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4.1. Généralités

La sténose aortique (SA) est caractérisée par un remodelage fibrocalcique progressif et l’épaississement des feuillets de la valve aortique qui évolue au fil du temps provoquant une obstruction de l’écoulement du flux sanguin au travers de celle-ci (231). Un remodelage cardiaque va également s’installer, causé par la surcharge de pression du ventricule gauche afin compenser le rétrécissement de la valve aortique. La SA est

le trouble valvulaire le plus répandu dans les pays développés et la prévalence de la maladie est d’environ 0,4% dans la population générale et de 2,8 à 4,6% dans la population âgée de 75 ans et plus (232). D’ailleurs, il a été longtemps suggéré que la SA était causée par l’usure normale, résultant d’une accumulation de calcium dans la valve. Cependant, un grand nombre d’études ont démontré que le processus de calcification de la valve aortique entraînant une sténose n’est pas seulement qu’une question d’âge (233-235). Une multitude de facteurs de risques sont associés à la SA, par exemple, le syndrome métabolique, l’obésité, la bicuspidie aortique, l’hypertension artérielle, le tabagisme, le diabète de type 2, le sexe masculin, l’âge, la sclérose aortique, le stress oxydatif, des niveaux élevés de cholestérol LDL et de la Lp(a), les phospholipides oxydés (OxPLs; oxidized phospholipids) et l’athérosclérose (233, 235-237). Certains de ces facteurs sont associés à la progression accélérée de la SA, notamment l’hypertension, le syndrome métabolique, les concentrations élevées de Lp(a) et d’OxPLs (129, 236). De plus, quelques variants génétiques ont été identifiés dans la SA et l’un des premiers ayant été rapporté est dans le gène NOTCH. Selon des études, NOTCH1 influence l’expression de RUNX2 (Runt-related transcription factor 2) et BMP2 (bone morphogenetic

protein 2) qui participent aux processus de calcification de la valve aortique, favorisant ainsi le développement de la SA (237-239). En 2013, Thanassoulis et al., grâce à une étude pangénomique (GWAS; genome-wide

association study), ont identifié un nouveau gène associé à la SA, soit le gène LPA, codant pour l’apolipoprotéine(a) (240). Finalement, une étude d’association pantranscriptomique (TWAS; transcriptome-

wide association study), avec une étude GWAS et une étude de la quantification de l’expression de gènes (eQTL; expression quantitative trait loci) sur des valves aortiques sténosés, ont permis d’identifier le gène

PALMD (241). Les facteurs tels que les déterminants génétiques, le dépôt et l’oxydation des lipoprotéines, l’inflammation chronique, la transition des cellules interstitielles de la valve en ostéoblastes ainsi que la calcification des feuillets sont reconnus dans le mécanisme physiopathologique de la SA (235, 242). Actuellement, le remplacement la valve, soit par voie percutanée ou par chirurgie, demeure le seul traitement possible lorsque la sténose est sévère et symptomatique. Ils existent cependant quelques pistes concernant des cibles thérapeutiques prometteuses notamment le système rénine-angiotensine, l’activateur du ligand NF-

κ

B (Nuclear factor-kappa B) et la Lp(a).

Figure 4. Représentationd'une valve aortique normale et d'une valve aortique calcifiée après plusieurs étapes du développement de la sténose aortique.

