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d. Du soutien dans un parcours difficile

Dans le document Marion RADI (Page 85-88)

2.d.1. Solidarité communautaire

Entre Algériens

On constate à travers les entretiens une grande solidarité communautaire, à la fois entre Algériens, mais plus largement entre Maghrébins. Le soutien est surtout logistique à l’arrivée en France avec des compatriotes qui peuvent proposer un hébergement provisoire, donner des conseils sur les démarches administratives. La solidarité se fait également au quotidien, pour la garde des enfants par exemple, qui peut se chercher spécifiquement dans la communauté. Ouarda l’évoque ici :

Ouarda : Je les mets chez une Française au début mais la Française « Ben non à 17h vous venez ! ». Mais moi je ne peux pas venir courir à 17h ! Donc mon mari me dit «Ne t’inquiète pas, la première dame maghrébine qui arrive en consultation je lui demande ». La première dame elle est arrivée, il lui dit : « Voilà, on a des enfants en bas-âge, ma femme elle travaille ». Elle lui a dit : « Y a aucun soucis ». Donc je lui donne, à cette dame-là, qui était formidable, elle m’a pris les enfants.

Médicale

Une solidarité médicale entre médecins étrangers est également présente avec des échanges de conseils sur le parcours pour régulariser son diplôme, ou de postes à pourvoir. Lotfi explique qu’une fois que son parcours pour (re)devenir médecin est engagé, il expose à tous les médecins étrangers autour de lui qui n’exercent pas leur profession comment y arriver.

Lotfi : J’ai aidé beaucoup de gens à faire ça. Par exemple il y avait un aide-soignant du Nigeria, alors qu’à la base c’était un médecin qui avait fait ses études en Russie ! Il arrive en France, il ne parle pas français et on le met comme aide-soignant. Et là je lui dis : « Pourquoi tu restes comme aide-soignant ? ». Il y en avait un autre aussi qui exerçait comme infirmier et je lui ai dit : « Vas-y, tu fais ça ». Je leur montrais comment faire, je leur donnais des adresses. Et après tous ces gens-là ont fait praticien attaché ! Ils ont des postes même.

Chaïma : C’est des hasards de la vie mais … En fait j’ai été la voir une fois et elle me dit : « Est-ce que tu as un CV ? » Je lui dit oui parce que je venais de sortir d’un entretien d’embauche pour un poste d’interne de gériatrie, au final je n’étais pas prise car on était nombreux. Et du coup elle me dit : « Donne-moi ton CV ». Elle le donne directement à sa chef de service, en psychiatrie. Et la chef de service me reçoit. J’arrive à l’entretien d’embauche, je maquille un peu les choses, j’essaye de mettre en avant mon amour pour la psychiatrie ! Et c’est comme ça que j’ai été prise. Et au final, avec le temps j’ai eu des réponses pour mes candidatures en gériatrie. Mais entre-temps j’avais déjà compris que j’étais faite pour la psychiatrie.

On voit donc comment cette solidarité oriente les trajectoires professionnelles, comme ici le fait que Chaïma devient psychiatre alors qu’elle envisageait une carrière en gériatrie.

Les conseils s’échangent également sur la façon de s’en sortir dans des postes où ils sont livrés à eux-mêmes. C’est fréquemment le cas des médecins qui ne sont pas psychiatres lors de leur arrivée en France et qui sont amenés à travailler dans des hôpitaux ayant des pénuries médicales sévères. Comme nous l’avons vu, huit des psychiatres interrogés ont réalisé leur formation en France et ont exercé plusieurs activités avant d’aboutir à la spécialité psychiatrie. Au-delà de la précarité de leur statut, ces psychiatres ont été les plus touchés par la solitude professionnelle.

Ces solidarités, ponctuelles ou du quotidien ont été importantes pour chacun des psychiatres rencontrés, leur amenant un peu de bienveillance et de reconnaissance alors qu’il leur est si difficile d’en obtenir dans la précarité de leur situation professionnelle.

2.d.2. Les figures alliées dans le parcours

Pour la majorité des personnes interrogées, leur parcours professionnel s’est structuré autour de figures fortes qui sont venues orienter leur parcours. Au cours de leur parcours professionnel houleux, quatre psychiatres évoquent une ou plusieurs personnes bienveillantes parmi leurs collègues français qui les ont aidés et accompagnés dans leur parcours. Ces guides, figures alliées qui peuvent s’opposer aux décisions administratives et institutionnelles ont pu parfois influencer fortement le parcours de ces médecins. Ainsi, Ouarda évoque le Dr Jonas, chef de service d’ophtalmologie, où travaillait son mari, qui s’est, à plusieurs reprises, opposé à l’institution hospitalière pour aider Ouarda et son mari.

Ouarda : Et mon mari, il a eu de la chance, il était avec Jonas. Il est super Jonas. Et donc mon mari a eu un poste mais il n’était pas payé [poste de stagiaire-associé].. Il faisait tout. Et il allait faire des gardes dans un autre hôpital le week-end. Jusqu’au jour où Jonas lui dit : « Non mais c’est quoi cette vie que tu es en train de mener ! Comment tu vis ? ». Donc mon mari lui dit « Eh bien dans une chambre, avec ma fille ». Jonas répond : « C’est inadmissible, ça c’est l’esclavage ! ». Il lui crée un poste, il lui dit : « Si à la fin quand tu termines, tu passes ton concours, je peux te créer un poste de praticien attaché ».

[…] Jonas, j’ai beaucoup d’admiration pour lui. Tu vois, on voulait avoir un appartement à nous, donc il a été le garant. Parce qu’il faut un garant pour un loyer !

[...]Donc Jonas a appelé l’ARS, en disant : « En aucun cas il ne repartira en Algérie avec ces

événements … C’est quelqu’un qui est un bon élément, c’est quelqu’un qui travaille, quelqu’un qui est bien ...et vu les événements, on ne peut pas laisser partir les gens comme ça ». Donc c’est lui qui nous a aidés, et qui a appelé l’ARS et qui a fait les démarches au niveau de l’ARS. Jonas nous a fait des papiers, donc ils ont régularisé, par le biais du terrorisme, notre situation.

On voit là comment Jonas va être une aide précieuse pour Ouarda et son mari et les aider à s’en sortir un peu mieux dans le parcours du combattant qu’ils ont eu à réaliser en permettant à son mari d’avoir un poste stable et rémunéré.

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Dans le document Marion RADI (Page 85-88)