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Comorbidités et facteurs de risque spécifiques au sexe

3. Les maladies cardiovasculaires chez la femme

3.2. Comorbidités et facteurs de risque spécifiques au sexe

Certaines conditions pathologiques peuvent augmenter les risques de MCV chez les femmes. Par exemple, le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) est associé à plusieurs facteurs de risques traditionnels des MCV (17). Ensuite, près de 80% des personnes ayant une maladie auto-immune, notamment la polyarthrite rhumatoïde et le lupus érythémateux disséminé, sont des femmes (177). L’inflammation systémique que provoque ce type d’affection est associée à l’augmentation du risque de MCV athérosclérotiques prématurées (178). De plus, il est bien connu que le cancer du sein est le cancer le plus répandu chez les femmes. Les femmes ayant survécus d’un cancer du sein sont plus susceptibles de mourir d’une MCV (179). Une toxicité liée au traitement du cancer peut survenir avec une chimiothérapie à base d’anthracycline, une thérapie ciblée par le trastuzumab et une radiothérapie (179). Les femmes sont d’ailleurs plus touchées par la dépression que les hommes, dont l’incidence de dépression est deux fois plus élevée chez les femmes (180). Cette condition augmente les risques d’évènements cardiaques d’environ 50 à 70% chez la femme (181). D’ailleurs, selon une méta-analyse incluant 29 études, une dépression à la suite un IM augmente deux à trois fois le risque de morbidité et de mortalité cardiaque (182). Enfin, les femmes ayant une fonction rénale réduite sont plus à risques de MCV comparativement aux hommes (183). Les troubles liés à la grossesse, tels que le diabète gestationnel et l’hypertension artérielle augmentent le risque de progression de la dysfonction rénale (184).

Selon l’étude INTERHEART, 9 facteurs de risques potentiellement modifiables des (tabagisme, hypertension artérielle, diabète de type 2, rapport taille/hanche, régimes alimentaires, activité physiques, consommation d’alcool, apolipoprotéines plasmatiques et facteurs psychosociaux) représentent environ 96% des risques d’IM chez les femmes (185). Cependant, certains de ces facteurs peuvent avoir des impacts sexe-spécifiques et sont résumés dans le tableau 1 ci-dessous.

Tableau 1. Impacts des facteurs de risques traditionnels modifiables sur la santé cardiovasculaire des femmes

Facteurs de risques

traditionnels modifaibles Impact sur la santé cardiovasculaire des femmes

Tabagisme • Les femmes âgées de 55 ans et moins et qui fument augmentent de 7 fois les risques de MCV comparativement à l’homme (185)

• Facteur de risque le plus modifiable pour développer un IM (185)

Hypertension artérielle • La prévalence et l’incidence d’hypertension artérielle sont plus élevées chez les femmes > 60 ans (186)

• Le contrôle de la pression est plus difficile chez les femmes > 60 ans (187). • Les femmes sous anti-hypertenseurs ont une hypertension artérielle

systolique plus élevée que les hommes (187)

Diabète de type 2 • Les femmes présentent plus de risques de cardiopathie ischémique lorsqu’elles ont un diabète de type 2 (188)

Obésité • À la ménopause, il y a plus de femmes qui présentent un surpoids ou qui sont obèses que les hommes (189)

• Les effets métaboliques de l’obésité sont associés avec l’augmentation du risque de MCV (189)

Sédentarité • Les femmes sont moins actives physiquement que les hommes parmi toutes les tranches d’âges (190)

Cholestérol • Un niveau de cholestérol LDL élevé est un fort prédicteur de MC chez les femmes < 65 ans comparé aux femmes plus âgées (191)

• Une concentration faible de cholestérol HDL est un meilleur prédicteur de mortalité associée au MC chez la femme que chez l’homme, particulièrement chez les femmes ≥ 65 ans (191)

Stress • Les femmes sont plus vulnérables aux effets néfastes du stress psychosocial et professionnel augmentant les risques de MCV (192)

• Les responsabilités et les tâches familiales disproportionnées peuvent peser lourd et maintenir des niveaux de stress élevés chez les femmes (192) Afin d’évaluer de manière efficacement le risque de MCV chez la femme, non seulement il important de tenir compte des facteurs de risques traditionnels des MCV, mais il est tout aussi important d’évaluer des facteurs de risque unique aux femmes. Ces facteurs comprennent l’âge des ménarches, les menstruations, la prise contraception, la grossesse, la santé ovarienne, la ménopause et l’hormonothérapie.

