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1.4.1. Les stéroïdes

Les stéroïdes sont une classe particulière de molécules dont l’origine remonte très loin dans l’histoire de la vie. Ils partagent des particularités qui en font des candidats intéressants comme molécules de signalisation. Leurs caractéristiques physico-chimiques leur permettent de voyager dans l’organisme sous différentes formes : liés à des protéines, libres, complexés à d’autres lipides ou modifiés (215). Leur propriété amphiphile leur permet par ailleurs de voyager d’un compartiment cellulaire à un autre, par déplacement de flux ou par transport vésiculaire (215). Cette quasi-omniprésence des stéroïdes dans l’organisme résulte en l’existence d’un flux continuel qui établit un équilibre homéostatique entre les différents réservoirs.

Les stéroïdes proviennent des deux sources que sont l’alimentation et la biosynthèse. Chez l’homme moyen, environ un gramme de cholestérol est synthétisé par jour et complémente les 200 à 300 milligrammes absorbés dans la diète (216). Les sites principaux de synthèse du cholestérol chez les mammifères sont le foie, les intestins, les surrénales et les organes reproductifs (217). Le cholestérol est la molécule de base pour la synthèse des autres stérols, dont la fonction varie énormément en fonctions des modifications à sa structure de base. En général, on compte cinq grandes classes de stérols qui sont déterminées par la longueur de la chaine carbonée en position 17 (218). Les cholestanes sont des molécules à 27 carbones et comprennent le cholestérol (218). Les cholanes sont des molécules à 24 carbones comprenant les acides biliaires (218). Les pregnanes sont des molécules à 21 carbones, les androstanes à 19 carbones et enfin, les estranes à 18

carbones (218). Chacune de ces familles regroupe un ensemble de molécules dont les fonctions et affinités pour les diverses enzymes stéroïdogéniques sont variées.

Le cholestérol est une molécule terpénique dérivée de l’isopentenyl pyrophosphate (219). Sa condensation mène à la formation de squalène dans le réticulum endoplasmique, une molécule extrêmement répandue dans l’arbre de la vie, retrouvée autant chez les animaux que chez les végétaux (219). Par ailleurs, le squalène est utilisé commercialement dans la fabrication de crèmes hydratantes, étant le lipide le plus produit par les cellules de la peau humaine. Dans la synthèse du cholestérol, le squalène est ensuite cyclisé en en lanostérol qui lui-même sera, en 19 étapes enzymatiques, converti en cholestérol (219).

Le cholestérol, en plus de son rôle de régulation de la fluidité membranaire, sert de base pour la synthèse de tous les autres stéroïdes, notamment les stéroïdes sexuels que sont les pregnanes, les androstanes et les estranes (218).

1.4.2. Les étapes précoces de la stéroïdogenèse

Étant largement insoluble dans l’eau, la vaste majorité du cholestérol cellulaire est retrouvée dans les membranes, avec une petite proportion complexée à des protéines (220). Dans les membranes, le cholestérol se complexe avec divers phospholipides où il assure la fluidité (220). C’est donc le cholestérol en excès de cet équilibre qui est considéré comme disponible à des réactions subséquentes (220). Conséquemment, la capacité de transfert ou de stockage du cholestérol est reliée à la composition de la membrane cellulaire, avec comme paramètres la taille du groupement hydrophile et l’insaturation de la chaine carbonée (220). Le cholestérol transite entre les différentes membranes de la cellule par transport vésiculaire ou protéique de façon à maintenir les concentrations adéquates de cholestérol dans les différents compartiments. De 30% à 40% des lipides cellulaires sont du cholestérol, dont la vaste majorité se retrouve dans la membrane plasmique tandis que les autres organelles en sont relativement beaucoup moins enrichies (220).

Quatre sources principales de cholestérol sont employées par les cellules stéroïdogéniques : la synthèse de novo (220), l’utilisation du cholestérol stocké dans les membranes cellulaires, l’utilisation du cholestérol estérifié stocké dans les gouttelettes lipidiques et la capture de cholestérol couplé aux protéines de transport en circulation (220). Les gouttelettes lipidiques sont des structures présentes dans toutes les cellules (221). En comparaison, les cellules stéroïdogéniques possèdent des gouttelettes lipidiques plus petites, mais plus nombreuses (221). Dans les cellules de Leydig, la stimulation par la LH a non seulement l’effet d’augmenter l’absorption de cholestérol circulant dans un processus dépendant de l’AMPc, mais aussi celui d’augmenter

l’expression des gènes de la famille des facteurs de liaison des éléments régulateurs des stérols (SREBPs), responsables de la régulation de l’expression des gènes codant pour les protéines nécessaires à la synthèse de novo du cholestérol (220, 222). Néanmoins, le substrat préférentiel pour la synthèse de stéroïdes actifs par les tissus stéroïdogéniques demeure le cholestérol fourni par les gouttelettes lipidiques (221). Ce cholestérol est principalement libéré des gouttelettes lipidiques via l’action de la lipase sensible aux hormones encodée par le gène Lipe (220).

Dans la cellule, le cholestérol sera transporté par transport vésiculaire et non vésiculaire jusqu’à la mitochondrie via plusieurs mécanismes, en particulier via les protéines de la famille SNARE (220). Ce système de trafic interne de cholestérol permettra aux protéines de la famille START de prendre le relais et diriger le cholestérol vers la première étape de la synthèse des stéroïdes actifs (220). L’étape finale et critique de ce transit est médié par la protéine STAR (220). Cette dernière participe à la stéroïdogenèse en permettant au cholestérol de transiter de la membrane externe vers la membrane interne de la mitochondrie où la première enzyme de modification est localisée (220). Le rôle primordial de STAR a été démontré par l’invalidation du gène chez la souris, qui se montre létale dans les jours suivants la naissance (223). Cette létalité « retardée » s’explique par une compensation à l’âge fœtal via une protéine présente dans le placenta nommée MLN64 et qui possède une homologie à plusieurs niveaux avec STAR (224). Par ailleurs, il est intéressant de noter que dans la famille de protéines START, STAR est le seul membre dont l’invalidation a été rapportée comme ayant un effet phénotypique (220).

