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CHAPITRE 2- CADRE CONCEPTUEL

2.1 Les principaux concepts à l’étude

2.1.1 La santé mentale

Selon les époques, les domaines disciplinaires, les régions démographiques, la définition de la santé mentale diffère et ne connait pas de consensus dans la communauté scientifique. Depuis les dernières années, le concept de santé mentale s’est graduellement élargi afin d’introduire d’autres facteurs en cause outre les caractéristiques individuelles des personnes (Comité de la santé mentale du Québec, 1994). Par contre, à ce jour, il existe un consensus à l’effet que la santé mentale est plus que l’absence d’un trouble mental (Organisation mondiale de la santé [OMS], 2013). Certaines expériences de vie négatives peuvent être à l’origine d’une perturbation de la condition mentale sans entrainer l’apparition d’un trouble mental diagnostiqué (Lemieux, 2009). On considère donc comme réducteur de définir la santé mentale uniquement par l'absence de maladie. Le Comité de la santé mentale au Québec (1994) définit la santé mentale en prenant compte de ce principe :

L'état d'équilibre psychique d'une personne à un moment donné, s'apprécie entre autres à l'aide des éléments suivants : le degré de bien-être subjectif, l'exercice des capacités mentales et la qualité des relations avec le milieu. Elle résulte d'interactions entre des facteurs biologiques, psychologiques et contextuels. Ces facteurs sont en évolution constante et s'intègrent de façon dynamique chez la personne (Comité de la santé mentale au Québec, 1994, p.7).

Cette conception positive de la santé mentale permet de la considérer comme une ressource, c’est-à-dire que la perception de son propre bien-être est autant valorisé que l’absence de maladie ou de troubles mentaux (Institut canadien d’information sur la santé [ICIS], 2009). Cette conception positive incite donc à la promotion de la santé mentale et entraine une ouverture aux interventions non seulement médicales, mais aussi sociales (Comité de la santé

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mentale du Québec, 1994; Fleury et Grenier, 2012). Cette conception positive et élargie présente aussi l’intérêt d’inclure a priori tous les groupes de la société (Comité de la santé mentale du Québec, 1994). En effet, il est important que la prévention des troubles mentaux et la promotion de la santé mentale s’adressent autant à la population générale qu’aux personnes présentant des vulnérabilités qu’à celles vivant avec un trouble de santé mentale (Comité de la santé mentale du Québec, 1994). Afin de bien comprendre la portée de la conception positive de la santé mentale, il semble important de distinguer deux grands concepts reliés, soit les troubles mentaux et les problèmes de santé mentale.

Les termes « problème de santé mentale » et « trouble mental » sont souvent utilisés comme des synonymes dans la littérature, mais se distinguent quant à leur sens. Les troubles mentaux se définissent comme des maladies pouvant être diagnostiquées, caractérisées par une détérioration grave des fonctions cognitives, de la régulation des émotions et du comportement de l’individu (Comité de la santé mentale du Québec, 1994). Généralement, les troubles mentaux sont associés à une détresse significative chez les personnes et à une diminution de leurs habiletés personnelles, sociales, familiales, comportementales et communautaires. Les problèmes de santé mentale quant à eux renvoient à tout écart par rapport à l’état de bien-être mental ou psychologique (Gouvernement du Canada, 2006). Le fonctionnement de la personne est perturbé, mais avec une sévérité et une durée de moindre importance (World Health Organization WHO, 2005).

Afin de bien ancrer la perspective de ce mémoire quant à la relation entre la santé mentale et les troubles mentaux, le modèle des deux continuums sera introduit en guise de référent.

