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APPROCHES CARTOGRAPHIQUES

III.1. Pesticides en Afrique Sub-Saharienne 1 Usages, consommation et règlementation

Usages

En Afrique sub-saharienne, les pesticides de synthèse représentent des solutions à la fois pour lutter contre les ravageurs des cultures de rente et des cultures vivrières liés à un contexte local particulier (climat humide favorisant les champignons et la proliférations des insectes, etc.), mais aussi pour lutter contre les maladies parasitaires endémiques telles le paludisme (Heilmann et al., 2017; Zacharia and Tano, 2011).

Les pesticides sont appliqués dans les cultures de rente comme le café, le thé, le coton, le caco et les fleurs mais pas sur les produits indigènes tels l’igname ou le sorgho. Par ailleurs, les prises de conscience sur ces problèmes entrainent l’émergence de nouvelles tendances comme la mise en place des systèmes d’agroécologie pourtant déjà présents naturellement sur ces territoires avant l’intensification des cultures (Nyantakyi- Frimpong et al., 2017).

Les pesticides très utilisés en maraîchage urbain proviennent en réalité des systèmes agricoles cotonniers, achetés à crédit aux sociétés cotonnières par les cultivateurs (Kanda et al., 2009). Il s’agit majoritairement

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d’insecticides organochlorés, organophosphorés, carbamates, pyréthrinoïdes et chloroacétamides. Certains de ces produits sont interdits par différentes conventions internationales (convention de Rotterdam, convention de Stockholm, convention de Bâle, convention de Bamako) (Sougnabe et al., 2009). Par exemple, le carbofuran, l’endosulfan, le chlorpyriphos-ethyl classés comme « extrêmement » ou « très » dangereux par le CIRC et l’US EPA (United States Environmental Protection Agency

)

sont utilisés en maraîchage urbain au Bénin (Ahouangninou et al., 2012). A noter que le carbofuran a été interdit d’utilisation au Bénin et dans plusieurs autres pays d’Afrique, notamment par le CILSS (Comité Inter-états pour la Lutte contre la Sécheresse dans le Sahel22) ce qui n’empêche ni sa circulation, ni son emploi.

De plus, dépendamment du revendeur, certains produits sont périmés, ne correspondant pas à leur emballage et font l’objet de contrebandes (Sougnabe et al., 2009).

Les agriculteurs sont souvent peu informés, d’un point de vue technique, sur l’emploi des produits mais aussi sur le port des EPI, les épandages se faisant avec du matériel peu sécuritaire (arrosoirs, branchages, balais…), pieds nus et sans gants la plus part du temps. Conscients du danger représenté par les poisons qu’ils emploient, certains effectuent des détoxifications avec du charbon actif ou des lavages après l’application des produits (Adechian et al., 2015; Bon et al., 2014, 2010; Mattah et al., 2015).

Consommation et règlementation

Le marché africain des pesticides ne représentait que 4 % de la part mondiale du marché des pesticides en 2008, avec pourtant des effets environnementaux et sanitaires très importants, notamment des cas d’intoxication aigues ainsi que le développement des impacts chroniques sur la santé (Badarou and Coppieters, 2009; Eddleston et al., 2002; Thiam and Sagna, 2009). Cependant l’emploi de pesticides dans les pays en développement est en pleine croissance (Schreinemachers and Tipraqsa, 2012) parallèlement avec une règlementation insuffisante. Les pesticides identifiés comme dangereux par la procédure PIC sont moins règlementés dans les pays à faible revenu selon Schreinemachers and Tipraqsa, 2012.

En Afrique sub-saharienne, des règlementations concernant les produits phytosanitaires existent, en dehors des lignes directrices données par la FAO et l’OMS. Les pays africains de la zone sahélienne (Burkina-Faso, Bénin, Cap-Vert, Côte d’Ivoire, Gambie, Guinée, Guinée-Bissau, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Tchad, Togo) font partie du Comité Inter-état de Lutte contre la Sécheresse au Sahel (CILSS) créé en 197γ, à l’intérieur duquel existe le Comité Sahélien des Pesticides (CSP). Une règlementation commune sur l’homologation des pesticides a été établie dans un document datant de 1999. En particulier, une autorisation provisoire de vente (APV) peut être accordée pour 3 ans ; l’homologation d’un pesticide est valable pour 5 ans après une APV. Les molécules interdites sont les suivantes : acétochlore, carbofuran, carbosulfan, endosulfan, fipronil, hexazinone, méthamidophos, monocrotophos, paraquat (gramoxone), triazophos. Cette règlementation se base sur les directives de la FAO ainsi que sur les grandes conventions internationales.