La protéine de translocation de 18 kDa (TSPO) a longtemps été perçue comme étant un partenaire important de la protéine STAR dans la stéroïdogenèse à cause de sa capacité à stimuler la production de progestérone, notamment dans les cellules de Leydig (225). De récentes évidences ont montré que cette association, aussi plausible fut elle, était à tout le plus, circonstancielle, explicable par un effet non-ciblé de l’inhibiteur utilisé pendant des décennies. La série d’expérience ayant mené à cette conclusion est décrite dans une récente, et particulièrement intéressante, revue publiée par le Dr Douglas M. Stocco (226).

Malgré tout, les enzymes responsables des étapes précoces de la stéroïdogenèse ont été bien caractérisées. La synthèse de stéroïdes actifs est commune à tous les tissus et consiste en une série de trois réactions d’hydroxylation comprenant la coupure de la chaîne carbonée en position 21 par l’enzyme CYP11A1 (220). Cette enzyme a la particularité d’être ancrée sur la surface interne de la mitochondrie, d’où l’importance de la protéine STAR à son action (220). La CYP11A1, utilise des flavoprotéines comme source d’électrons afin de catalyser une série de réactions d’oxydo-réduction qui donneront comme produit la prégnénolone (220). Cette

réaction constitue la première étape, limitante et universelle à la synthèse de tous les stéroïdes produits par les mammifères (220). La CYP11A1 étant constitutivement active, on comprendra que STAR est le véritable maitre d’orchestre de son activité, mettant l’accent sur l’importance de la compréhension de sa régulation.

1.4.3. La synthèse de stéroïdes actifs

La stéroïdogenèse à partir du cholestérol est un processus qui prend cours dans plusieurs compartiments de la cellule. Les enzymes cytochromes p450 et les déshydrogénases sont deux classes d’enzymes qui jouent un rôle primordial dans cette chaîne métabolique en catalysant les réactions d’hydroxylation et de coupure par l’entremise de la réduction d’oxygène moléculaire, encore une fois via les flavoprotéines.

Tel que mentionné précédemment, le cholestérol est en premier lieu importé dans la mitochondrie par l’entremise de la protéine STAR. Cette dernière va permettre à l’enzyme CYP11A1 de catalyser trois étapes successives d’oxydation sur la chaine carbonée du cholestérol. Le produit final de cette réaction, la prégnénolone, peut passivement diffuser à l’extérieur de la mitochondrie vers le réticulum endoplasmique, où les étapes subséquentes de la synthèse des stéroïdes peuvent se poursuivre.

Chez la souris, le chemin métabolique préférentiel dans les cellules de Leydig est catalysé par l’enzyme HSD3B1 qui a comme produit la progestérone (145). Cette voie diffère de chez l’humain, où la voie préconisée dans les cellules de Leydig est celle de la CYP17A1, dont le produit final est la DHEA (227). La DHEA est ensuite transformée en testostérone par le biais des enzymes 3βHSDII et 17βHSDIII (227). Chez la souris, l’oxydation de la progestérone se fait dans un second temps par la CYP17A1 et donne comme produit de réaction le Δ4-androstènedione. Ce dernier sera ensuite réduit par la HSD17B3 en testostérone, le produit final de la stéroïdogenèse dans les cellules de Leydig. De nombreuses étapes subséquentes auront lieu dans les tissus périphériques afin d’obtenir différents métabolites actifs (228). Le plus important dans le développement et le maintien des caractéristiques externes mâles est la dihydrotestostérone, résultant de la réduction de la testostérone par la 5α-réductase (227). Cependant, il est reconnu que la testostérone doit aussi être aromatisée en estradiol par l’aromatase afin de pouvoir exercer ses effets masculinisant sur le cerveau en développement des mammifères mâles (229). La Figure 1.4 offre un portrait sommaire des différentes voies métaboliques que peut emprunter la prégnénolone en fonction du tissu, mais surtout du contexte moléculaire. En effet, l’affinité des enzymes pour leur substrat est non seulement dépendante du tissu, via l’expression spécifique des enzymes, mais aussi de la présence de cofacteurs nécessaires à leur activité (227).

Figure 1.4. Représentation graphique des enzymes et divers intermédiaires de la stéroïdogenèse.

La taille des flèches représente l’affinité enzymatique et ainsi, la voie préférentielle pour chaque intermédiaire. Chez l’humain, la voie préconisée dans les cellules de Leydig est celle de la CYP17A1, dont le produit final est la DHEA. Contrairement au tissu surrénal où la voie de la sulfatase est préconisée, dans les cellules de Leydig, la DHEA est subséquemment transformée en testostérone. La testostérone agit directement sur ses tissus cibles ou via la

dihydrotestostérone, obtenue par le biais de la 5α-réductase. La dihydrotestostérone peut aussi être obtenue par le biais d’un mécanisme alternatif n’impliquant ni la testostérone, l’androstènedione ou la DHEA, mais bien des intermédiaires provenant de la progestérone réagissant avec forte affinité avec la 5α-réductase en amont de la 17βHSD. Ceci supporte l’importance de bien connaître le contexte moléculaire et enzymatique, de façon à comprendre les implications sur la synthèse de stéroïdes spécifique à chaque tissu.