2.1.2 Le modèle des deux continuums

La santé mentale et les troubles de santé mentale ne sont pas deux pôles opposés. En 1988, le Canada a été le premier pays à établir cette distinction conceptuelle (Santé et Bien-être social Canada, 1988). Le modèle des deux continuums démontre la coexistence simultanée de ces deux états chez un même individu (Mantoura, 2014). Il faut alors concevoir la santé

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mentale sous forme d’une matrice. Les individus ayant un diagnostic ou non de trouble mental peuvent évoluer entre différents quadrants de bien-être mental (Côté et Madore 2003). Ce double continuum est illustré à la figure 2, qui est divisée en quadrants égaux. Dans le premier quadrant, les individus s’y trouvant ont une bonne santé mentale et n’ont pas de troubles de santé mentale. Dans le second quadrant, les personnes s’y trouvant jouissent d’une faible santé mentale, sans avoir de troubles de santé mentale. Dans le troisième quadrant, les personnes vivent avec un trouble de santé mentale, mais bénéficient quand même d’une bonne santé mentale. Les facteurs de protection pouvant être une source d’explication de cette santé mentale florissante. Dans le quatrième quadrant, les personnes sont atteintes d’un trouble de santé mentale et éprouvent plusieurs tensions qui affectent leur santé mentale (Côté et Madore, 2003). Les personnes dans les quadrants 2 et 4 connaissent des conséquences négatives sur leur fonctionnement social, affectif et cognitif, ainsi que sur leur santé physique et leur qualité de vie (Keyes, 2004). Une amélioration sur le plan de la santé mentale est souhaitable afin d’améliorer la santé physique, la productivité, la qualité de vie des individus et de réduire les risques de troubles mentaux et de suicide (Keyes, Dhingra et Simoes, 2010; Keyes, Eisenberg, Perry, Dube, Kroenke et Dhingra, 2012). Ce que l’on vise dans les programmes de prévention et de promotion de la santé mentale, c’est que la population se situe dans le premier et dans le troisième quadrant.

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Figure 2. Modèle des deux continuums Traduit de l’anglais par Côté et Madore, 2013.

2.1.3 La promotion de la santé mentale

La promotion de la santé mentale vise à maximiser la santé mentale et le bien-être des individus. La promotion de la santé mentale est donc une action qui :

[…] vise l’accroissement du bien-être personnel et collectif en développant les facteurs de robustesse et les conditions favorables à la santé mentale. Son action porte sur les déterminants de la santé plutôt que sur les facteurs de risque, et vise la population générale ou des sous-groupes particuliers (Blanchet, Laurendeau, Paul et Saucier, 1993, p.15).

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En d’autres termes, la promotion de la santé mentale s’appuie sur le développement de la résilience et de l’épanouissement chez les individus par la mise en place de conditions individuelles, sociales et environnementales (Desjardins et al., 2008).

2.1.4 La prévention des troubles mentaux

Il est important de distinguer la promotion de santé mentale de la prévention des troubles mentaux. Les deux termes sont souvent confondus et font souvent référence au même champ d’intervention. La prévention des troubles mentaux a pour objectif de réduire l’incidence, la prévalence et la récurrence des troubles mentaux (Mrazek et Haggerty, 1994 dans Lamboy et al., 2011). Selon Blanchet et ses collègues (1993), la prévention vise à réduire les facteurs de risque et les conditions pathogènes alors que la promotion vise le développement des facteurs de robustesse et les conditions favorables à la santé mentale. Toutefois, il semblerait que cette conception soit dépassée et que la prévention n’est actuellement plus uniquement dirigée vers la réduction des facteurs de risque (Fréchette, 1998). Selon la professeure Lucie Fréchette (1998), on parle maintenant de prévention-promotion, un concept qui soutient l’importance des déterminants de la santé pour saisir l’évolution du caractère social de la prévention.

Enfin, la promotion de la santé mentale peut être perçue comme une approche globale à l’intérieur de laquelle s’inscrivent les activités de prévention des troubles mentaux (Lehtinen, Riikonen et Lahtinen, 1997 cités dans Desjardins et al., 2008).