3.2.1. Cycle menstruel

Le cycle menstruel est un phénomène physiologique important afin de préparer l’organisme de la femme à une éventuelle grossesse. Il survient de façon périodique commençant à la puberté et se terminant à la ménopause. Non seulement le cycle menstruel est indispensable à la fécondation, mais il est un indicateur important d’un système reproducteur en santé. Lorsque les menstruations deviennent irrégulières, il y a une augmentation du risque d’anomalies métaboliques et des facteurs de risques de MCV. Certains facteurs de risques modifiables tels que l’obésité, le stress et le tabagisme sont associés à l’irrégularité du cycle menstruel (192). Ce qui suggère qu’un meilleur mode de vie peut améliorer la santé reproductive des femmes. Une des

principales causes d’irrégularité du cycle menstruel est le SOPK. Ce syndrome est d’ailleurs le désordre endocrinien le plus fréquent chez la femme en âge de procréer atteignant entre 8 et 12% d’entre elles (193). Le SOPK un syndrome hétérogène chez les femmes en âge de procréer et est caractérisé par des cycles menstruels irréguliers dus à l’anovulation, une hyperandrogénie (circulation élevée d’androgène) et/ou des ovaires polykystiques à l’échographie (193). Dans une grande étude prospective de femmes avec un suivi de 40 ans, une augmentation du risque de mortalité due aux MC a été observée chez les femmes ayant des cycles menstruels irréguliers (194). Les patientes atteintes de SOPK présentent également des risques plus élevés de MCV lié à un dysfonctionnement métabolique, particulièrement hormonal, qui se caractérise par une résistance à l’insuline, une dyslipidémie et un état pro-inflammatoire (195). L’âge des ménarches, c’est- à-dire l’âge des premières menstruations, peut avoir un impact sur le risque de MCV. Il a été démontré qu’un âge précoce à la ménarche augmente le risque de MCV chez les femmes caucasiennes, dont les MC et l’IM (196). Les mécanismes expliquant ce phénomène sont encore controversés actuellement, mais le poids et la taille peuvent faire partie du mécanisme sous-jacent de la relation entre l’âge des premières ménarches et les MCV chez les caucasiennes.

3.2.2. Contraception

De nos jours, plusieurs moyens de contraception s’offrent aux femmes, mais il en reste que les contraceptifs oraux sont les contraceptifs réversibles les plus couramment utilisés au Canada (197). La pilule contient principalement de l’œstrogène et un progestatif (contraceptifs combinés), ou uniquement un progestatif. Bien qu’elle soit utilisée pour prévenir les grossesses, la pilule contraceptive peut également avoir certains bienfaits, comme la régulation du cycle menstruel, réduire les règles abondantes et les symptômes prémenstruels, traiter l’acné, diminuer les risques du cancer des ovaires et de l’endomètre, etc (198-200). Cependant, comme pour plusieurs médicaments, il peut y avoir des effets secondaires et quelques risques face à la prise de contraceptifs oraux (199, 201-202). Ces risques comprennent particulièrement des évènements cardiovasculaires tels que des AVC, des IM et des thrombo-embolies veineuses. Quelques études de cohortes prospectives ont démontré que le risque de thrombo-embolie veineuse est deux fois plus élevé chez les femmes qui prennent la pilule comparativement à celles qui ne la consomment pas (203-204). D’ailleurs, l’utilisation des contraceptifs oraux combinés, est associée à environ 2 fois plus de risques relatifs d’événements thromboemboliques artériels et plus de 4 fois pour les thrombo-embolies veineuses (205). Les contraceptifs oraux combinés prédisposent davantage les femmes à l’IM et/ou à l’AVC, spécifiquement celles qui sont âgées de plus de 35 ans et présentant des facteurs de risques, notamment pour le tabagisme (205). La présence d’hypertension artérielle mal contrôlée augmente de trois fois le risque d’IM et d’AVC et augmente 15 fois le risque d’AVC hémorragique (205). Toutefois, pour la grande majorité des femmes non- fumeuses et en santé, la pilule est sécuritaire (199).

