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D'un point de vue morphologique, le LF présente toutes les caractéristiques du CG des organes lymphoïdes secondaires. Il se définit comme la prolifération de cellules malignes issues du centre germinatif. Outre les centrocytes et les centroblastes tumoraux, on y retrouve des cellules saines, telles que les lymphocytes T, quelques macrophages, ou encore des CFD, ces dernières étant organisées sous la forme d'un réseau hyperplasique et dissocié. Le LF se définit donc par une architecture nodulaire, plus ou moins diffuse.

C'est lors de la lymphopoïèse B, qui a lieu dans la moelle osseuse, que l'une des étapes initiatrices du LF se produit. En effet, cette lymphopoïèse, utile à la genèse du répertoire B, se caractérise par des processus accrus de réarrangement des gènes codant pour les Ig, propices à l'émergence d'altérations moléculaires. C'est une translocation chromosomique, sur laquelle nous reviendrons plus en détail ci-après (§I-3), qui permet à un lymphocyte B génétiquement modifié de subsister dans la moelle, et de transiter dans le CG d'un organe lymphoïde secondaire où, suite à la stimulation antigénique, elle subira d'autres modifications génétiques qui conduiront in fine à l'apparition du clone tumoral.

2. Phénotype

Les cellules tumorales de LF sont histologiquement différenciées. Leur phénotype est apparenté à celui des cellules de type B du CG. En effet, des marqueurs B spécifiques, tels que le CD19, le CD20, le CD22 et le CD79a, sont retrouvés sur les cellules tumorales de LF, associés à des marqueurs spécifiques du CG, que sont la centerine, BCL6, CD10 et CD38. Les cellules de LF expriment également des Ig de surface, à des niveaux d'expression variables, avec une prédominance pour l' IgM, suivie par l'IgG puis l'IgA. Enfin, les cellules de LF sont positives pour le récepteur CD95 (Fas), mais aussi pour les molécules CD40 et CD86, en général à des niveaux plus faibles que dans le CG (40). Dans plus de 80% des cas, elles sur-expriment la protéine BCL2 suite à la translocation chromosomique t(14;18) - voir plus bas. En revanche, elles sont habituellement négatives pour les antigènes CD5, CD43, FOXP1 et MUM1. La spécificité des CFD que nous avons évoquées plus haut peut être mise en évidence par les anticorps anti-CD21 et CD23. Contrairement aux ganglions réactionnels, les follicules tumoraux se caractérisent par un index de prolifération bas, illustré par un faible marquage pour l'antigène nucléaire Ki-67 (clone Mib-1), celui-ci étant inversement corrélé à la surexpression de Bcl2 (41).

3. Translocation t(14;18)

La translocation t(14;18)(q32;q21) est détectée dans 85% des cas de LF. Elle consiste en l'échange réciproque et équilibré de matériel entre les chromosomes 14 et 18. Celle-ci se produit suite à une cassure double-brin au niveau du chromosome 14, sur le locus de l'IgH, phénomène généralement attribué à un problème de clivage induit par RAG au cours de la recombinaison V(D)J (42). En parallèle, sur le chromosome 18, une fragilité des sites CpG induit la cassure au niveau du locus BCL2 (43). La résultante en est le placement du proto- oncogène BCL2 sous le contrôle du promoteur (Eµ) du gène codant pour les chaînes lourdes des Ig (IgH, segment JH) (figure 6). Cette translocation est directement responsable d'une surexpression du gène, et de la protéine Bcl2 sous sa forme fonctionnelle (44, 45). Or, Bcl2 est une protéine située sur la membrane de la mitochondrie, connue pour inhiber la mort cellulaire programmée (apoptose). Ce phénomène confère donc aux cellules lymphomateuses un avantage de survie dans le CG, où toutes les cellules sont au contraire négatives pour cette protéine, et extrèmement sensibles à l'apoptose.

Le dépistage du LF passe par une étape de détection de cette protéine Bcl2, via des approches d'immunohistochimie par exemple. Mais l'existence de multiples points de cassure dans le locus BCL2 peut engendrer des faux négatifs, si l'épitope reconnu est impacté par la translocation ; ces approches sont donc en général complétées par des techniques de biologie moléculaire, telles que le FISH, qui permet de détecter près de 95% des mutations de BCL2 sur le chromosome 18q21 à l'aide d'une sonde spécifique. Il est intéressant de noter que certains LF positifs pour Bcl-2 ne sont pas porteurs de la translocation t(14;18) (46).

Bien que l'expression de Bcl2 soit généralement considérée comme un marqueur typique du LF, elle n'est pas suffisante pour diagnostiquer la pathologie ni même pour l'expliquer, puisqu'elle est également retrouvée dans 15 à 20% des cas de LBDGC et de lymphomes du MALT (Mucosa-associated lymphoid tissue), et absente dans 5 à 10% des cas de LF (47, 48).

Il est intéressant de rappeler que ces LF n'exprimant pas Bcl-2, eux, impliquent Bcl-6, dont l'expression est alors liée à une autre translocation chromosomique, la t(3;14) (49). Bien que l'expression de Bcl-6 soit généralement associée à des cas de lymphomes plus agressifs, comme les LBDGC, une étude suggère que ces LF t(3;14)+ ne présentent pas un pronostic plus sombre que celui des LF t(14;18)+ (49).

Il semblerait que dans ces rares cas ou Bcl-2 est absent, d'autres molécules impliquées dans la signalisation apoptotique, telles que Bcl-XL ou Bad, inhibent la mort cellulaire dans les

Figure 6: Mécanismes de la translocation chromosomique t(14;18) dans le LF. Sur le chromosome 14, les points de cassure présents dans le locus de l'IgH se situent au niveau du segment JH ; sur le chromosome 18, dans le locus BCL2, les régions mcr, MBR et vcr (Minor cluster region, Major Break Region,

variable cluster region) sont susceptibles d'être clivées. dans cet exemple, c'est le locus MBR qui est clivé. Le

réarrangement entre les 2 chromosomes place BCL2 en amont du promoteur du gène codant pour l'IgH. D'après (50).

E. Lymphome Folliculaire: Succession d'anomalies moléculaires et