2.1.5 Importance de la promotion de la santé mentale

L’adage québécois, « il vaut mieux prévenir que guérir », permet de bien illustrer l’importance de la promotion dans le champ d’intervention en santé mentale. En effet, la promotion de la santé mentale est un investissement rentable sur le plan économique, mais aussi sur le plan humain (Blanchet et al., 1993). Comme mentionné auparavant, les troubles de santé mentale sont une cause majeure d’invalidité et occasionne des coûts considérables

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(Desjardins et al., 2008). De plus, les données indiquent que les interventions en promotion de la santé mentale améliorent la santé physique et mentale, améliorent les résultats scolaires, réduisent le taux de décrochage scolaire, accroissent la productivité des travailleurs et leurs revenus, améliorent les relations au sein de la famille et les conditions de développement des enfants, réduisent la criminalité dans la population et créent des milieux de vie plus sécuritaires (Herrman, Saxena et Moodie, 2005, cités dans Mantoura, 2014). Moodie et Jenkins (2005) indiquent que ces interventions contribuent aussi à la réduction des comportements à risque tels que le tabagisme, l’alcoolisme, la toxicomanie et les rapports sexuels non protégés. Inversement, une santé mentale déficiente, ainsi que la présence de troubles mentaux réduisent les possibilités de succès dans différentes sphères de la vie et ce à différents stades de la vie (Mantoura, Roberge et Fournier, 2017). Ces conditions négatives poussent ainsi les individus vers le bas de l’échelle sociale et par le fait même leur position socio-économique se détériore en même temps que leur santé mentale (Friedli, 2009; McGibbon, 2012; Pickett et Wilkinson cités dans Mantoura, Roberge et Fournier, 2017).

La promotion de la santé mentale permet donc à un plus grand nombre d’individus de jouir d’une bonne santé mentale (OMS, 2014). Cette promotion doit par conséquent exercer une influence sur les déterminants de la santé mentale pour atteindre les retombées pertinentes évoquées précédemment (Barry, 2009). La promotion doit donc s’appuyer sur une perspective de renforcement des compétences ciblant l’ensemble de la population.

2.1.6 Les déterminants de la santé mentale

Les déterminants de la santé mentale sont nombreux et ils façonnent l’ensemble des sphères de vie d’un individu (Racine et St-Onge, 2000). Les déterminants de la santé sont des facteurs sociaux, environnementaux, culturels, économiques et politiques qui influencent la santé mentale d’une population (OMS, 2013). Les déterminants de la santé et de la santé mentale doivent donc dépasser le point de vue biomédical et être considérés d’un point de vue holistique, en considérant la santé en tant que fait social (Dorvil, 2007). C’est l’effet

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cumulatif des facteurs de risque et de protection qui déterminerait l’impact sur la santé mentale, plutôt que les facteurs pris individuellement (Desjardins et al., 2008).

Les déterminants de la santé sont habituellement répartis en deux catégories, soit les facteurs de risque et les facteurs de protection (Mantoura, Roberge et Fournier, 2017). D’une part, les facteurs de risque augmentent la probabilité que les problèmes de santé mentale et les troubles mentaux se développent (Mantoura, 2014). Selon Barry et Jenkins, les facteurs de risque peuvent aussi accroître la durée et la gravité des symptômes des troubles mentaux lorsqu’ils surviennent (2007). D’autre part, les facteurs de protection contribuent à l’amélioration de la santé mentale et à la réduction de l’apparition de nouveaux cas (Barry et Jenkins, 2007). Les interactions entre les facteurs de risque et les facteurs de protection sont multiples et complexes, ce qui ne permet pas de déterminer le sens de la causalité sur la santé mentale (Barry et Friedli, 2008; Mantoura, 2014). Il existe dans la littérature plusieurs classifications de ces facteurs modifiables habituellement regroupés en trois catégories : les facteurs individuels, les facteurs sociaux et les facteurs structurels (Mantoura, 2014). Les déterminants démographiques tels que l’âge, le sexe, l’ethnicité, l’orientation sexuelle et le statut d’immigrant sont des déterminants de la santé mentale importants, mais sur lesquels les interventions en promotion de la santé mentale ne peuvent pas avoir d’impacts (Barry et Friedli, 2008). Mais selon ces auteurs, ces déterminants ont toutefois une influence sur l’exposition aux facteurs de risque (ex : pauvreté, discrimination, violences sexuelles).