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b. La précarité, vécu commun

Dans le document Marion RADI (Page 81-84)

Pour l’ensemble des psychiatres rencontrés, à l’exception des deux ayant débuté leur parcours professionnel en France dans l’année, les trajectoires professionnelles passent par plusieurs hôpitaux, plusieurs statuts et plusieurs spécialités, selon les hasards des rencontres et des opportunités. Les statuts évoluent également avec la législation française.

2.b.1. L’arrêt de la médecine dans un premier temps

Ainsi, Salah et Lotfi débutent par des métiers non médicaux :

Salah : Je sauve ma peau, je ne fais pas le service militaire quoi qu’il arrive, même s’il faut que j’abandonne les études, même si il faut que je fasse un autre métier, ce que j’ai fait. [...]J’ai fait maître-chien, j’ai fait manœuvre chez un portugais où il m’a cassé le dos sans me payer l’enfoiré …

On voit à quel point Salah se retrouve dans une situation précaire, acceptant divers métiers très en deçà de ses qualifications. Il doit exercer des métiers en bas de l’échelle sociale, à l’opposé du statut de médecin, comme nous avons pu le voir plus haut.

2.b.2. Stagiaires associés

Quatre psychiatres ont commencé comme stagiaires associés. Ouarda et Ahmed sont ceux qui se sont retrouvés le plus en difficulté avec le statut de stagiaire associé, non rémunérés dans le cadre de leur spécialisation, et ce pendant plusieurs années. Ils font donc globalement le même travail qu’un interne ou FFI mais sans être reconnus par la gratification financière en relation avec la fonction. Ils ont dû travailler en parallèle de leur stage à temps plein, comme infirmière pour Ouarda ou en faisant des gardes le soir et le week-end comme FFI, afin de pouvoir subvenir à leurs besoins. Karima a également commencé comme stagiaire associée mais avec une rémunération négociée égale à celle d’un FFI.

Ouarda : […] Tu fais des stages gratuitement. Tu n’es pas payé !

Ouarda : FFI sans être payé ! Par exemple moi j’arrivais à l’hôpital à 9h, je finissais à 16h mais rien du tout. On n’avait même pas le droit au repas de midi de l’internat. Moi tu me trouvais à midi toujours avec un petit casse-croûte, loin. Je n’avais pas d’argent pour payer le restaurant.

Ahmed : Alors après j’étais externe en pédiatrie c’est-à-dire que je faisais le boulot d’interne Vous savez comment ça se passe … ? Donc je faisais le boulot d’interne, on nous disait qu’on était en formation, et donc on n’était pas payé, donc on gérait les urgences et tout ça. On avait cent cinquante francs par garde mais on n’était pas payé pour tout le stage. Parce qu’on n’avait pas le statut de FFI. Ils avaient de la chance, ceux qui étaient FFI.

2.b.3.Infirmiers

Deux psychiatres ont commencé comme infirmier, voire faisant fonction d’infirmier. Il s’agit d’un métier où une formation de trois mois suffit pour que les médecins étrangers acquièrent une équivalence. Cela leur permet bien souvent d’avoir un salaire, contrairement à leurs collègues cantonnés aux stages médicaux non rémunérés. Pour ces deux psychiatres, c’est par le biais de leur travail d’infirmier qu’ils découvrent la psychiatrie et choisissent par la suite de se spécialiser quand ils reprennent leurs études de médecine.

Chaïma : Au final, pour payer mon loyer j’étais obligée de travailler donc comme beaucoup de mes collègues, j’ai travaillé comme infirmière. A l’époque on pouvait avoir rapidement l’équivalence. Donc j’ai fait infirmière à Sainte-Anne [à Paris]

Bilal : Ce qui s’est offert à nous c’est de travailler en tant qu’infirmier. Ce n’est pas infirmier parce qu’après il fallait valider le diplôme d’infirmier. Donc en tant qu’infirmier je suis arrivé dans une institution de thérapie institutionnelle avec un esprit de la psychiatrie … la rencontre avec les patients et ça m’a tout de suite plu cet esprit de travail, de contact humain, la thérapie institutionnelle … Et donc j’ai fait le choix de poursuivre mes études pour faire l’équivalence en psychiatrie.

2.b.4. Faisant Fonction d’Interne

Cinq psychiatres ont commencé comme FFI, ce qui signifie qu’ils ont des contrats de six mois, avec le risque de ne pas être renouvelé à la fin, par exemple si un interne français choisit le poste lors du choix de stage. En effet, étant assimilés à des internes en médecine français, ils sont tributaires des choix des stages tous les six mois, ce qui impacte fortement leur vie de famille et peut potentiellement les laisser sans travail et donc sans revenus. Ils ont la plupart du temps des responsabilités équivalentes aux médecins diplômés, avec un salaire bien moindre.

Othmane : Au départ, quand on est arrivé en France à l’époque c’était sur des statuts précaires … il n’y avait pas de perspectives, on n’avait pas le même statut que les PH… on n’avait pas le droit de passer des équivalences, sauf refaire médecine en repartant à zéro. On pouvait être Faisant Fonction d’Interne…

2.b.5. Assistants associés

Deux psychiatres ont débuté comme assistants associés, il s’agit de Messaoud et de Mounir, qui sont les deux médecins les plus âgés. Tous deux étaient reconnus comme psychiatres en Algérie et avaient effectué tout ou partie de leurs études médicales en France. A l’époque, le fait d’être étranger ne les autorisait pas à accéder à un autre statut malgré le fait qu’ils aient fait les mêmes études que leurs camarades français. Un assistant associé exerce ses fonctions sous la responsabilité directe du responsable de la structure dans laquelle il est affecté. A la différence du FFI, l’assistant associé est recruté sur une période d’au moins un an.

Mounir : Et après j’ai travaillé en France. Sauf que bon mes diplômes étaient français mais j’étais considéré comme médecin à diplôme étranger. C’était comme ça. Vu que je n’avais pas la nationalité française.

Après ces premiers statuts précaires, ils peuvent prétendre au statut de praticien attaché associé (PAA), anciennement praticien adjoint contractuel (PAC), qui permet d’avoir des contrats plus durables dans le temps, un peu mieux rémunérés mais avec malgré tout des grilles de salaires et d’évolution bien moindres que leurs homologues français.

Dans le document Marion RADI (Page 81-84)