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APPROCHES CARTOGRAPHIQUES

III.2. Pharmaceutiques en Afrique Sub-saharienne 1 Place du médicament et consommation

III.2.2. Contamination du milieu aquatique

La problématique de la présence de résidus pharmaceutiques dans les eaux est très émergente en Afrique Sub- Saharienne, plus encore que celle de la présence de pesticides (Tableau 15). Les recherches les plus anciennes remontent à 2012 au Kenya (K’oreje et al., 2012) et sont synthétisées dans la récente revue de littérature de Madikizela et al. (Madikizela et al., 2017). La moitié des études a été réalisée en Afrique du Sud dont certains laboratoires sont dotés des capacités analytiques nécessaires à l’analyse pharmaceutiques (Agunbiade and Moodley, 2016, 2014; Amdany et al., 2014; Gumbi et al., 2017; Madikizela and Chimuka, 2016a, 2016b; Manickum and John, 2014; Matongo et al., 2015a; Schoeman et al., 2014; Segura et al., 2015; Wood et al., 2015), dans les eaux de surface, les sédiments et les eaux d’entrée et les eaux de STEU. D’autres données sont disponibles au Kenya (K’oreje et al., 2018, 2016, 2012; Ngumba et al., 2016; Segura et al., 2015), au Nigéria (Olarinmoye et al., 2016; Olatunde et al., 2014) et au Mozambique (Segura et al., 2015).

Les articles présentent souvent des développements de méthodes analytiques par HPLC/MS, mais aussi par l’application d’échantillonneurs passifs de type POCIS (Amdany et al., 2014) ou encore le développement de polymères à empreinte moléculaire (molecular imprinted polymer, MIP). (Madikizela and Chimuka, 2016b). Ces méthodes sont appliquées sur des eaux naturelles et les concentrations retrouvées sont en mise en lien avec les consommations locales. Ainsi, les antibiotiques et les AINS ainsi que la carbamazépine font partie des molécules les plus recherchées. La spécificité Sub-Saharienne est que des molécules appartenant aux antirétroviraux et aux antipaludéens en lien avec la forte prévalence du SIDA et du paludisme dans ces pays, font partie des molécules fréquemment ciblées avec des concentrations supérieures à celles retrouvées en Europe (K’oreje et al., 2018, 2012; Ngumba et al., 2016; Olatunde et al., 2014; Schoeman et al., 2014; Wood et al., 2015).

Les antirétroviraux quantifiés sont la lamiduvine (50-450 µg/L dans les eaux en entrée de STEU) et la zidovudine (6-50 µg/L dans les eaux en entrée de STEU) (K’oreje et al., 2018). Dans une étude des rivières de Nairobi, les concentrations maximales retrouvées sont de 5430 ng/L de lamiduvine, de 4860 ng/L de névirapine et 7680 ng/L de zidovudine (Ngumba et al., 2016). Une étude ciblant douze antirétroviraux dans les eaux de surface réparties en Afrique du Sud a mis en évidence les concentrations maximales suivantes : 1480 ng/L de nevirapine, 973 ng/L de zidovudine, 242 ng/L de lamiduvine (Wood et al., 2015). Concernant les antipaludéens, la sulfadoxine a été mesurée jusqu’à β µg/L dans les eaux de surface de la rivière Nairobi (K’oreje et al., 2012) Dans les eaux de surface et les eaux souterraines de la zone industrielle de Sango-Ota au Nigéria, la chloroquine a été mesurée à 5 µg/L (Olatunde et al., 2014).

