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Chapitre 1. Etat de l’art : Le polonium et son comportement dans le milieu terrestre

II. Radionucléide polonium-210

3. Radiotoxicité du polonium-210

Du fait de son activité spécifique très élevée (1,66.1014 Bq/g), le polonium-210 est une substance extrêmement toxique pour l’homme. Quelques microgrammes suffisent à entraîner de décès (Al-Masri et al., 2004b; Ansoborlo et al., 2012). Pourtant, le 210Po n’est susceptible d’exposer l’organisme qu’en cas de contamination interne (incorporation par ingestion, inhalation ou injection) ou de contact cutané direct. Ce qui fait de ce métal une substance environ un million de fois plus toxiques que le cyanure (Atwood, 2013).

Le rayonnement α a une pénétration très faible dans l’air et est arrêté par une simple feuille de papier. Pourtant, une fois internalisé dans le corps, il devient extrêmement toxique. Lorsque des particules α sont exposées à des cellules vivantes, elles sont considérées comme vingt fois plus dommageables que les rayons X ou le rayonnement γ (Le, 2007). L’énergie du rayonnement α émis par le 210

Po est approximativement de 5 MeV. Le transfert d’énergie linéique (TEL) du 210Po est autour de 100 keV.m-1 dans l’eau. Sa distance moyenne est de 50 m. Dans le milieu biologique, le TEL du 210Po est proche de celui dans l’eau, le rayonnement émis peut pénétrer les cellules humaines qui sont typiquement entre 10 et 30 m de diamètre (Ansoborlo et al., 2012). Les dommages cellulaires causés par les particules α sont principalement dus à des ruptures d’ADN, entraînant des effets à la fois mutagènes et cytotoxiques. De plus, les dommages à l’ADN ne se limitent pas aux cellules directement

touchées par les particules α. Des preuves expérimentales suggèrent que les dommages causés par l’ADN peuvent également affecter les voisins non irradiés par les voies de signalisation cellulaire, ce qu’on appelle « l’effet de proximité » (Le, 2007).

Les techniques standard ne peuvent pas détecter le 210Po dans le corps car il ne pénètre pas la peau de l’extérieur vers l’intérieur ou de l’intérieur vers l’extérieur. Une détection spécifique des particules α dans l’urine ou les selles d’un patient est nécessaire (Le, 2007). L’information sur la biocinétique du 210Po provient d’études approfondies sur des animaux, d’études contrôlées sur des sujets humains et de données d’essais biologiques pour les expositions professionnelles (Harrison et al., 2007).

Le polonium ingéré est plus facilement absorbé dans le sang que certains autres radionucléides émetteurs α, comme le plutonium-239. Le polonium-210 qui pénètre dans le sang se dépose principalement dans les tissus mous, avec les concentrations les plus élevées dans le système réticulo-endothélial, principalement le foie, la rate et la moelle osseuse, ainsi que dans les reins et la peau, particulièrement les follicules pileux (Harrison et al., 2007). Par inhalation et alimentation, le 210Po est accumulé dans le corps humain. Sa concentration dans les tissus humains est de 200 mBq.kg-1 dans les poumons, 600 mBq.kg-1 dans le foie, 600 mBq.kg-1 dans les reins, 100 mBq.kg-1 dans les muscles, et 2400 mBq.kg-1 dans les os. Cependant, ces contenus corporels sont des valeurs de référence, ils varient d’un individu à l’autre (Li et al., 2007). La concentration mesurée de 210

Po dans le parenchyme pulmonaire des fumeurs est environ trois fois plus élevée que celle des non-fumeurs (Rajewsky and Stahlhofen, 1966). La distribution du polonium dans le sang des rats et des chiens a été étudiée par (Campbell and Talley, 1954). Ils ont constaté qu’environ 90% du polonium était associé aux globules rouges. L’isolement de l’hémoglobine à partir du sang a indiqué que le polonium était associé à cette partie des globules rouges. Le fractionnement de l’hémoglobine en globine et en hème a indiqué que presque tout le polonium était associé à la globine.

Le rayonnement à des doses suffisamment élevées est mortel en quelques jours ou quelques semaines, en raison de la destruction massive de cellules dans les organes et les tissus du corps. Le tissu de la moelle osseuse est particulièrement sensible, suivi de la paroi épithéliale du tube digestif (Harrison et al., 2007). La dose létale médiane (DL50) pour une exposition

aiguë au rayonnement est d’environ 4 Sv, ce qui équivaut approximativement à ingérer 50 ng ou à inhaler 10 ng de polonium-210 (Le, 2007). La DL50 représente la masse de substance à

moyen de mesurer le potentiel toxique à court terme d’une substance. En se basant sur les doses calculées absorbées par les différents organes, la quantité minimale estimée de 210Po qui a conduit au décès d’Alexander Litvinenko en novembre 2006 est estimée entre 27 et 1 408 MBq, environ 0,2 et 8,5 µg (Li et al., 2007).

En cas de contamination par le 210Po, il faut s’attendre à des lésions graves de la moelle osseuse, du système gastro-intestinal, de la rate, du foie, des reins et aussi du poumon en cas d’inhalation. Lors de l’ingestion, entre 50 à 90% du 210

Po est excrété dans les fèces avec la demi-vie biologique de 30 à 50 jours (Le, 2007). Les traitements visent donc à réduire la dose radiologique, par décorporation, en augmentant l’excrétion spontanée de polonium. Plusieurs auteurs ont signalé un certain succès dans la décorporation du 210Po à l’aide des agents chélatants thioliques (R-SH) par des études sur rats (Aposhian et al., 1987; Bogdan and Aposhian, 1990; Volf et al., 1995). Des résultats ont montré que ces agents augmentent l’excrétion de 210Po par l’urine et par les selles par rapport aux animaux témoins.

4. Bilan

Le polonium-210 est principalement d’origine naturelle par la désintégration de l’uranium-238. Il est un émetteur α ayant une demi-vie de 138,4 jours. La bibliographie effectuée sur l’activité du 210

Po dans les sols montre que la quantité de ce radionucléide est très variée et peut être très influencée par des conditions environnementales ainsi que des activités humaines. Ces dernières contribuent aussi à une augmentation des concentrations locales du

210

Po. En particulier, les industries d’engrains phosphatées et l’exploitation des mines d’uranium sont à l’origine de « surconcentration » de 210

Po dans leur voisinage. Il peut être produit artificiellement via des réacteurs nucléaires ou des cyclotrons. Cette méthode commerciale permet de produire des quantités importantes de 210Po de l’ordre de quelques grammes pour des applications industrielles telles que l’éliminateur statique, la source de neutron, la source chaleur dans le domaine spatial. Du fait de son activité spécifique très élevée, le 210Po est considéré comme une des substances les plus toxiques dans les cas d’exposition interne. Les particules α sont responsables des ADN endommagés, qui conduisent aux effets mutagènes et cytotoxiques.