses est responsable de

l'épuisement des lymphocytes T cytotoxiques présents sur le site tumoral. Cette étude révèle aussi que la présence de cette cytokine en concentration importante dans le sérum des patients est un facteur de mauvais pronostic (148).

Figure 9: Modèle des interactions micro-environnementales dans le LF et contribution à la

progression tumorale. Les différents types cellulaires non tumoraux présents dans le ganglion malin

présentent des fonctions antagonistes. Les CFD favorisent la prolifération et la survie des cellules de FL via la production de cytokines et de facteurs de croissance ; les cellules immunitaires de type macrophage M2 et Treg représentent des facteurs de mauvais pronostic, en raison de leurs capacités à détourner les capacités d'immunosurveillance des effecteurs de l'immunité anti-tumorale (représentés ici par les macrophages de type M1, et les CTL). L'ensemble de ces interactions est propice au développement tumoral (chapitre suivant). D'après (132).

Enfin, des dysfonctions "mécaniques" de la réponse immunitaire ont fait l'objet d'investigations dans le domaine. Notamment, un défaut de formation de la synapse immunologique a été rapporté dans les LF et DLBCL (149). Or, la fonctionnalité de cette interaction moléculaire entre la cellule "tumorale" et la cellule effectrice de type CD8 est indispensable pour le déclenchement de la réponse immunitaire adaptative.