En zone CEMAC (Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale ; composée du Cameroun, du Congo, de la République de Centrafrique, du Gabon, de la Guinée Equatoriale et du Tchad), une règlementation a été établie pour l’homologation des pesticides. Les produits importés doivent être dotés d’un document phytosanitaire et d’un permis d’importation ; ceux pour l’exportation d’un certificat phytosanitaire. L’homologation passe par des analyses chimiques et des tests pendant deux ans sur les usages du pesticide. Le dossier d’homologation comprend aussi des tests toxicologiques. Les produits importés non homologués sont limités ; une utilisation ponctuelle peut être accordée sous réserve que le pesticide ait été approuvé par la FAO ou par d’autres états.

Impact sur l’environnement, exposition et risques sanitaires

Les régions tropicales sont situées sous les latitudes 23°N à 23°S et connaissent des conditions climatiques particulières. Elles sont caractérisées par des températures élevées avec de faibles variations annuelles (amplitude thermique de 10°C). Elles peuvent subir des pluies intenses et marquées entre saison humide et saison sèche. La revue de littérature de Daam et Van den Brink (Daam and Brink, 2010) apporte quelques éléments d’ordre climatiques et agricoles sur le devenir des pesticides en milieu tropical. La combinaison de certains facteurs climatiques, comme les températures élevées, l’irradiation solaire et les précipitations intenses influencent les processus abiotiques en favorisant la photolyse, la volatilisation et l’hydrolyse, ainsi que la

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dégradation microbienne. Cependant, les auteurs concluent que l’atténuation des concentrations environnementales et les impacts sur l’écosystème ne présentent pas de différence significative avec les zones tempérées. En revanche, les pratiques agricoles, avec l’emploi fréquent de doses massives de pesticides et les événements de ruissellement intense, contribuent à des concentrations locales parfois très importantes. Quelques études ont été menées sur l’exposition des populations africaines aux pesticides. Bien que 20% des pesticides du monde soient utilisés par les pays en voie de développement et 4% produits en Afrique, leurs utilisateurs sont victimes de la majorité des intoxications et des décès par empoisonnement (Diop 2014). Les professionnels agricoles sont exposés à des risques sanitaires à cause de la manutention de produits non homologués mais aussi, à cause d’une pression économique importante et aux risques de suicide, comme c’est aussi le cas ailleurs dans le monde (Osborne et al., 2017). Récemment, (Donald et al., 2016) ont mis en évidence pour la première fois l’exposition individuelle aux pesticides en utilisant des bracelets en silicone pour absorber les pesticides apolaires présents dans l’environnement. Une large gamme de composés a été détectée dans ces bracelets parmi des agriculteurs en Afrique de l’Ouest, notamment la cyperméthrine, le lindane, le DDT et le chlorpyriphos.

III.1.2. Contamination de l’e vi o e e t

Les études portant sur l’occurrence des pesticides dans les compartiments environnementaux en Afrique Sub- Saharienne ont commencé récemment dans les années 2000 (Tableau 14). La complétude des monitoring dépend fortement des pays. L’Afrique du Sud (Batterman et al., 2008; Buah-Kwofie et al., 2017; Dalvie et al., 2014, 2003; Nuapia et al., 2016; Sereda and Meinhardt, 2005), la Tanzanie (Elibariki and Maguta, 2017), l’Ethiopie (Jansen and Harmsen, 2011) et le Kenya (K’oreje et al., 2018, 2016, 2012) en particulier bénéficient de données d’analyse environnementales assez conséquentes et menées en continu (sur plusieurs années, sur plusieurs matrices environnementales d’un même site d’étude, etc.) concernant la présence de pesticides dans les eaux, les sédiments, l’air et les organismes aquatiques.

En revanche, plus rares sont les études en Afrique de l’Ouest et en Afrique Centrale. Des données de concentrations en pesticides sont disponibles, issues d’études ponctuelles effectuées au Ghana dans l’air (Adu- Kumi et al., 2012), dans les eaux de surface et les eaux souterraines (Affum et al., 2018), et dans les poissons, les sédiments et les eaux lacustres (Darko et al., 2008) ; au Burkina Faso dans les eaux de consommation d’origine souterraine, dans les eaux lacustres et dans les légumes (Lehmann et al., 2017, 2017) ; en République Démocratique du Congo dans les aliments (Nuapia et al., 2016) ; au Nigéria dans l’air (Isogai et al., 2016), dans les eaux de surface (rivières, lagune) et les sédiments (Adeyemi et al., 2011; Okoya et al., 2013), dans les légumes (Gushit et al., 2013) ; au Sénégal dans les eaux, les sédiments et les poissons (Anderson et al., 2014; Diop, 2013) ; au Niger et en Guinée dans les rivières (Anderson et al., 2014), au Mali dans le sol et l’eau (Berthe Dem et al., 2007) ; au Togo et au Bénin dans l’air (Isogai et al., 2016) ; et deux études au Cameroun dans l’air et les aliments23 (Gimou et al., 2008; Isogai et al., 2016).