3.2.3. Grossesse

Le corps subit une multitude de changements physiologiques pendant la grossesse afin d’être apte à porter le nouveau-né jusqu’à sa naissance 9 mois plus tard. Bien que la grossesse soit entièrement naturelle, il se trouve à y avoir, malgré tout, des risques de complications reliés aux MCV. Le stress que subit le système cardiovasculaire peut conduire à l’apparition de complications telles que l’hypertension artérielle et le diabète gestationnel. Une méta-analyse incluant 9 études observationnelles ont démontré que les femmes atteintes de diabète gestationnel avaient un risque deux fois plus élevés de MCV et ce risque était indépendant au développement du diabète de type 2. De plus, le diabète gestationnel était associé à une augmentation de 2,3 fois des évènements cardiovasculaires au cours de la première décennie post-partum (206). Les changements physiologiques peuvent démasquer certaines pathologies cardiaques, notamment pour les maladies cardiaques congénitales et les maladies valvulaires (207). Ils peuvent aussi tout simplement développer de nouvelles affections telles que l’IM associée à la grossesse, l’anévrisme, l’arythmie et la cardiomyopathie péripartum (207). Des complications de grossesses peuvent également avoir lieu après la grossesse. Selon une grande revue systématique comprenant 83 études avec un suivi médian de 7,5 ans après l’accouchement, le risque de MCV était le plus élevé chez les femmes souffrant d’hypertension gestationnelle, de pré éclampsie, de décollement placentaire, de diabète gestationnel et de mortinatalité (208).

3.2.4. Ménopause

La ménopause est un processus physiologique de vieillissement où les ovaires cessent de produire des hormones. Le cycle menstruel est donc altéré et il y a la perte de production d’ovules mettant fin à la possibilité de fécondation. La ménopause survient généralement entre 42 et 56 ans et une femme est considérée ménopausée lorsqu’elle n’a pas eu de règle pendant une année complète. Généralement, les femmes présentent un risque de MCV moins élevés que les hommes de même âge au cours de leurs années de procréation. Malheureusement, après la ménopause, cet avantage disparaît. La perte de l’œstrogène lors de la ménopause entraînerait un profil cardiométabolique plus athérogène via une augmentation du cholestérol LDL, de Lp(a) et de la pression artérielle, une diminution des lipoprotéines à haute densité (HDL; high density

lipoprotein), une tolérance au glucose altérée et la perte de l’effet vasodilatatrice de l’œstrogène (209-212). Une augmentation de l’obésité abdominale est également observée et semble être attribué également à la perte rapide des niveaux d’œstrogène puisqu’il va y avoir un changement au niveau de la distribution du tissu adipeux, notamment l’augmentation du tissu adipeux viscéral. La femme passera donc d’une forme physique gynoïde (poire) vers une forme plus androïde (pomme). Cependant, les mécanismes de l’augmentation du poids corporel et de la distribution du tissu adipeux ne sont pas clairement élucidés et la contribution des facteurs environnementaux et génétiques doit être également prise en compte (213). D’ailleurs, une ménopause précoce, c’est-à-dire entre 40 et 45 ans, est associée à une augmentation de la morbidité et de

la mortalité cardiovasculaire attribuées en grande partie à la diminution des taux d’œstrogène (209). Selon une grande étude prospective effectuée dans la cohorte de la UK Biobank auprès de 267 440 femmes, une ménopause naturelle précoce était associée à un risque plus élevé de MC et d’AVC (214). Une grande étude et une méta-analyse ont également rapporté une augmentation des risques de MCV chez les femmes ayant une ménopause précoce (215-216).

3.2.5. Thérapie hormonale

Le traitement hormonal de remplacement (THR) est utilisé pour atténuer les symptômes de la ménopause et il a été démontré comme ayant aussi des effets bénéfiques sur les risques modifiables des MCV, notamment l’amélioration du profil lipidique (217-219). Selon une étude d’essai clinique randomisé à double aveugle contrôlé avec un placebo d’une cohorte de femme ayant des antécédents de thrombose veineuse, l’étude EVTET (Estrogen in Venous Thromboembolism Trial), Gregersen et al. ont démontré que le THR réduisait significativement les niveaux plasmatiques de Lp(a), d’apolipoprotéine A1 (apoA1), d’apoB, le cholestérol total ainsi que d’autres marqueurs lipidique à 3 mois (212). Concernant l’impact des THR sur les facteurs de risques modifiables des MCV, une méta-analyse contenant 107 études avec un suivi moyen de 1,5 ans, ont démontré une réduction de la graisse abdominale, des lipides, de la résistance à l’insuline et de la pression artérielle chez les femmes non diabétiques (217). D’ailleurs, les THR auraient également un impact dans le processus d’athérogènes en réduisant certaines molécules d’adhésion telles que les ICAM-1 et VCAM-1 ainsi que des facteurs pro-coagulants comme l’activateur de coagulation VII et le fibrinogène (217). Malgré les nombreux effets positifs des THR, il demeure que quelques effets négatifs ont été également notés, particulièrement sur des composants inflammatoires. Notamment pour la protéine C-réactive (CRP; C-protein

