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Sources de contamination du milieu aquatique par les résidus pharmaceutiques Depuis leur conception dans les industries pharmaceutiques jusqu’à leur consommation par les patients et leur

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APPROCHES CARTOGRAPHIQUES

II.3. Sources de contamination du milieu aquatique par les résidus pharmaceutiques Depuis leur conception dans les industries pharmaceutiques jusqu’à leur consommation par les patients et leur

rejet, les substances actives pharmaceutiques sont susceptibles de contaminer l’eau, le sol et l’atmosphère (Figure 7). Quatre principales sources de contamination de l’environnement aquatique peuvent être considérées : les rejets des industries et des laboratoires pharmaceutiques, les eaux usées domestiques (traitées ou non par les STEU), les eaux usées des effluents d’élevage et les décharges (ordures, décharges biomédicales, etc.) (Bu et al., 2016; Jançon et al., 2008; Peake et al., 2015). Les sources ponctuelles sont les effluents des industries, des établissements de soin et des STEU, tandis que les décharges, les eaux usées domestiques non traitées et les eaux usées d’élevage représentent des sources diffuses.

Figure 7 : Schéma simplifié du cycle de vie du médicament humain et des sources de contamination des compartiments eau, sol et atmosphère (adapté de (Jançon et al., 2008) et (Peake et al., 2015))

II.3.1. Résidus pharmaceutiques dans les eaux usées

Une fois ingérés sous forme de médicaments, les produits pharmaceutiques représentent des xénobiotiques* pour l’organisme humain. Ils subissent quatre étapes de pharmacocinétique : absorption (entrée du médicament dans la circulation générale), diffusion (distribution dans les tissus), métabolisation et élimination (biotransformations et excrétions) par le système urinaire et le système biliaire.

Le foie est l’organe principal de métabolisation des médicaments et son rôle est de rendre le xénobiotique le plus polaire possible pour qu’il soit excrété hors de l’organisme et éviter qu’il s’y accumule et lui soit toxique. La métabolisation est réalisée par des enzymes de phase I (oxydation, réduction, hydrolyse) et de phase II (conjugaison). Le cytochrome P450 est une enzyme transmembranaire des microsomes des hépatocytes qui assure les réactions d’oxydation grâce à l’oxygène moléculaire et au NADPH (nicotinamide adénine dinucléotide phosphate ; cofacteur d’oxydoréduction). La conjugaison (phase II) consiste à ajouter des groupements glucuronides, sulfates, acétates d’ester à la molécule mère ou à la molécule produite en phase I. Les principes actifs pharmaceutiques ainsi transformés par le métabolisme sont appelés « métabolites », ils sont ensuite excrétés par le système urinaire et par le système biliaire en fonction de leur polarité (Celiz et al., 2009). Par exemple, le diclofénac est excrété majoritairement (70%) sous la forme de quatre métabolites : le diclofénac glucuroné, le 4’-OH-diclofénac, le 4’-5-dihydroxy-diclofénac et le 5-hydroxydiclofénac ((Stierlin et al., 1979) cité par (Osorio et al., 2016)). La carbamazépine est métabolisée majoritairement en 10,11- epoxide et seulement 2% à 3% de la molécule ingérée sont excrétés sous sa forme inchangée (Clara et al., 2004; Vieno et al., 2007). Au contraire, 90% de l’aténolol ingéré est excrété tel quel (Vieno et al., 2007). Les réactions de métabolisation sont complexes et conditionnées par les propriétés physico-chimiques de la substance active et des enzymes en jeu (spécificités des substrats, polymorphisme génétique, etc.). Chaque

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médicament peut comporter de nombreuses voies métaboliques, et le produit du métabolisme peut se reconvertir sous la forme de la molécule mère.

Lorsqu’elles sont collectées par les STEU, les eaux usées domestiques contiennent donc ces produits du métabolisme. L’une des problématiques principales est, à ce stade, l’inefficacité relative des processus de traitement de STEU pour abattre les concentrations en résidus pharmaceutiques (Tableau 10).

