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5.2. Décision d’émigrer

5.2.2. Stagnation

Quand l’impasse politique et économique se prolonge, on finit par perdre l’espoir de retour vers une situation positive. La stagnation ou la détérioration du milieu de vie, incite les sujets à partir pour chercher une meilleure vie à l’étranger. Elle peut se situer tant au niveau global que personnel et parfois, bien que la situation générale soit acceptable, les perspectives d’avancement professionnel sont absentes.

Natalie évoque le marasme économique qui perdure dans son pays d’origine, la Russie, comme principale raison de sa décision d’émigrer. En 1998, elle perd son emploi et décide à ce moment d’entamer les démarches pour immigrer à Montréal où vit son frère. Nadia qui occupait un emploi intéressant dans son pays d’origine, la Roumanie, ne voyait pas de perspectives d’évolution de carrière. De plus, de nombreux voyages en Europe occidentale lui font réaliser la différence de niveau de vie entre la Roumanie et les pays occidentaux. Le projet d’émigration correspond donc au désir d’atteindre une qualité de vie comparable. Eva, bien qu’elle occupe un bon emploi en Colombie, souhaite vivre à Montréal qu’elle a visité quelques années plutôt. Elle pense avoir une

meilleure qualité de vie dans un endroit qui peut lui offrir la sécurité, des services sociaux, des activités culturelles et sociales, de bonnes perspectives d’avenir.

Parfois, la situation professionnelle peut être très satisfaisante mais les conditions générales de vie sont jugées inacceptables. Sergi raconte :

J’avais un très bon emploi, je gagnais bien ma vie mais je ne me sentais pas à l’aise. Il y avait beaucoup de difficultés et je ne me sentais pas en sécurité. Physiquement je n’étais pas bien et donc je me suis dit, je pars et j’aimerais rester ailleurs. C’est avant tout pour avoir un avenir parce que je sentais que je mourais à petit feu…

Sergi, Haïti

Partir correspond donc pour Sergi au désir de trouver un endroit où on peut satisfaire le besoin de sécurité, planifier son avenir, éventuellement fonder une famille et assurer une bonne vie à ses enfants.

Pour Rachid, la vie en Algérie semblait de plus en plus intolérable avec la dégradation de la situation qui est survenue dans son pays suite aux changements des années 1980. L’expatriation professionnelle en Europe a renforcé sa décision d’immigrer pour retrouver une qualité de vie comparable à celle connue en Europe et dans l’Algérie d’autrefois. Sa définition de la qualité de vie ne se limite pas aux questions uniquement économiques. Rachid souhaite avant tout pouvoir profiter des activités culturelles, sortir sans contrainte, avoir des loisirs et une bonne qualité de vie pour les années à venir.

Pour Elias et Mario, un séjour prolongé en France constitue le pont vers le Québec. Elias, après avoir fini ses études en France, ne souhaite pas retourner

au Sénégal (son pays d’origine), mais rester en France n’est pas envisageable comte tenu de l’expiration prochaine de son visa. Suite à une séance d’information de la délégation québécoise en France, il prend la décision d’entamer le processus d’immigration. Jeune et fraîchement diplômé, il cherche un meilleur avenir que celui qu’il pourrait avoir dans son pays d’origine. Mario, originaire du Liban, à la fin de ses études en France, décide d’y chercher un emploi dans son domaine et parallèlement d’entamer les démarches d’immigration pour le Québec au cas où ses recherches d’emploi en France ne donnent pas de résultats positifs. Tel que le dit Mario, les problèmes politiques et économiques « extrêmes » au Liban : le manque de sécurité, les guerres à répétition, le marasme économique et le taux de chômage élevé, l’incitent à émigrer pour avoir une vie normale dans un pays stable.

Pour Lounia et Mouss, se conformer aux normes de leur pays d’origine pose problème. À noter que les deux ont vécu un séjour prolongé à l’étranger avant de retourner en Algérie et au Maroc respectivement et de prendre la décision d’émigrer. Lounia a obtenu une bourse d’études pour faire une maîtrise en France et durant cette période, elle décide d’entamer les démarches pour immigrer au Québec. Bien qu’en Algérie elle occupe un emploi stable qu’elle aime, elle souhaite partir pour pouvoir vivre à sa manière. Elle dit qu’être une femme divorcée est mal vu dans son pays et être divorcée deux fois signifie de perdre son statut de femme respectable. Émigrer signifie pour elle de retrouver la liberté de vivre sa vie en étant tranquille, sans le conflit interne de devoir se conformer aux normes imposées par la société tout en étant consciente que ces normes ne lui conviennent pas.

Mouss a fait des études en Russie avant de retourner dans son pays d’origine, le Maroc. Après son retour, il réalise qu’il se trouve en décalage énorme par rapport à la réalité sociale de son pays d’origine. En tant qu’ingénieur d’État, il

est censé vivre selon certaines normes propres à son milieu social mais qui ne lui conviennent pas personnellement. De plus, il est ennuyé par la corruption, la polarisation de la société entre les très riches d’un côté et les pauvres de l’autre, par l’appauvrissement de la classe moyenne. Tout cela le dérange et pèse sur sa décision d’émigrer pour pouvoir vivre librement sans pression sociale et avec « le sentiment d’être citoyen que je n’ai jamais senti au Maroc » (Mouss, Maroc).