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À la lumière de ces écrits, nous pouvons constater que le concept d’intégration, tel qu’il a été défini dans le passé, reflète peu ou pas la réalité du monde actuel : notamment, parce qu’il ne prend pas en considération les changements liés à la

mondialisation, survenus à partir des années 1970 (Fortin, 2000, 2002; Labelle, Marhraoui, 2001; Wieviorka, 2008, 2008a). D’autre part, le Sujet est souvent absent des débats sur l’intégration centrés sur les États et ses institutions ainsi que sur la société d’accueil. Le paradigme transnationaliste permet de pallier ce manque en repensant l’intégration comme un processus dynamique qui tient compte des avancés technologiques et des transformations politiques, économiques et sociales contemporaines (Ambrosini, 2008; Inglis, 2007, Plaza, 2008; Portes, 1997). Il reconnaît des opportunités nouvelles qui se présentent aux migrants et leur redonne le rôle central dans la définition et la mise en place de leur projet migratoire, dans la négociation de leur appartenance et leur identité. L’apport théorique du transnationalisme au débat sur l’intégration étant incontestable, il reste que la majorité des immigrants ne s’engage pas dans cette voie (Vertovec, 2001). Le renouveau de la perspective assimilationniste au début des années 2000, semble plutôt de réaffirmer une volonté (bien qu’elle soit située plutôt du côté des États et de la société d’accueil) de l’intégration la plus complète possible des immigrants à la société majoritaire. Les auteurs se réclamant de ce paradigme affirment que s’assimiler à la société d’accueil est dans l’intérêt même des immigrants qui parviendraient de cette façon à se tailler une place au sein de la société du pays de destination (Alba, Nee, 1999, 2003; Bean, Stevens; Joppke, Morawska, 2003; Waters, Jimenez, 2005). Cette affirmation reste toutefois questionnable si on s’intéresse à la satisfaction des immigrants eux-mêmes. Safi remarque que la satisfaction de vie des immigrants n’augmente pas nécessairement avec les années passées dans le pays d’immigration, et dans certains cas ne s’améliore pas chez les immigrants de la deuxième génération (Safi, 2010).

Dans la deuxième partie de ce chapitre, nous avons analysé plus particulièrement la question de l’intégration socioprofessionnelle des immigrants en cherchant à dégager des causes des résultats différenciés de

certains immigrants par rapport aux autres sur le marché du travail dans les divers pays occidentaux. Entre autres, l’impact de la communauté, des réseaux sociaux, de la présence de membres de la famille et ou encore les structures d’accueil du pays de destination ont été étudié (Goodwin-White, 2006; Jones, 2008; Kolios, 2006; Lewin-Epstein et al., 2003; Lo, Wang, 2004; Nee, Sanders, 2001; Takenoshita, 2008; Von Tubergen et al., 2004). En plus de l’analyse de ces facteurs externes, les études qui portent sur les trajectoires socioprofessionnelles des travailleurs immigrants ont mis en lumière les acteurs porteurs d’une réflexivité, d’une capacité de mobiliser le capital social, culturel ou économique et de mettre en place des stratégies pour atteindre une situation professionnelle satisfaisante (Blain, 2006; Hachimi, Alaoui, 2006; Fortin, 2002; Liversage, 2009; Rojas-Viger, 2006). Plus rarement se pose la question à savoir qu’est ce qu’un bon emploi, une satisfaction en emploi, une intégration professionnelle accomplie ou réussie (McAll, 1996; Junanakar, Mahuteau, 2005). En somme, bien que l’acteur retrouve un rôle actif dans le processus de l’intégration il reste encore majoritairement absent de la définition de ce qui serait pour lui une « intégration réussie ». Dans ce sens, notre étude, dans une perspective centrée sur les sujets et leur expérience d’immigration et d’intégration, s’intéresse à leur cheminement et au sens donné à ce cheminement. En passant par les attentes, les projets, les besoins, les rêves en lien avec le projet d’immigration, les stratégies mise en place, elle cherche à mettre en scène leur cheminement vers une intégration réussie qui se veut être « réussie ».

Le chapitre suivant présente les principaux concepts et les théories sur lesquels s’appuie notre analyse des trajectoires et de l’intégration socioprofessionnelles des travailleurs qualifiés au Québec.

CHAPITRE III

CADRE THÉORIQUE ET CONCEPTUEL : LE

SUJET ET SA TRAJECTOIRE

3.1. Introduction

Le chapitre précédent nous a permis d’illustrer la complexité de la problématique de l’intégration des travailleurs immigrants, à partir de la revue de littérature des recherches actuelles. Nous avons constaté que malgré une littérature abondante qui porte sur cette question, peu de recherches abordent l’intégration depuis la perspective des acteurs. Puisque notre recherche est centrée sur l’acteur et ces moments où il se positionne comme sujet de son intégration, le présent chapitre vise tout d’abord à expliquer ces notions. Nous cherchons au départ à définir le sujet tel qu’il est articulé dans notre recherche : le sujet moderne avec ses contradictions et ses tensions, sa subjectivité, son identité et son agentivité. Ce retour sur le sujet nous permettra ensuite de situer l’expérience de l’immigration et de l’intégration dans les dimensions psychologique et sociologique, individuelle et sociale, déterminée ou non.

À partir de cette réflexion, nous établirons le lien entre le sujet et l’emploi en nous attardant plus longuement sur la fonction du travail dans la vie du sujet moderne. La partie finale qui replace le sujet au cœur de sa trajectoire

(socioprofessionnelle) introduit les enjeux méthodologiques de la présente recherche, présentés dans le chapitre suivant.