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CHAPITRE 4- RÉSULTATS ET INTERPRÉTATIONS

4.3 Les types de soutien social

4.3.6 Le soutien financier

Avant de discuter du soutien financier, il semble pertinent d’aborder une des sources de dépense importante pour un ménage, c’est-à-dire le panier d’épicerie. En effet, la question de l’alimentation est depuis plusieurs années au cœur des indicateurs de pauvreté (Fréchette, 2000; Gardes et Langlois, 1995). Au Québec, l’alimentation se positionne au troisième rang

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de la consommation courante après le logement et le transport pour l’ensemble des Québécois (Crespo, 2018). Ces trois regroupements de dépenses représentent en 2016 près des deux tiers du budget de la consommation courante des ménages québécois (61 %) (Crespo, 2018). Toutefois, pour les personnes les moins fortunées, les dépenses pour l’alimentation se positionnent au deuxième rang des dépenses et le pourcentage du budget pour le logement, l’alimentation et le transport s’élève à près de 66 %. (Statistique Canada, 2005). De plus, en cas de diminution du revenu, les études démontrent que les dépenses liées à l’alimentation sont les premières affectées (Legros, 1994). Ainsi, le stress associé à l’alimentation est considérable pour une population à faible revenu. En effet, le manque de ressources financières a des répercussions sur la santé mentale des gens en engendrant un haut degré de stress. Durbin, Bondy et Durbin (2012) rapportent que le stress associé à la pauvreté peut induire des troubles mentaux ou les aggraver. Ainsi, le stress économique et les inégalités socio-économiques sont tous deux des facteurs de risque pour la santé mentale (INSPQ, 2008), et le soutien financier engendré par les cuisines peut alors être considéré comme un facteur de protection pour la santé mentale.

Les entrevues individuelles ainsi que les observations ont démontré qu’une grande majorité de la clientèle des cuisines collectives est dans une situation de précarité sociale. Plusieurs participants ne sont pas à l’emploi et vivent de programmes d’aide financière. Les trois participants et participantes aux entrevues individuelles percevant leur revenu comme insuffisant pour subvenir à leurs besoins ont mentionné que la nourriture produite dans les groupes de cuisine engendrait une économie d’argent et de temps. Les cuisines permettent de réaliser des économies pour mieux terminer les fins de mois. Elles deviennent une aide de survie.

C’est sûr que la cuisine collective, ce que j’ai trouvé c’est que premièrement ce n’est pas cher. On a quand même beaucoup de nourriture pour le prix. […] Ça m’aide et ça nous aide financièrement. Les repas qu’on a, ça nous aide au moins une bonne semaine. Johanne

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C’est pour finir la fin de mois, il y a en a qui sont au début du mois. C’est sûr que ça aide quand même. Mais ça aide à finir le mois, parce que quand tu n’as pas beaucoup [d’argent] et au prix que la nourriture est […] ce n’est pas possible. Albert

De plus, certains groupes de cuisine, dont le groupe 3 et Albert, reçoivent plusieurs dons de nourriture de la part de Moisson Québec qui leur est remis à la suite du groupe. Les participants quittent donc la cuisine avec du pain, des barres tendres, du yogourt, des noix et tout autre aliment en fonction de la marchandise reçue. Ce gain de nourriture représente aussi un apport financier important chez le participant.

On a un avantage ici [aux cuisines]. Avec ce que Moisson nous donne, on s'arrange avec ça. Bien souvent, on n’a pas besoin de rien acheter pour la maison. Albert

Pour Robert, les plats cuisinés ont aussi une fonction de monnaie d’échange pour d’autres services. Le transport est difficile et coûteux pour lui et son épouse étant donnée la situation géographique de sa demeure et du fait qu’il ne peut plus conduire à la suite d’une déficience visuelle. Les plats cuisinés dans le groupe lui permettent donc de remercier les gens qui lui procurent des transports sans avoir à les payer.

Moi pour 10 $, j’ai deux sacs pleins. J’ai quelqu’un dans la famille qui ces temps-ci vit une période difficile, donc on lui en donne un peu et ça compense pour le transport. On fait du troc. Robert

Dans un autre ordre d’idées, la structure du groupe 1 permet de travailler sur les habitudes d’achat et de consommation en accompagnant les participants et participantes à l’épicerie avant la cuisine. Nous avons observé l’intervenante donner des astuces pour mieux choisir les aliments à l’épicerie, par exemple de peser les poivrons préemballés afin de vérifier si cet achat est plus avantageux qu’un poivron à l’unité, de comparer le prix de la viande à celui du tofu pour vérifier l’économie en argent et autres moyens pour faire des achats éclairés. Ces renseignements sur les aliments permettent une économie à plus long terme si les personnes les mettent à profit.

Le soutien financier n’est toutefois pas perçu pour l’ensemble des participants et participantes dans les groupes de cuisine. Pour Caroline, ce gain ne semblait pas au premier plan des

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avantages. Nous émettons l’hypothèse que la perception de son revenu étant satisfaisante, elle ne considère pas la cuisine comme nécessaire pour combler ce besoin de base. Les observations ont aussi indiqué que les participantes du groupe 4 n’ont pas soulevé l'avantage économique à venir aux cuisines. Cela est concordant avec les motivations des participantes et l’orientation du groupe qui se centrent davantage sur les relations entre les membres.