Les familles chimiques les plus recherchées et les plus quantifiées sont des insecticides appartenant aux familles des organochlorés (DDT, HCH, lindane, endosulfan, etc.), suivie des organophosphorés (chlorpyriphos) et des perméthrines (cyperméthrine). Les produits autorisés ou interdits selon les différentes règlementations et les homologations nationales peuvent néanmoins être retrouvés à de très fortes concentrations, dépassant les normes de qualité européennes dans les eaux. L’étude conduite par Affum et al (Affum et al., 2018) constitue un bon exemple de la contamination des eaux de surface et des eaux souterraines par les pesticides issus des plantations de cacao, dans le bassin versant d’Ankobra au Ghana. Les concentrations en pesticides interdits (parathion-ethyl, methamidophos) atteignaient 110 ng/L dans les eaux de surface et 55 ng/L dans les eaux souterraines. Le chlorpyriphos et la cyperméthrine atteignaient jusqu’à 9β5 ng/L dans les eaux de surface et 2000 ng/L dans les eaux souterraines. Dans les eaux utilisées pour la boisson, le chlorpyrifos, la cyperméthrine, le DDT et le pirimiphos-méthyl pouvaient dépasser la limite de 0,1 µg/L des normes européennes pour les eaux de consommation. Concernant des pesticides plus polaires, l’atrazine et ses métabolites DEA et DIA ont été quantifiés (entre autres) au Burkina Faso, grâce au déploiement d’échantillonneurs passifs de type POCIS (Polar Organic Chemical Integrative Sampler). Les concentrations moyennes étaient comprises entre 23 et 151 ng/L dans les eaux d’un lac. Ces composés ont été retrouvés à l’état de traces dans les eaux souterraines utilisées pour la boisson non loin du lac (Lehmann et al., 2017).

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Parmi l’ensemble des études, quelques unes sont focalisées sur des eaux de surface urbaines. Par exemple, au Kenya, dans le bassin versant de la Nzoia, les concentrations totales en pesticides au niveau des deux sites d’échantillonnage des rivières en aval des zones urbaines étaient d’environ 100 ng/L. Tous sites confondus, les herbicides étaient les plus présents (concentrations en atrazine : 3-70 ng/L ; en métolachlor : 11-250 ng/L). Dans la lagune et les rivières urbaines de la capitale du Nigéria, Lagos, des organochlorés ont été quantifiés dans 88% des échantillons : chlordane (6-950 ng/L), heptachlore (ND-67 ng/L), méthoxychlore (ND-123 ng/L), HCB (15-774 ng/L), endosulfan (15-996 ng/L), DDT (12-910 ng/L), DDE (5-477 ng/L), dieldrine (15- 996 ng/L) et aldrine (80-790 ng/L). Les concentrations dans les rivières urbaines étaient moins importantes que dans la lagune, en lien avec les activités agricoles autour de la lagune (Adeyemi et al., 2011).

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Tableau 14 : Synthèse de quelques études portant sur l’occurrence des pesticides dans l’environnement (eau, sédiments, sol, air, aliments, organismes aquatiques, végétaux) effectuées en Afrique Sub-Saharienne depuis 2003

Matrices

environnementales Pays Environnement majoritairement quantifiées Familles de pesticides Gamme de concentrations Référence

Eaux de surface et

souterraine Afrique du Sud Rural Chlorpyriphos (organophosphoré) Endosulfan (organochloré) LD-3500 ng/L (Dalvie et al., 2003) Eaux de surface Kenya Environnement urbain Nzoia River Herbicides 2-250 ng/L (K’oreje et al., 2018) Eaux de surface