Les STEU sont initialement conçues pour abattre les concentrations en matières organiques (carbonées, azotées, phosphorées) et en bactéries fécales* (Tran et al., 2018). La grande variabilité des caractéristiques des résidus pharmaceutiques nécessite une combinaison de traitements pour les éliminer, or les traitements conventionnels (boues activées) ne sont pas conçus pour prendre en compte ces spécificités (nature hydrophile, capacité de sorption, groupes fonctionnels, impacts sur la flore bactérienne, etc.) (Yang et al., 2017).

Le traitement primaire (dégrillage, décantation) ne permet pas de mettre en évidence l’élimination des pharmaceutiques. Par exemple, aucune diminution significative n’a été mesurée dans les concentrations d’ibuprofène et de naproxène après le traitement primaire (Carballa et al., 2004). Les auteurs suggèrent que leur structure acide et leur polarité les rendent plus propices à rester en phase aqueuse. Le traitement secondaire consiste en une minéralisation des composés organiques par les bactéries des boues activées, par métabolisation (utilisation des matières organique comme substrat pour l’oxydo-réduction) ou par co- métabolisation (dégradation des matières organiques en présence d’un autre substrat de croissance pour les bactéries). Or, les pharmaceutiques du fait de leur action biologique peuvent déstructurer les communautés bactériennes des boues activées et empêcher le processus de métabolisation (Yang et al., 2017). La co- métabolisation est alors effectuée, en présence de substrats primaires tels l’ammonium, les carbonates ou d’autres sources de carbone (Tran et al., 2018). De plus, les clivages enzymatiques des bactéries et les processus physico-chimiques des traitements secondaires peuvent déconjuguer les produits du métabolisme humain en les convertissant sous la forme de la molécule mère ou en formant de nouveaux produits de dégradation (Tran et al., 2018; Yang et al., 2017). Par exemple, la forme glucuronidées du diclofénac, le diclofénac acyl glucuronide, est déconjuguée pour reformer du diclofénac par nitration/nitrosation bactérienne (Osorio et al., 2016).

Les processus de sorption sur les boues activées sont complexes à évaluer. Les résidus pharmaceutiques, peuvent aussi être retenus par interactions électrostatiques ou encore par formation de complexes sur des métaux divalents (exemple des tétracyclines). Il reste difficile d’évaluer la capacité de rétention de ces produits sur les boues activées, qui dépend des conditions environnementales et des temps de rétention dans les boues (Douziech et al., 2018).

Ainsi, une grande variabilité dans les pourcentages d’abattement des concentrations en pharmaceutiques est observée en fonction des principes actifs et des procédés de traitement (Tableau 10). Des abattements inférieurs à 40% ont été calculés pour certains antibiotiques (lincomycin, thiabendazole), AINS (codéine, métorpolol, propanolol), et pour la carbamazépine, le sulpride, le sucralose, l’acide clorfibrique, l’iopamidol et le crotamiton. Les classes thérapeutiques des antibiotiques, des anticonvulsivants, des bêtabloquants et des produits de contraste des rayons X ont des abattements particulièrement limités (Tran et al., 2018). Cela est confirmé par d’autres études : la carbamazépine a un abattement est très faible (<10%) (Clara et al., 2004; Joss et al., 2005; Vieno et al., 2007), les benzodiazépines ont des abattement compris entre 16% et 18% pour le diazépam par exemple (Kosjek et al., 2012) ; les abattements calculés pour le sulfaméthoxazole sont compris entre 40% et 84% (Carballa et al., 2004; Zhou et al., 2013).

Certains procédés avancés, comme la méthode électrochimique de l’électrode en diamant dopé au bore (procédé d’oxydation) peut permettre d’obtenir des rendements supérieurs à 90% pour l’abattement du sulfaméthoxazole (Rajab et al., 2013). De même, la combinaison de la biodégradation, de la photodégradation et de l’adsorption sur charbon actif devrait permettre un abattement de plus de 99% des benzodiazépines (Kosjek et al., 2012).

