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En épidémiologie observationnelle, les associations entre des expositions modifiables et des maladies observées sont parfois influencées par des facteurs confondants, ce qui peut fausser les interprétations. Cela dit, l’association entre un phénotype et un point d’aboutissement ne peut pas être causale dans ce type d’étude. Par exemple, certains facteurs confondants peuvent influencer un phénotype de l’individu, mais aussi le point d’aboutissement de l’exposition étudiée. De plus, il est parfois possible d’observer une causalité inverse lorsque le point d’aboutissement influence le phénotype (342). Il est possible de mesurer des facteurs confondants, cependant, cela ne signifie pas qu’ils ont tous été identifiés. C’est pour cette raison que les résultats provenant d’études observationnelles ne peuvent pas conduire à l’interprétation de ces effets comme étant causale (343). La clé qui permet de contrôler les facteurs de confusion est en fait la randomisation. Le fait d’attribuer aléatoirement les participants de l’étude à l’exposition permet de balances les facteurs confondants entre deux ou plusieurs groupes qui ne sont désormais séparés que par l’exposition. De cette façon, le potentiel de confusion est réduit et les groupes qui sont produits deviennent comparables concernant les facteurs confondants connus et inconnus. Ainsi, l’avantage de la randomisation mendélienne est que l’exposition étudiée soit moins susceptible d’être influencée par des facteurs de confusion ou une erreur de mesure aléatoire.

7.1. Principe et utilisation de la randomisation mendélienne

La randomisation mendélienne a été proposée comme méthode permettant d’estimer ou tester l’effet causal d’une exposition ou d’un phénotype sur une maladie lorsque la confusion est présumée et mal comprise (342, 344). L’idée est d’exploiter le fait que des variants génétiques influencent l’exposition et ainsi l’état de la maladie de par son influence sur l’exposition. Les génotypes sont assignés au hasard, via la distribution aléatoire des gènes parentaux lors de la méiose, indépendamment des facteurs de confusion possible ou des biais de causalité inverse (345). La randomisation mendélienne utilise alors un ou plusieurs variants génétiques qui sont associés à un phénotype dans le but d’estimer un effet causal. Ces variants génétiques doivent être indirectement associés au point d’aboutissement et ne doivent être associés, dans aucun temps, à un facteur confondant (343, 346). Ces hypothèses définissent donc les variants génétiques comme des variables instrumentales (347-348). Non seulement l’utilisation de la randomisation mendélienne permet

d’inférer la causalité d’un phénotype d’intérêt sur un point de finalité donné, mais elle permet également d’estimer l’étendue de l’impact du phénotype sur le point d’aboutissement (346).

L’analogie avec les essais cliniques randomisés est une bonne façon de comprendre comment la randomisation mendélienne permet d’inférer la causalité (figure 9). D’abord, les participants de l’essai clinique randomisé sont répartis de manière aléatoire dans l’un des groupes de traitements afin d’éviter tout facteur confondant potentiel entre le traitement et l’obtention des résultats et ainsi, éviter l’ambiguïté face à l’inférence causale. Un scénario semblable est obtenu dans la randomisation mendélienne. Par exemple, si un allèle est lié au trait A, et que le trait A cause le trait B, les individus héritant de cet allèle se voient attribuer une dose moyenne plus élevée du trait A, comparativement aux individus n’héritant pas de l’allèle qui se voient attribuer une dose en moyenne plus faible. Ce phénomène s’explique du fait que les allèles sont considérablement transmis des parents à la progéniture, et ce, indépendamment de l’environnement. Tout comme l’effet attendu des essais randomisés, les groupes définis par le génotype vont connaître une différence moyenne d’exposition au caractère A, sans toutefois différer pour ce qui est des facteurs de confusions. L’analyse via le génotype équivaut donc à une analyse d’essai clinique randomisé, où l’intention et dans laquelle les participants sont analysés en fonction du groupe pour lequel ils ont été randomisés.

Figure 9. Représentation schématique de l'analogie entre les essais cliniques randomisés et la randomisation mendélienne.

