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Présentation du dispositif et proposition d ’ évaluation

mutations rapides et profondes

Chapitre 3 : Une expérience inédite d ’ accompagnement de jeunes en Finistère

3.1 Présentation du dispositif et proposition d ’ évaluation

Le projet d’accompagnement de jeunes que nous souhaitons analyser dans ce dernier chapitre de la seconde partie de notre travail s’intitule « Imagin’action ». En février 2010, lors de sa première phase de concrétisation, il était présenté de la façon suivante : « Cette expérimentation se situe dans la continuité d’un travail engagé par différents partenaires. En mai 2008, le Conseil Général du Finistère décide de la mise en place d’une action expérimentale visant à mieux accompagner l’installation des jeunes en milieu rural dans le cadre du " groupe des trouveurs199" réuni lors de la manifestation " La quinzaine des initiatives jeunes ". Une commande publique est passée auprès de la SCOP le Pavé pour présenter une étude de faisabilité en partenariat avec Morlaix Communauté, porteuse d’un Projet Politique Jeunesse, et de la Mission locale, qui a développé

199Manque d’engagement, individualismes, conduites à risques, violences… : les comportements de (certains) jeunes posent aujourd’hui problème à des élus, des professionnels, des parents. Toutefois, peut-on vouloir traiter des symptômes sans s’attacher d’abord à comprendre leur origine ?

Chercher à mieux connaître cette génération des 12-25 ans est non seulement la condition pour mieux répondre aux problèmes qu’elle rencontre, mais aussi la meilleure façon d’enrayer une « fracture générationnelle » qui se dessine.

Partant de ce constat, refusant la stigmatisation d’une partie de la jeunesse et la résignation, un groupe de personnes, professionnellement impliquées sur ces questions, mais d’abord animées (y compris au plan personnel) par la volonté de chercher, voire de trouver des réponses, s’est proposé depuis janvier 2006 de construire une réflexion partagée sur les modes d’expression des jeunes.

Ce groupe s’est adjoint, selon les sujets abordés, l’expertise et/ou le témoignage d’élus, de jeunes, de bénévoles associatifs, de professionnels, de chercheurs. Avec beaucoup d’espoir et non sans ironie, il s’est défini comme le Groupe des Trouveurs.

depuis plusieurs années un certain nombre de dispositifs d’accompagnement des jeunes dans des projets de création d’entreprise.»200

Dès ses prémisses, la volonté affichée de ce projet expérimental est triple :

- Mieux accompagner l’insertion sociale et professionnelle des jeunes du territoire - Relancer l’attractivité du territoire et le dynamisme local

- Prendre en compte la dimension économique des projets et la question de la reprise d’activité : comment conserver certains commerces en milieu rural, comment favoriser la transmission d’activités...

Nous retrouvons, dans ces trois axes, les dimensions que nous avons mises en exergue dans les chapitres précédents, de l’accompagnement d’une part, qui, dans nos hypothèses, doit être repensé pour générer des constructions identitaires cohérentes ; de l’ancrage territorial et contextuel, d’autre part, dont l’analyse est, selon nous, partie intégrante de la construction des réponses appropriées.

En février 2010, dans le document de présentation précité de l’action, la Mission Locale spécifie le public concerné par l’expérimentation : « L’action est destinée principalement aux jeunes de 16 à 30 ans résidant en priorité sur le territoire de Morlaix Communauté ; Tout jeune issu du milieu agricole ou non, ayant un projet innovant ou non, connu ou pas par les structures d’accueil ».

Nous voyons ici se dessiner une nouvelle population de jeunes – dont nous pouvons imaginer que la définition n’a pas été sans poser soucis aux institutions partenaires et financeurs – : les 16/30 ans. Le choix a été fait de définir cette fois la classe « jeunesse », bien au-delà des dispositifs traditionnels des politiques publiques. Ce point réaffirme, dans la variété des travaux que nous avons choisi ici d’agréger et d’analyser, notre conception très large et multifacette de ce concept « jeunesse » aux contours peu identifiables.