reactive), une protéine inflammatoire synthétisée par le foie, les tissus musculaires lisses, les macrophages, les CE, les lymphocytes et les adipocytes, qui augmente de façon significative, particulièrement par les agents oraux (217, 220). Des essais sur les THR avec la cohorte The Women’s Health Initiative ont été conçu pour déterminer les avantages et les risques des THR (221). Les essais cliniques ont évalué l’effet de l’œstrogène plus un progestatif et l’effet de l’œstrogène seul sur les MCV. Une augmentation de 13% des risque d’évènements cardiovasculaires pour la combinaison de l’œstrogène et du progestatif sur 5,6 ans a été observée, et l’estrogène seul était associé à une augmentation de 11% sur 7,1 ans (222). Les effets les plus considérables qui ont été observés étaient sur les taux d’embolies pulmonaires, de thromboses veineuses et d’AVC (222). Selon les directives cliniques de la Société des Obstétriciens et Gynécologues du Canada, l’hormonothérapie aux seules fins de la prévention des MCV chez les femmes postménoposées plus âgées ne devraient pas être envisageables. Les fournisseurs de soins de santé devraient également s’abstenir de prescrire l’hormonothérapie par voie orale aux femmes exposées à des risques élevés de thromboembolie veineuse et les traitements devraient plutôt faire l’objets d’une prise en charge des facteurs de risque des MCV (223).

3.3. Manifestations et symptômes

Il est bien connu que les femmes peuvent parfois manifester une MCV de manière différente que les hommes au niveau des caractéristiques physiopathologiques et des symptômes. La présentation clinique et les caractéristiques générales observées de certaines MCV peuvent également différer entre les deux sexes. Quelques exemples de ces aspects sont résumés dans le tableau 2 pour la cardiopathie ischémique, de l’IC, de l’arythmie et de la fibrillation auriculaire. Noté que la cardiomyopathie chez les femmes comprend non seulement les MC obstructives athérosclérotique, mais également un large éventail de MC dont la dysfonction microvasculaire coronaire, la dysfonction endothéliale, les anomalies vasomotrices, la dissection des artères coronaires et la cardiomyopathie induite par le stress (224). La différence entre les hommes et les femmes au niveau physiologique des MC, des AVC et des maladies valvulaires, plus particulièrement la sténose aortique, sera abordée dans les prochains paragraphes.

Tableau 2. Exemple de caractéristiques générales, de présentations cliniques et de symptômes pour la cardiomyopathie ischémique, l’insuffisance cardiaque, l’arythmie et la fibrillation auriculaire observés chez la femme.

Pathologies Caractéristiques générales Présentations cliniques et symptômes

Cardiopathie Ischémique

• Prévalence d’angine de poitrine plus élevée après la première manifestation (225)

• Une charge plus faible de MC obstructives sur l’angiographie et un pronostic moins bon par rapport aux hommes (225)

• Mortalité à l’hôpital plus élevée sur 30 jours (226)

• Présentation clinique plus prononcés chez les femmes âgées < 45 ayant un IM aigu (226) • Présentent davantage un IM avec un non-

élévation du segment ST et des symptômes très variés (227)

• Parfois sensation de brûlure ou de sensation d’oppression lors d’un syndrome coronarien aigu (227)

• Parfois symptômes non conventionnels que la dyspnée, de la fatigue, de la faiblesse, des nausées et de l’inconfort dans le haut du dos, des épaules, la mâchoire ou le bras (17, 227) Insuffisance

cardiaque

• Survient à un âge avancé chez les femmes avec moins de causes ischémiques (227)

• Elles sont environ deux fois plus à risques de développer une insuffisance cardiaque avec une fraction d’éjection préservée que les hommes (227)

• Les femmes atteintes d’IC avec une fraction d’éjection préservée peuvent présenter des troubles cognitifs, des nausées, un délire, des malaises abdominaux, une oligurie, une anorexie et une cyanose (228)

Arythmie

--- • Les femmes présentent une longueur de systole et un segment QT plus long que les hommes à l’échographie cardiaque (229) Fibrillation

auriculaire

• Plus fréquente chez les hommes jusqu’à l’âge de 75 ans, mais après avoir dépassé 75 ans, la majorité des FA survient davantage chez la femme (17).

• Présentent plus de risques d’AVC (230)

• Les femmes ont tendance à être plus symptomatiques (230)

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