4.2. Physiopathologie sexe-spécifique de la sténose aortique

Selon des données échographiques antérieures, les hommes ont deux fois plus de risques de développer une SA que chez les femmes (236). Pour une population jeune, l’incidence de SA est plus importante chez les hommes. Cependant, de récentes études ont montré que pour une population plus âgée (après 75 ans), la SA est plus souvent observée chez les femmes. D’ailleurs, dans cette même étude, 60% des jeunes patients (≤ 75 ans) étaient des hommes et plus de 50% de personnes âgées (>75 ans) étaient des femmes (243). Ce qui pourrait être expliqué par le fait que les hommes ont 2 à 3 fois plus de chances d’avoir une valve aortique bicuspide que les femmes. Au niveau physiopathologique, pour le même impact hémodynamique, il semble y avoir des différences entre les hommes et les femmes au niveau des lésions valvulaires (244). Simard et al. ont démontré pour la première fois que pour une même sévérité hémodynamique de la SA et la même densité pondérale, les femmes sont susceptibles d’avoir une plus grande quantité de fibroses valvulaire dans le tissu conjonctif dense que les hommes (244). L’étendue de la fibrose était bien corrélée avec la quantité de calcifications chez l’homme, mais pas chez les femmes (244). Ce qui suggère que les mécanismes pathobiologiques de la SA semblent êtres spécifiques au sexe avec une prédominance de fibrose valvulaire chez la femme et de calcification chez les hommes. D’ailleurs, dans une étude de cas- contrôle, un polymorphisme dans le gène du récepteur des œstrogènes a été identifié comme un facteur de risque potentiel de SA chez les femmes ménopausées et, en partie, en affectant les niveaux LDL et de cholestérol total (245). De plus, les femmes présentent un remodelage du ventricule gauche plus concentrique, de plus petites cavités du ventricule gauche et une fibrose diffuse (246). Elles sont également plus susceptibles d’avoir une SA à bas-débit paradoxal et bas-gradient et c’est une des raisons qui les rendent difficiles à diagnostiquer (246). Les différences génétiques et le statut hormonal chez les hommes et les femmes semblent donc êtres des éléments importants à considérer dans la SA.

4.3. Implication de la lipoprotéine(a) dans la sténose aortique

4.3.1. Épidémiologie

D’abord, l’association entre la Lp(a) et la SA a été décrite pour la première fois par Gotoh et al. en 1995. Parmi 748 hommes et femmes japonais, la prévalence de la sclérose valvulaire aortique à l’échographie était deux fois plus élevée chez les sujets ayant des niveaux de Lp(a) supérieurs à 30 mg/dl (247). Une première étude longitudinale a été menée dans le cadre de l’étude EPIC-Norfolk et les participants de cette étude se situant dans le tertile supérieur de Lp(a) (>19,2 mg/dl) présentaient un risque plus élevé d’hospitalisation ou de mortalité causé par une SA que les individus se situant dans le tertile inférieur (< 7,7 mg/dl). Dans cette même étude, ils ont testé la causalité potentielle de cette association en étudiant un SNP commun du gène

significative (248). Une autre étude de randomisation mendélienne a confirmé l’association entre le variant rs10455872 et la SA, et que les porteurs de ce SNP avaient un risque 1,6 fois plus élevé de développer une SA (249). Ces résultats soutiennent l’étude de Thanassoulis et al. qui a démontré que le SNP rs10455872 était associé à une incidence de SA et de remplacement valvulaire aortique plus importante (240). Dans une autre étude effectuée chez des individus ayant une HF, la calcification de la valve aortique était présente chez 38,2 % des patients et la concentration de Lp(a) corrélait de manière significative avec la présence et la gravité de la SA calcifiée, et ce, même après ajustement avec toutes les covariables significatives (250). Plus récemment, un méta-analyse a été effectué sur l’association des variant rs3798220 et rs10455872 avec la SA en utilisant plusieurs études publiées et des nouvelles données de la cohorte UK Biobank (251). Cette méta-analyse renforce davantage l’association qui existe entre le variant rs10455872 et la SA. Une étude pangénomique effectuée dans la UK Biobank a démontré qu’un écart-type de Lp(a) génétiquement réduit a été associé à un risque de 37% plus faible de SA (252). Plus récemment, une étude cas-témoins à grande échelle de la SA comprenant 44 703 personnes, dont 3 469 cas de la cohorte GERA (Genetic Epidemiology

Research on Aging), ont confirmé l’association entre le SNP rs10455872 et rs3798220 avec la SA et ils ont également démontré que les individus avec 2 allèles à risques ont le double de risque de développer une SA (253). Dans cette étude, lors des analyses spécifiques au sexe, il est intéressant de constater que l’association entre ces SNP et la SA était observée chez les hommes, mais pas chez les femmes. Un facteur clé dans la SA, soient les OxPLs liées à l’apoB de la Lp(a), semblent être associés à la progression de la cette pathologie (254). Une étude récente a combiné le PET/CT (Positron Emission Tomography/Computed

Tomography), le CT (computed tomography) et l’échocardiographie afin d’étudier l’association entre les OxPLs et les concentrations de Lp(a), l’activité ostéoblastique (microcalcification) de la valve aortique et la progression de la SA. Les niveaux de Lp(a) et d’OxPL-ApoB sont associés, de manière indépendante, à l’augmentation valvulaire du marqueur de l’activité ostéoblastique (fluorure de sodium 18F) (255).