La raison d’être du projet et les objectifs escomptés

Clairement, la raison d’être du projet « Imagin’Action » relève de « l’accompagnement de jeunes ». Les partenaires en charge de sa mise en œuvre ont l’ambition de favoriser l’installation de jeunes adultes en milieu rural et ce, via une activité professionnelle à développer : soit en accédant à un emploi, soit en créant ou en reprenant une activité. Deux dimensions sont identifiées alors : le statut professionnel ou la reconnaissance de la place professionnelle comme levier de reconnaissance sociale ; le milieu rural comme terrain d’investigation et/ou d’installation, à la fois dans l’objectif de le dynamiser et donc de le rendre attractif, mais également dans l’idée d’un ancrage potentiel pour des jeunes en difficulté d’intégration.

En outre, les objectifs visés initialement par les institutions porteuses de l’expérimentation sont exprimés de la façon suivante :

Affiche diffusée par les institutions en

charge du projet, lors de la seconde session (2011)

« Imagin’Action » est lancée dans un cadre partenarial annoncé, qui doit, dans les intentions affirmées par les porteurs du projet, être garant de la place de chacun dans les réflexions associées aux besoins des jeunes sur un territoire. En lui-même, ce partenariat relève de l’expérimentation puisqu’il est novateur et qu’il garantit une part de la réussite du projet. C’est lui qui permet à la fois la mise en œuvre financière de l’action, mais aussi son inscription dans l’existant : il ne s’agit pas de faire de l’expérimentation à côté de ceux et celles qui ont habituellement en charge les questions liées à l’accueil et au suivi des jeunes, mais bien d’associer les acteurs de ce champ thématique dans une façon nouvelle de travailler ensemble.

De façon très concrète, le projet s’organise sur douze journées de regroupement, au cours desquelles le groupe de jeunes est accompagné par des formateurs ayant en charge la mise en œuvre du projet. Durant les regroupements, le collectif est pensé comme un espace structurant, encourageant, valorisant pour chacun de ses membres. Entre les regroupements, des objectifs sont posés pour chaque jeune – démarches administratives, rencontres professionnelles, formalisation du projet d’insertion…–, et le suivi des formateurs est alors plus individualisé.

Les partenaires associés sont les suivants :

- La Mission Localequi assure la maitrise d’ouvrage du projet,

-Favoriser la vitalité des territoires ruraux,

-Favoriser et faciliter l'installation des jeunes souhaitant vivre en milieu rural,

-Accompagner durablement et différemment les jeunes souhaitant s'installer en milieu rural, à travers l'action collective,

-Mobiliser et faire travailler ensemble les acteurs de l'emploi et de la formation autour d'un projet partagé.

- Le Conseil Général du Finistère dans le cadre du Contrat de Territoire201

- Morlaix Communauté, communauté d’agglomérations de 28 communes rurales du Nord Finistère,qui facilite la faisabilité de la formation, au niveau local en faisant le lien entre les partenaires, en assurant une partie de la coordination logistique locale pour une meilleure implication de tous.202

- Le Conseil Régional d e B r e t a g n e qui a inscrit cette formation expérimentale au Contrat de Plan Régional de Développement des formations.

- Les quatre Etablissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI) du Pays de Morlaix : depuis 2011, les 3 communautés de communes de la Baie du Kernic, de Landivisiau et du Pays Léonard ont rejoint Morlaix Communauté et ont exprimé le souhait de voir l’action se dérouler sur un de leurs territoires.

- Le Conseil de Développement du Pays de Morlaix participe également à la diffusion du contenu et au repérage du public.

Quelques éléments cartographiés pour situer le cadre géographique de l’expérimentation :

201 Le Conseil Général est partie prenante depuis l'origine du projet et dans le cadre du Contrat de Territoire, 20 000 € ont été accordés pour la première session. En fonction des résultats de l'évaluation présentée ici, le Conseil Général avait annoncé sa participation - ou non - au financement de la 3ème session. Dans les propos des acteurs audités, on sent cette institution moins présente depuis le démarrage de la seconde session.

202 Les services Développement économique et Cohésion Sociale de Morlaix Communauté se sont fortement

impliqués dans la mise en œuvre de l'action. Cette action a été retenue dans le cadre du Schéma de Développement Economique communautaire.