Eaux souterraines Ghana

Ankobra River, Ghana Bassin versant agricole

(cacao) Organochlorés

Surface : 5-140 ng/L

Souterrain : 10-2 000 ng/L (Affum et al., 2018) Eaux et sédiments Afrique du Sud Agricole Organochlorés, organophosphorés, carbamates, pyréthroïdes ND-467,29 ng/g ND-2390 ng/L Meinhardt, 2005) (Sereda and Eaux de surface (lac),

eaux souterraines

(puits, forages) Burkina Faso Agricole

25 pesticides polaires (triazines,

organophosphorés…) > 100 ng/L (Lehmann et al., 2017) Eaux (zones agricoles),

ressource en eau brute Ethiopie Agricole Plus de 300 pesticides ND-7000 ng/L (Jansen et al., 2007) Lagune Ethiopie, Nigéria Urbain Organochlorés 6-966 ng/L (Adeyemi et al., 2011) Poissons, sédiments,

eaux de surface (lac) Ghana Lac Bosomti Péri-urbain Organochlorés Plusieurs ng/g (Darko et al., 2008) Eaux de surface Guinée, Mauritanie, Niger, Sénégal Système d'irrigation Agricole, urbain

des cultures

Organochlorés, chloroacétamide,

perméthrines ND-9,1 ng/L (Anderson et al., 2014)

Eaux de surface Tanzanie

Tanganyika Planting Company, région du

Kilimandjaro Agricole (canne à

sucre)

Organochlorés 1,1-637 ng/L Kishimba, 2005) (Hellar and

Eaux de surface

(rivière) Kenya Urbain, rural Organochlorés Non détectés (Chepchirchir et al., 2017) Sol, eau Mali Agricole Organochlorés Juqu’à 1 400 ng/L (Berthe Dem et al., 2007) Sédiment et eau Nigéria Agricole Organochlorés 030-19050 ng/g ND-1510 ng/L (Okoya et al., 2013)

65 Tableau 14 (suite)

Matrices

environnementales Pays Environnement majoritairement quantifiées Familles de pesticides Gamme de concentrations Référence

Eaux de surface Sédiments Tanzanie Tanganyika Planting Company, région du Kilimandjaro Agricole (canne à sucre)

Organochlorés Sédiments : LD-157 ng/g Surface : LD-120 ng/L (Hellar-Kihampa, 2011)

Eaux de surface Sédiments Tanzanie Weruweru, région du Kilimandjaro Environnement agricole et urbain

Organochlorés, cyperméthrine Sédiments : LD-157000 ng/kg Surface : LD-45700 ng/L (Mohamed et al., 2014)

Sédiments Afrique du Sud

iSimangaliso Wetland Park, hot spot de

biodiversité Zone humide

Organochlorés Sommes des concentrations : 19,4-282,5 ng/g (Buah-Kwofie and Humphries, 2017)

Air Togo, Bénin, Nigéria, Cameroun Organochlorés 0,023-2,718 ng/m3 (Isogai et al., 2016)

Air Ghana Urbain, péri-urbain, rural Organochlorés LQ-0,750 ng/m3 (Adu-Kumi et al.,

2012) Air Afrique de l’Est (Kenya, Ouganda, Tanzanie, Rwanda, Burundi) Atmosphère du Lac Victoria Environnement agricole

Organophosphorés, organochlorés 0,00372-93,5 ng/m3 (Arinaitwe et al.,

2016) Air Afrique du Sud Durban (urbain) Organochlorés 0,0006-0,504 ng/m3 (Batterman et al.,

2008) Air, poussières,

pelouses Afrique du Sud Cape Town (urbain) Insecticides 100 ng/m

3 (air)

100 ng/kg (poussières et pelouses) (Dalvie et al., 2014) Aliments (étude de

l'alimentation totale) Cameroun Urbain Organochlorés, organophosphorés, pyréthroïdes LD (0,05 ng/g) (Gimou et al., 2008) Aliments République Démocratique du Congo Afrique du Sud Marchés de Kinsasha et

de Johannesburg Organochlorés 38-253 ng/g (Nuapia et al., 2016) Grains et farine de maïs Tanzanie Organochlorés, organophosphorés, pyréthroïdes Jusqu'à 220 ng/g (Mahugija et al., 2017)

66 Tableau 14 (suite)

Matrices

environnementales Pays Environnement majoritairement quantifiées Familles de pesticides Gamme de concentrations Référence

Poissons Afrique du Sud

iSimangaliso Wetland Park, hot spot de

biodiversité Zone humide

Organochlorés Somme des concentrations : 2 953-8 740 ng/g (Buah-Kwofie et al., 2017)

Crocodiles du Nil Afrique du Sud

iSimangaliso Wetland Park, hot spot de

biodiversité Zone humide

Organochlorés 3 600-8 000 ng/g (Buah-Kwofie et al., 2018)

LD : Limite de Détection LQ : Limite de Quantification ND : Non Détecté

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III.2. Pharmaceutiques en Afrique Sub-saharienne