Une large gamme d’AINS est quantifiée parmi lesquels l’acétaminophène, le diclofénac et l’ibuprofène sont les trois principaux composés présentant de très fortes concentrations dans les eaux entrant dans les STEU et retrouvées dans le milieu naturel. Par exemple, l’acétaminophène fait partie des dix molécules les plus consommées à Nairobi, la capitale du Kenya. Les concentrations environnementales s’échelonnaient entre β60 µg/L et 1090 µg/L dans les eaux d’entrée des STEU, et entre 100 ng/L et 1000 ng/L dans les rivières (K’oreje et al., 2018). L’acétaminophène a été mesuré à 690 ng/L en eaux souterraine et le diclofénac à 57 160 ng/L en eau de surface à Santo-Ota au Nigéria (Olatunde et al., 2014). Une revue de littérature a permis de regrouper les données de 19 antibiotiques présents dans 61 échantillons d’eau de surface répartis dans quatre pays (Afrique du Sud, Ghana, Kenya, Mozambique) (Segura et al., 2015). Les antibiotiques les plus fréquemment détectés sont le sulfaméthoxazole, le triméthoprime et la déhydroérythromycine. Les concentrations s’échelonnent entre 1,3 et 140 ng/L, en milieu urbain. Les auteurs précisent que les plus fortes concentrations sont associés aux pays à faibles revenus et ne disposant pas de systèmes suffisants d’assainissement.

Signalons l’occurrence de la carbamazépine dans les eaux de STEU à Nairobi (140-1240 ng/L dans les effluents) (Matongo et al., 2015a) et de l’antipsychotique clozapine (concentration maximale de 78,33 µg/L) dans les eaux de surface de Durban) en Afrique du Sud (K’oreje et al., 2018).

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Tableau 15 : Synthèse des études relatives à la contamination des eaux naturelles, des eaux et des boues de STEU par les résidus pharmaceutiques en Afrique Sub-Saharienne, sur la période 2012-2018

Matrices environnementales Pays Environnement majoritairement quantifiées Classes thérapeutiques Gamme de concentrations Référence

Eaux de surface

Eaux de STEU (entrée et sortie) Afrique du Sud

Umgeni River (KwaZulu- Natal)

Environnement urbain et rural

Antibiotiques, AINS, hypolipémiants

Eaux de surface : < 10 000 ng/L (sauf acétaminophène : 16000 ng/L) Eaux usées : Jusqu’à γ1 000 ng/L

(Agunbiade and Moodley, 2014)

Eaux de surface Sédiments

Eaux de STEU Afrique du Sud

Msunduzi River (KwaZulu-Natal) Environnement urbain, rural

et agricole

AINS, antibiotiques,

hypolipémants Jusqu’à 118 000 ng/L

(Agunbiade and Moodley, 2016)

Eaux de STEU (entrée et sortie) Afrique du Sud Goudkoppies et Northern Environnement urbain AINS Entrée STEU : 52 000-128 000 ng/L Sortie STEU : 11 000-25 000 ng/L (Amdany et al., 2014)

Eaux de surface Afrique du Sud Umgeni River (KwaZulu-Natal)

Environnement urbain et rural AINS 20-68 140 ng/L (Gumbi et al., 2017)

Eaux de surface

Eaux de STEU (entrée et sortie) Afrique du Sud

Northern, Amanzimtoti, Mbokodweni River

Environnement urbain AINS

Eaux de surface : 11 400 ng/L Entrée STEU : 221 000 ng/L

Sortie STEU : 67 900 ng/L

(Madikizela and Chimuka, 2016a)

70 Tableau 15 (suite)

Matrices environnementales Pays Environnement majoritairement quantifiées Classes thérapeutiques Gamme de concentrations Référence

Eaux de surface, sédiments

Eaux et boues de STEU Afrique du Sud

Umgeni River (KwaZulu- Natal)

Environnement urbain et rural

AINS, antipsychotiques, antibiotiques

Eaux de surface : jusqu’à 78 330 ng/L Sédiments : 507 ng/g Sortie STEU : 12 940-14 430 ng/L

Boues STEU : 16-19 ng/g

(Matongo et al., 2015b)

Eaux de surface, sédiments

Eaux de STEU (entrée, sortie, bassins) Afrique du Sud

Msunduzi River (KwaZulu-Natal) Environnement urbain, rural

et agricole

AINS, antibiotiques

Eaux entrée STEU : jusqu’à 60 000 ng/L Bassins STEU : jsqu’à 1β0 000 ng/L Eaux sortie STEU : jussqu’à 60 000 ng/L

Surface : jusqu’à84 600 ng/L Sédiments : jusqu’à 1β5γ ng/g

(Matongo et al., 2015a)