Le Pays de Morlaix, situé au nord du Finistère, compte 61 communes regroupées en quatre

Plusieurs acteurs locaux ont en charge l’animation du dispositif. Ils sont intervenants de terrain auprès des jeunes.

- Le Centre d’Initiatives pour Valoriser l’Agriculture et le Milieu rural (CIVAM du Finistère),

- Le Mouvement Rural de Jeunesse Chrétienne (MRJC Bretagne), - La SCOP d’éducation populaire le PAVE 203

203 Né dans les années 1950 à l’initiative d’instituteurs agricoles, le mouvement des CIVAM (Centres d’Initiatives pour Valoriser l’Agriculture et le Milieu rural) s’est construit sur des valeurs d’éducation populaire et de défense de l’égalité des chances pour tous par la diffusion du savoir. Le MRJC (Mouvement rural de jeunesse chrétienne) est géré et animé par des jeunes de 13 à 30 ans et organisé du local à l’international. C’est une association de jeunesse et d’éducation populaire, créée en 1929 et agissant dans trois champs particuliers ; l’agriculture, l’éducation, et l’emploi

La SCOP le Pavé est une coopérative d’éducation populaire créée en 2007 (et dissoute en 2014) à l’initiative de Franck LEPAGE, Militant de l'éducation populaire, il a été jusqu'en 2000 directeur des programmes à la Fédération française des Maisons des jeunes et de la culture et chargé de recherche associé à l’Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire

Pour nos travaux, il importe de noter ici que les trois intervenants retenus pour encadrer l’expérimentation « Imagin’Action » se revendiquent d’une adhésion au champ de l’éducation populaire. Certes, leurs histoires et leurs trajectoires ne les affilient pas au même courant idéologique, mais cette appartenance commune atteste, selon nous, de la capacité des organisations de ce domaine, à entreprendre autrement, à innover, à expérimenter.

En mars 2011, nous avons entrepris une démarche évaluative d’ « Imagin’Action », à la demande des partenaires impliqués, notamment le Conseil Général du Finistère et Morlaix Communauté. La démarche « Imagin’Action » étant qualifiée d’expérimentation, il était essentiel d’en évaluer la pertinence afin d’en réajuster, le cas échéant, les modalités.

Les finalités évaluatives ont été exprimées de la façon suivante par les services Cohésion Sociale et Développement Economique de Morlaix Communauté :

-Vérifier la pertinence de la formation au regard des objectifs et des effets non anticipés,

-Favoriser la pertinence de la formation : formulation de préconisations sur la méthode (évaluation-action),

-Convaincre les partenaires financiers de l’intérêt de l’action pour la traduire en formation pérenne sur le territoire, en y incluant les formateurs locaux, après formations

-Donner les moyens de mettre en valeur la formation pour en tirer tous les bénéfices en matière d’attractivité et de notoriété du territoire,

-Faciliter la diffusion des effets positifs de l’expérimentation,

-Créer des indicateurs permettant une évaluation continue de l’action sur trois ans,

-Participer à l’évaluation et à la réécriture du projet politique jeunesse communautaire.

-Repérer les attentes du public en matière d’accompagnement à l’emploi et à la création d’entreprise, évaluer l’impact des accompagnements sur la reprise d’emploi 204

La proposition d’évaluation que nous avons faite s’est inscrite dans le contexte plus global de l’évaluation du Projet Politique Jeunesse de Morlaix Communauté, notamment parce que l’existence de ce projet politique a été l’une des raisons de l’ancrage territorial d’ « Imagin’Action ».

Nous avons cherché, dans ce contexte politique formalisé, à observer, analyser et apprécier une expérimentation singulière. Le présent chapitre ne constitue donc qu’une partie d’une démarche évaluative plus globale, mais il nous intéresse particulièrement, parce que ce champ du projet politique touche principalement les questions que nous voulons traiter ici.

204

Document de travail des Services Cohésion Sociale et Développement Economique de Morlaix Communauté – Janvier 2011.

Nous avons pris le parti de nous inscrire dans une démarche qualitative, compte tenu de la nature complexe et vaste du sujet : les jeunes et l’emploi.

