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Chapitre 2. Matériels et méthodes

IV. Outils analytiques pour quantifier le polonium-210

1. Spectrométrie alpha

La spectrométrie α est fondée sur l’interaction de particule α avec la matière. Elle est capable de mesurer des activités de l’ordre du millibecquerel. La spectrométrie α est donc suffisamment sensible pour mesurer des radionucléides existants à des niveaux de traces à ultra-trace dans des échantillons environnementaux. Du fait de sa faible distance parcourue, une particule α est complètement absorbée par l’échantillon et ne peut pas être détectée. C’est la raison pour laquelle tous les échantillons doivent subir un traitement pour pouvoir être mesurés.

1.1.Principe de la technique

La spectrométrie α mesure l’émission d’une particule α, ou noyau d’hélium. Il existe trois types de détecteurs α : la chambre d’ionisation, le compteur proportionnel et les détecteurs à semi-conducteurs (Chevallier, 1996). Le principe général de la détection est basé sur l’interaction de la particule α avec la matière. En traversant une zone soumise à un champ électrique, la particule α perd son énergie cinétique par ionisation des atomes rencontrés dans la zone dite « désertée », qui constitue la région sensible du détecteur. Elle arrache des électrons lors de l’ionisation, créant ainsi des trous (équivalents à des charges positives). Le nombre de paires « électron-trou » étant proportionnel à l’énergie de la particule, il est donc possible de distinguer différentes particules α. Les charges ainsi créées sont collectées aux électrodes et quantifiées. Le signal est préamplifié, amplifié, analysé et stocké informatiquement.

1.2.Dispositif expérimental

Pour le comptage α, des spectromètres EG & G Ortec 576 A sont utilisés, équipés de détecteurs au silicium implantés de bore. La surface sensible est de 450 mm2. Les pics sont analysés avec un analyseur multicanal, spectrum Master EG & G Ortec 919. La

résolution (la largeur à mi-hauteur), varie avec la qualité du dépôt sur le disque, elle est de 20 keV à 5 470 keV. La limite de détection pour ces détecteurs est de 0,2 mBq. La détection des énergies comprises entre 0,05 et 10 MeV est possible. Le calibrage est réalisé avec un disque sur lequel a été déposé de l’américium-243, du curium-244 et du plutonium-242. Après comptage de ce disque, un spectre avec trois pics, dont les énergies sont connues, est obtenu. Il est possible d’associer un canal à une énergie et de réaliser une droite de calibrage en énergie.

Le bruit de fond a été contrôlé régulièrement afin de détecter toute contamination du détecteur. Pour cela, un disque vierge a été analysé et le nombre de coups relevé permet d’éventuelles corrections des activités mesurées dans les échantillons. Les bruits de fond mesurés sont généralement faibles et peuvent être négligés lors de l’analyse des échantillons. L’efficacité de comptage est le rapport entre le nombre de particules α détectées et le nombre de particules émises. L’efficacité des chambres alpha ne dépend que du détecteur. L’efficacité du détecteur est déterminée avec le même disque que celui utilisé pour le calibrage en énergie. La surface de ce disque étant constituée d’un mélange de trois isotopes de 242

Pu, de 243Am et de 244Cm, l’efficacité moyenne obtenue est de 22 ± 2%.

Un exemple de spectre α du 210Po avec le traceur 209Po est présenté sur la Figure 2-11.

Figure 2-11 : Spectre α expérimental du 209Po et du 210Po lors d’une mesure de l’échantillon

L’activité en 210Po de l’échantillon est calculée selon la formule suivante : 𝐴𝑒 = (𝑆𝑒− 𝑆𝐵𝑑𝐹𝑒) × 𝑚𝑡 × 𝐴𝑡 (𝑆𝑡− 𝑆𝐵𝑑𝐹𝑡) × 𝑚𝑒 Équation 2-1 Où 𝐴𝑒 : Activité de l’échantillon (Bq/g) 𝐴𝑡 : Activité du traceur (Bq/g)

