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La spécificité du « terrain » d ’ engagement

L ’ analyse des entretiens :

1.5 La spécificité du « terrain » d ’ engagement

Enfin, et pour revenir à la particularité de notre terrain d’investigation, nous avons interrogé les jeunes rencontrés sur les valeurs portées par leurs associations d’appartenance, sur le sens d’une affiliation départementale, sur le sentiment d’appartenance à un courant idéologique d’éducation populaire. Dans nos propos précédents, la question des valeurs a été posée pour appréhender la façon dont elles étaient – ou non – structurantes pour des jeunes ou des collectifs de jeunes. Nous avons conclu le chapitre écrit à ce sujet par le fait que le partage de valeurs n’était pas de mise dans notre contexte sociétal actuel et que cette situation déterminait des modalités différentes de transmission. Dans la présente analyse, nous allons vérifier si l’adhésion associative à la Ligue de l’enseignement - FOL 29 participe d’un partage de valeurs ou si, comme supposé précédemment, le sens se construit au fil des expérimentations rendues possibles par l’accompagnement proposé.

214 CHARAUDEAU (Patrick), L’identité culturelle entre soi et l’autre, Actes du colloque « Identité culturelle et discours », Louvain-la-Neuve, Mai 2005.

Pour interroger le sens du terrain d’engagement, il semblait opportun d’étudier, dans un premier temps, le degré de connaissance des jeunes vis à vis de leur association et du projet associatif porté par la structure.

Le terme de projet, si prisé des professionnels du milieu associatif et récurrent dans les écrits relevant de ce tissu, paraît bien peu défini chez les jeunes que nous avons rencontrés : le projet associatif semble recouvrir une nébuleuse à dimension variable, regroupant tout à la fois des actions, des équipements, des individus…

Sur les huit entretiens menés, force est de constater que si les jeunes ont eux-mêmes des projets, si leur démarche d’adhésion est finalisée, elle ne l’est pas forcément dans le cadre de références données par l’association elle-même.

« Je pense qu’un projet…chacun peut l’interpréter un peu comme il veut parce que c’est

vaste, ça couvre plein de sujets…»

« Le projet de l’association ? … moi je faisais déjà partie du patronage, alors le projet…

c’est en rapport avec le centre de loisirs…» « Le projet ?… Mon projet personnel ou ?…»

Cette méconnaissance n’est pas totale pour tous nos répondants, mais aucun cependant n’évoque clairement un projet associatif qui se définirait méthodologiquement en une finalité globale déclinée en objectifs opérationnels. On parvient, dans les propos des jeunes les plus informés, à l’annonce d’un objectif général :

« Le projet, c’est de donner la parole aux habitants du quartier »

très rapidement réapproprié, via l’action du jeune lui-même dans la structure :

«… et moi, en ce qui me concerne, j’ai essayé de monter une page " paroles de jeunes "…

parce que j’étais la plus jeune de l’association…»

Au-delà du projet, la connaissance interne de la structure est elle aussi très peu approfondie : les jeunes interrogés ne connaissent ni la population associative qui les entoure, ni l’environnement statutaire de la structure à laquelle ils appartiennent… et il semble qu’il ne s’agisse pas là d’une préoccupation.

L’histoire de l’association ne semble pas les concerner, leur propre histoire associative débutant avec la date de leur première entrée dans la structure. Ce constat nous ramène encore une fois à notre étude théorique : on peut supposer ici que le regard vers l’histoire va à l’encontre de l’aspiration première des jeunes interrogés, qui se projettent davantage vers un « être ensemble » dans un premier temps, avant d’envisager la construction d’un projet concerté.

La spécificité du terrain d’engagement concerne aussi la façon dont l’association à laquelle le jeune adhère est intégrée à un réseau. Nous avons donc souhaité terminer ces premiers entretiens par un échange sur la connaissance qu’avaient les répondants, de la Ligue de

l’enseignement - FOL 29, toutes les associations d’appartenance des jeunes rencontrés étant affiliées à la FOL 29.

L’appartenance à un réseau fédératif n’est manifestement pas lisible pour les jeunes interrogés : aucune réponse ne donne de la Ligue de l’enseignement ou de la Fédération des Œuvres Laïques (ancienne dénomination) une vision claire ou construite. Les liens sont tissés via quelques mots clés – coordination, laïcité, regroupement, social, populaire… – ou quelques personnes ou services :

« Que savez-vous de la Ligue de l’enseignement, de la FOL ? - Il y a quelqu’un de la FOL qui participe aux réunions de CA…

- La FOL, c’est des activités style UFOLEP, le sport autre que compétition

- La FOL, c’est le QG de la coordination des patros… je l’ai connue par la formation… »

Se pose ici la question de la communication en direction des structures et des jeunes adhérents des structures. Si, effectivement, les jeunes méconnaissent fortement le réseau d’appartenance, et par là même les valeurs inscrites dans les projets associatifs des structures locales, il va de soi que le sens même de l’engagement des jeunes doit être interrogé hors de ces cadres.

Ce point tend à consolider l’hypothèse reprise de Jacques Ion dans nos propos précédent concernant l’effacement progressif des réseaux associatifs verticaux au profit du groupe de proximité : les valeurs historiquement partagées dans le réseau vertical que constitue un mouvement comme la Ligue de l’enseignement ne semble pas émouvoir les jeunes adhérents du mouvement.

Notons également le fait que les jeunes eux-mêmes n’ont pas perçu l’intérêt de connaître la fédération porteuse du Projet collectif. La question du sens de l’engagement est bien ici en lien avec celle de la raison d’être – et donc du Projet – du groupement associatif.

L’appartenance à un mouvement d’éducation populaire ne semble pas davantage susciter de passion militante : là encore, l’expression est seulement reliée à un certain nombre de termes dans leurs dires : accessibilité, république, logique de société, école, animation, pratique

culturelle, laïcité…

Les propos des jeunes interrogés laissent à penser qu’historiquement, le terme éducation populaire a, pour eux, un sens, qu’il leur faut retrouver dans des mémoires scolaires ou étudiantes, mais qu’en aucune façon, ce sens n’est véritablement de mise dans leur propre action associative. Cette non-référence au terme ne sous-entend cependant nullement que leurs façons d’agir ou leurs explications pour argumenter le choix d’actions, ne sont pas en phase avec ce que l’on sait, par l’analyse, des principes d’éducation populaire.

1.6 Typologie de l’engagement des 18/26 ans… à la Ligue de