La question des trajectoires d’insertion professionnelle des jeunes et celle de l’attractivité des territoires ruraux se croisent dans cette expérimentation. L’évolution du marché du travail, des mobilités, des formes de l’emploi et du chômage nous amènent à réinterroger l’existant.

Comment penser l’insertion tant sociale que professionnelle aujourd’hui ? Quelles sont les conditions préalables qui permettent aux jeunes de tendre vers cette nécessaire insertion? Comment peuvent-ils développer de nouvelles formes de travail ? En quoi les dispositifs actuels répondent-ils ou non aux besoins des jeunes ? En quoi peuvent-ils être optimisés ? Comment les jeunes peuvent-ils être une véritable ressource pour le monde rural ?... Autant de questions qui ont jalonné les réflexions évaluatives proposées.

Notre démarche s’est construite en trois phases :

-Des entretiens auprès des acteurs identifiés (en grande partie des acteurs qui étaient également ceux de la Politique Jeunesse Communautaire dont nous conduisions également l’évaluation à cette époque).

-Une observation participante sur une session d’ « Imagin’Action », la seconde mise en place (et sur un autre type d’approche visant des objectifs a priori similaires).

-Un travail de croisement des données et d’analyse.

Pour mener à bien la phase d’état des lieux et de diagnostic, plusieurs modalités de recueil d’informations ont été retenues : des entretiens individuels auprès des jeunes-stagiaires, des partenaires et des acteurs du territoire, des entretiens téléphoniques, des échanges par mail… En effet, pour entendre les stagiaires de la première session expérimentale, certains entretiens en face à face ont dû être menés différemment pour des raisons de disponibilité et de mobilité.

L’observation participante

La participation à plusieurs journées de formation, sur site, a permis à la fois le recueil d’informations, mais également la mesure de la dynamique du groupe, des ressentis des uns et des autres : c’est une perception des situations d’apprentissage et de transmissions que nous cherchions à construire là. Un atelier d’écriture a complété l’ensemble de ces données, permettant l’expression de stagiaires, par l’intermédiaire d’un outil forçant à nommer des ressentis plus individuels, voire plus intimes.

Perspective globale

Le choix initial, arrêté pour mener à bien le projet « Imagin’Action », a été défini dans les termes suivants :

-Trois ans d’expérimentation proposés dans le cadre du projet politique jeunesse communautaire en lien avec la politique de développement économique de Morlaix Communauté favorisant des actions en faveur de l’insertion professionnelle proposés en itinérant sur les communes du territoire communautaire

-Trois mois de suivi et d’accompagnement pour chaque session assuré par un groupe d’intervenants (CIVAM, MRJC, Scop le Pavé). Des sessions de trois jours, espacées de trois semaines (soit un total de 1 2 jours en collectif)

-Un regard individualisé dans le collectif -Des sessions de 15 jeunes

-Un accompagnement spécifique de chaque jeune dans le collectif, en fonction du statut de chacun et du projet de chacun

-Une volonté de permettre à chacun de passer de l’idée au projet et de parvenir à une concrétisation de ce projet

En janvier 2011, lorsque les services Cohésion Sociale et Développement économique de Morlaix Communauté pensent l’évaluation de la démarche, ils pointent l’originalité de l’expérimentation : « Accompagnement des jeunes vers leur idéal professionnel pour leur permettre de passer de l’idée au projet (contrairement aux structures classiques qui demandent un minimum de formalisation des projets avant d’accueillir les personnes), - Accompagnement personnalisé dans un cadre collectif - Pédagogie innovante reposant sur une demande de coopération des participants - Mixité des publics par des niveaux d’études et projets professionnels différents ce qui permet de favoriser l’échange d’expériences et de points de vue - Formation itinérante pour favoriser la connaissance du territoire communautaire et mettre en contact les stagiaires avec différents réseaux d’acteurs (entreprises, élus, structures de l’insertion par l’activité économique »205

Nous souhaitons, dans nos travaux, analyser la façon dont ce « listing » rédigé par les services internes de Morlaix Communauté a effectivement marqué l’originalité de l’expérimentation.