A l’issu du projet MICROPOLIS-PROCEDES (IRSTEA/Suez/Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse) (IRSTEA, 2017), il a été démontré que le procédé d’ozonation associé à d’autres types de traitements (traitement du carbone, nitrification/dénitrification par biofiltration), permettait d’obtenir des rendements entre 70% et 90% pour une large gamme de micropolluants, dont 26 pharmaceutiques. Les performances de dégradation du réacteur d’ozonation ont ainsi été testées en conditions réelles pendant 3 ans sur la station Sophia Antipolis (France). Néanmoins, ce procédé reste couteux et représente jusqu’à un quart de la consommation électrique de la STEU, avec un coût répercuté sur la facture des consommateurs (Choubert et al., 2017).

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Tableau 10 : Abattement de quelques principes actifs pharmaceutiques par différents procédés de STEU

Principe actif Thérapeutique Classe physico-chimiques* Propriétés de traitement Procédé Abattement Référence

Carbamazépine Antiépileptique Solubilité = 35,4 mg/L Log Kow = 2,45 Koc = 510-520

Boues activées < 10% (Joss et al., 2005) Boues activées

Dénitrification

Oxydation 0%

(Vieno et al., 2007) Managed aquifer recharge

(biodégradation dans le sol) < 50% (Park and Lee, 2018) Acétaminophène AINS Solubilité = 22,7 mg/L Log Kow = 0,46 Koc = 21

Zone humide 19-68% (Phong et al., 2016) Dégradation microbienne 3-32% (Phong et al., 2016) Photolyse 3-32% (Phong et al., 2016) Adsorption carbone activé 90% (Nam et al., 2014)

Ozonation 51-53% (Neamtu et al., 2013)

Sulfaméthoxazole Antibiotique Solubilité = 38 mg/L Log Kow = 0,68 Koc = 72

boron-doped diamond

(BDD) electrode > 90% al., 2013) (Rajab et Boues activées 40-84%

(Carballa et al., 2004; Zhou et al.,

2013) Diazépam Benzodiazépine Solubilité < 1mg/L Log Kow = 2,18

Koc = 192-630

Boues activées 10% (Subedi et al., 2017) Boues activées 16-18% (Kosjek et al., 2012)

Pravastatine Hypolipémiant Solubilité = 6 mg/L Log Kow = 2,18 Koc = 250

Bioréacteur à membrane 91% (Radjenovic et al., 2007) Boues activées 62% (Radjenovic et al., 2007)

Atenolol Bêta-blocant

Solubilité = 13300 mg/L Log Kow = 0,16 Koc = 67 (INERIS

Substanes)

Boues activées 63% al., 2007) Vieno et Managed aquifer recharge

(biodégradation dans le sol)

> 80% Lee, 2018) (Park and Buprénorphine Substitutif aux opiacés Solubilité = 16,8 mg/L Log Kow = 5 Ozonation > 99% al., 2017) (Beijer et

* Données provenant du projet PubChem (https://pubchem.ncbi.nlm.nih.gov/) de l’U.S. National Library of medicine

La problématique des métabolites et des produits de dégradations (produits issus des transformations dans l’environnement) pharmaceutiques a été mise en évidence par Celiz et al. (Celiz et al., 2009). Une fois dégradés, les métabolites peuvent être encore actifs ou reprendre la structure de la molécule mère au sein des STEU. Par exemple, l’acétaminophène après chloration produit des métabolites plus toxiques (1,4- benzoquinone, N-acétyl-p-benzoquinone) ; de même que la carbamazépine ou le diclofénac. Un autre exemple est celui des formes conjuguées glucuronides de l’estrone et l’estradiol, dont 10-55% reprennent leur forme de molécules mères. Certains produits peuvent se lier à des protéines, comme le cytochrome CYP450* et altérer sa fonction de détoxification des médicaments dans le foie. Enfin, ils représentent un enjeu analytique à cause des effets de matrice, de l’ionisation et de l’identification parfois difficiles. Les concentrations des métabolites et des produits de dégradation peuvent être aussi importantes que celles des molécules mères.

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