4.3.2. Mécanismes physiopathologiques

De plus en plus de preuves suggèrent que l'infiltration de la valve aortique par des lipoprotéines joue un rôle important dans le processus d'inflammation, l'étape précédant la minéralisation pathologique de la SA calcifiante. Cette rétention de lipide favorisant le processus inflammatoire entraîne la formation d'un processus ostéogénique dans les valves aortiques (256). Sur des coupes histologiques de valves aortiques sténosées, à l'aide d'une technique immunohistochimique, la présence de plusieurs apolipoprotéines telles que l'apoB, l'apoE, l'apoA1 et l'apo(a) ont été détectés (257). Trois d’entre elles ont été retrouvées au début des lésions importantes, maisabsentes dans les régions normales histologiquement. Ce qui suggère qu'au début des lésions de la valve en stade terminal, les apolipoprotéines s'accumulent et s'associent avec les lipides des cellules extracellulaires de la valve (258). D’autres études cellulaires ont également démontré que la Lp(a) engendre de la calcification des VICs de valve aortique normale provenant de l’humain (258-260). D’ailleurs,

l’incubation de VICs de valve aortique humaine avec de la Lp(a) avait un dépôt de calcium significativement plus important par rapport aux VICs incubées avec des LDLs (258). La pathogénicité de la Lp(a) semble être aussi attribuée aux particules qu’elle transporte, notamment les OxPLs, qui sont pro-inflammatoires qui favorisent la calcification des cellules vasculaires (261-262). Une enzyme transportée par la Lp(a), via l’apoB, et qui est particulièrement importante dans le mécanisme de calcification de la valve aortique est la phospholipase A2 associée aux lipoprotéines (Lp-PLA2; lipoprotein-associated phospholipidase A2). Le niveau de Lp-PLA2 serait augmenté dans les valves aortiques sténosées et serait également associé au remodelage fibrocalcique (263-264). En fait, la Lp-PLA2 transforme les OxPLs en lysophosphatidylcholine (LPC), ce qui entraîne la perte du potentiel membranaire de la mitochondrie ainsi que l'apoptose des cellules interstitielles de la valve (265). Par la suite, l'autotaxine (ATX), une lysophospholipase D transportée par Lp(a), a la capacité́ de transformer la LPC en acide lysophosphatidique (LysoPA; lysophosphatidic acid) (260, 266). LysoPA favoriserait, à son tour, la transition ostéogénique par la production BMP2 et d’IL-6, et en stimulant les voies du facteur nucléaire NF-κB (267). Une étude plutôt récente a montré que l'ATX était enrichie dans des fractions de Lp(a) isolées et que cette enzyme avait été transportée dans des valves aortiques calcifiées (268). Ce qui suggère que l'ATX est transportée dans la valve aortique par la Lp(a), probablement en formant un complexe avec l'apo(a), et favoriserait l'inflammation et la minéralisation de la valve. Ainsi, l'activité́ de la lysophospholipase de l'ATX est augmentée et est liée à la quantité de LysoPA dans les tissus valvulaires minéralisés (268). Zheng et al. ont démontré dans leur récente étude l’implication des OxPLs et de la Lp(a) dans des VICs de valve aortique. Ils ont d’abord observé une augmentation de l’expression d’IL-6, de RUNX2 et de BMP2 lorsqu’ils exposent la Lp(a) sur les VICs pendant une semaine. Puis, lorsqu’ils préincubent la Lp(a) avec des anticorps monoclonaux E06 contre les OxPLs, l’effet ostéogénique qui a été observé précédemment a été atténué (129).

Figure 5. Résumé des mécanismes pathophysiologiques de la Lp(a) et des LDLs oxydés dans la sténose aortique. Tiré de Schnitzler G et al., 2019.

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