La randomisation mendélienne peut être utilisée comme un outil de validation dans le contexte où les chercheurs ou l’industrie pharmaceutique veulent anticiper les résultats d’essais cliniques randomisés dus au fait que la recherche et le développement de nouveaux médicaments sont coûteux et prennent énormément de temps. Les études observationnelles épidémiologiques qui ont détecté, par exemple, des facteurs de

risques contribuant à une maladie ont été ensuite confirmées par essais cliniques randomisés et adoptés en pratique clinique. Par contre, une fois arrivées à l’étape d’essai clinique, plusieurs études d’observations épidémiologiques se sont avérées erronées parce que le médicament ciblant le facteur de risque s’est avéré inefficace pour réduire l’incidence de la maladie. Par exemple, le cholestérol HDL a longtemps été désigné comme protecteur contre les MCV. Toutefois, les individus porteurs de l’allèle 396Ser dans le gène LIPG sont caractérisés par un cholestérol HDL plus élevé que les non-porteurs, mais ont des niveaux semblables d’autres facteurs de risques lipidiques et non lipidiques d’IM. La différence de cholestérol HDL entre les porteurs et les non-porteurs devrait diminuer le risque d’IM de 13% selon les études épidémiologiques. Par contre, dans une incluant plus de 20 000 cas, l’allèle 396Ser n’était pas associé à un risque d’IM réduit. Du côté de l’épidémiologie observationnelle, l’augmentation de 1 déviation standard de cholestérol HDL serait associé à une réduction du risque d’IM de 38%. Cependant, l’augmentation génétique de 1 déviation standard du cholestérol HDL expliqué par 14 SNPs communs n’était pas associé au risque d’IM (349). Depuis ce temps, plusieurs essais cliniques randomisés avec plusieurs cibles thérapeutiques différentes ont pu confirmer que l’augmentation plasmatique du cholestérol HDL n’offre aucune protection contre les MC (350-353). C’est à ce moment que la randomisation mendélienne pourrait permettre d’éviter de lancer un essai clinique qui pourrait tourner dans le mauvais sens. De plus, l’analyse par randomisation mendélienne est plus sensible dans le contexte qu’un variant génétique peut exposer son porteur à un facteur de risque tout au long de sa vie.

7.2. Score de risque génétique

Le score de risque génétique (GRS; genetic risk score) ou score allélique, est une variable unique qui modèle l’effet de plusieurs variants génétiques associés à un facteur de risque ou un phénotype. La création d’un GRS implique de modeler l’effet de plusieurs SNPs en fonction de la force de leur association avec le facteur de risque. La méthode la plus courante est de faire la somme du nombre d’allèles conférant un risque qu’un individu possède (0, 1 ou 2) dans tous les loci. Si un individu i possède gik copies de l’allèle augmentant le facteur de risque pour chaque variant génétique k = 1, … , K, le score non pondéré de cet individu est zi= ∑Kk=1gik. Le score obtenu est une valeur entière se situant entre 0 et 2

𝐾.

Un GRS peut également être pondéré, ce qui signifie que chaque allèle contribue à un poids qui reflète une approximation de l’effet du variant génétique correspondant sur le phénotype ou le facteur de risque. L’individu i a un score 𝑧𝑖 = ∑𝐾𝑘=1𝑤𝑘𝑔𝑖𝑘, où le poids du variant 𝑘 est 𝑤𝑘. Ces pondérations peuvent provenir des données analysées à l’interne, ou dérivées de connaissances antérieures de l’externe ou d’une source de données indépendante. Les GRS pondérés peuvent augmenter la puissance statistique par rapport aux GRS non pondérés, à condition que les poids soient déterminés avec précision (354). Le GRS pondéré est souvent utilisé lorsque la population dans laquelle le GRS va être évalué a une composition ethnique et démographique similaire à la population d’une méta-analyse, puisque les poids sont idéalement calculés à partir des tailles d’effet de

méta-analyse (355). Un GRS peut être utilisé dans une analyse de randomisation mendélienne afin d’estimer l’effet causal du phénotype sur le point d’aboutissement, à condition que chaque variant génétique qui compose le score soit une variable instrumentale valide (354). Enfin, les GRS sont utilisés dans la randomisation mendélienne non seulement pour éviter un biais d’instrument faible et pour l’obtention d’une puissance robuste.

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