𝑆𝑒 : Surface du pic du radioélément considéré contenu dans l’échantillon (cps) 𝑆𝑡 : Surface du pic du traceur (cps)

𝑆𝐵𝑑𝐹𝑒 : Surface du pic du bruit de fond corrigé par rapport au temps de comptage (cps), correspondant à la plage d’énergie d’émission du radioélément de l’échantillon

𝑆𝐵𝑑𝐹𝑡 : Surface du pic du brut de fond corrigé par rapport au temps de comptage (cps), correspondant à la plage d’énergie d’émission du traceur

𝑚𝑒 : Masse d’échantillon (g) 𝑚𝑡 : Masse du traceur (g)

L’incertitude sur la valeur de l’activité est calculée en utilisant la loi de propagation des erreurs : 𝜎𝐴𝑒 = 𝐴𝑒 × √(𝜎𝑆𝑒+ 𝜎𝑆𝐵𝑑𝐹𝑒 𝑆𝑒− 𝑆𝐵𝑑𝐹𝑒 ) 2 + (𝜎𝑚𝑡 𝑚𝑡) 2 + (𝜎𝐴𝑡 𝐴𝑡) 2 + (𝜎𝑆𝑡+ 𝜎𝑆𝐵𝑑𝐹𝑡 𝑆𝑡− 𝑆𝐵𝑑𝐹𝑡 ) 2 + (𝜎𝑚𝑒 𝑚𝑒) 2 Équation 2-2 1.3.Préparation de l’échantillon

Pour isoler le 210Po des autres éléments, sa propriété électrochimique de se déposer spontanément sur l’argent par électrolyse, est utilisée. Un isotope (208

Po ou 209Po) est ajouté aux échantillons avant l’étape de minéralisation. Cet isotope artificiel joue le rôle de traceur interne permettant de déterminer le rendement total de la procédure.

Une fois l’échantillon de sol minéralisé, le minéralisât est ensuite évaporé à sec en prenant soin de ne pas élever la température au-dessus de 55 °C. Le résidu de cette étape est ensuite dissous dans HCl avec des concentrations autour de 0,1 à 0,5 mol/L. En effet, la déposition est réalisée dans un milieu acide pour éviter l’hydrolyse (Haissinsky, 1936). Le polonium est déposé sur des disques métalliques soit spontanément, soit sous l’action d’un courant

électrique. Les disques peuvent être des métaux tels que l’argent (choisi pour l’étude présente), le tellure, le bismuth, le nickel. L’addition de chlorure d’hydroxylammonium (Clayton and Bradley, 1995; Jia et al., 2000; Narita et al., 1989), et/ou d’acide ascorbique (Martin and Blanchard, 1969; Vesterbacka and Ikäheimonen, 2005) dans l’échantillon à déposer est une étape clé de la préparation de la source. Ces réactifs permettent de réduire le fer présent (Fe(III) en Fe(II)) pour l’empêcher de se déposer sur le disque d’argent. En effet, le dépôt de fer sur le disque peut entraîner une diminution de la résolution pendant la mesure par spectrométrie α (Matthews et al., 2007). Le dépôt sur le disque métallique a beaucoup d’influence sur le résultat final. En effet, il doit être le plus fin, le plus uniforme, le plus stable possible, afin de laisser passer les particules α.

Figure 2-12 : Dépôt spontané du polonium sur le disque Ag.

Protocole expérimental : Pour le dépôt spontané du polonium sur un disque d’argent, le résidu de minéralisation a été dissous dans une solution de HCl à 0,5 mol/L. L’acide ascorbique a également été ajouté (1 g pour 10 mL de HCl à 0,5 mol/L). Le disque d’argent a été agité pendant 24 heures à température ambiante. La cellule de dépôt a été couverte par du parafilm pour réduire les pertes par volatilisation. Le disque a ensuite été retiré, puis lavé avec de l’eau déminéralisée et séché à l’air. Enfin, l’activité en polonium a été mesurée par spectromètre α.