Eaux de STEU (entrée et sortie) Afrique du Sud Environnement urbain Gauteng Antirétroviraux Entrée : jusqu’à 17 400 ng/L Sortie : jusqu’à 7 100 ng/L (Schoeman et al., 2014)

Eaux de surface Afrique du Sud Urbain, rural Antirétroviraux Concentrations moyennes 26-430 ng/L (Wood et al., 2015)

Eaux de surface

Afrique du Sud, Ghana, Kenya,

Mozambique Environnement urbain, rural Antibiotiques 10-1 000 ng/L (Segura et al., 2015)

71 Tableau 15 (suite)

Matrices environnementales Pays Environnement majoritairement quantifiées Classes thérapeutiques Gamme de concentrations Référence

Eaux de surface Eaux souterraines Eaux de STEU (entrée et sortie)

Kenya Environnement urbain Nairobi et Kisumu Antibiotiques, antirétroviraux, AINS, antipsychotiques

Eaux de surface : 160-320 000 ng/L Souterrain : 5-1 600 ng/L

Eaux de STEU (entrée) : 160 000-310 000 ng/L (somme des concentrations) Eaux de STEU (sortie) : 25 000-40 000

ng/L (somme des concentrations)

(K’oreje et al., 2016)

Eaux de surface

Eaux de STEU (entrée et sortie) Kenya Environnement urbain Nzoia River AINS, antirétroviraux, antiépileptique

Eaux de surface : 100-1 000 ng/L Eaux de STEU (entrée) : 560-1 340.103

ng/L (somme des concentrations) Eaux de STEU (sortie) : 110-10 800 ng/L

(K’oreje et al., 2018)

Eaux de surface Kenya Environnement urbain Nairobi River Antibiotiques, antirétroviraux Jusqu’à 1γ 000 ng/L (Ngumba et al., 2016)

Eaux de surface

Boues de STEU (sortie) Nigeria Environnement urbain Lagune de Lagos AINS, antibiotiques Boues STEU (sortie) : 10-1 140 ng/g Eaux de surface : LD-8885 ng/L (Olarinmoye et al., 2016)

Eaux de surface

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IV. Problématique de la thèse

Au terme de cet état des lieux, il apparaît que les problématiques liées aux pesticides et aux résidus pharmaceutiques émis dans l’environnement sont complexes, du fait de la variété et de la multiplicité de leurs propriétés physico-chimiques et de leurs sources d’émission. Leurs devenirs, leurs interactions avec d’autres contaminants et en fonction des conditions environnementales, restent des sujets d’étude actuels. Le développement de méthodes d’échantillonnage performantes et d’analyse plus sensibles et/ou multi-résidus permet de les détecter et de les quantifier dans les matrices environnementales. Leurs effets délétères sont mis en évidence par des tests écotoxicologiques, par l’évaluation du risque environnemental déterminé à partir des PEC et avec des concentrations environnementales mesurées. Les impacts touchent différents niveaux trophiques des organismes aquatiques, ainsi que des communautés entières. Chez l’Homme, des études épidémiologiques* ont prouvé que l’exposition aux pesticides est perceptible (via le suivi de biomarqueurs, par exemple), mais aussi que l’organisme peut subir des effets toxiques aigus* ou chroniques*, bien que ces derniers restent difficiles à mesurer.

Des études sont donc en cours à travers le monde, tandis que ces sujets de recherche restent relativement émergents en Afrique Sub-Saharienne, principalement à cause d’un manque de moyens techniques et financiers pour évaluer ces problématiques. De fortes concentrations en contaminants organiques dans les hydrosystèmes ont été récemment mises en évidence dans quelques pays d’Afrique Sub-Saharienne, dont les pesticides dans les eaux en milieu rural en particulier (Tableau 14) ; d’autres indiquent la présence de résidus pharmaceutiques (Tableau 15), suscitant des interrogations sur des expositions indirectes des populations humaines. Néanmoins, peu d’informations en Afrique Centrale permettent d’identifier les conséquences de l’urbanisation sur la ressource en eau dont s’approvisionnent les populations urbaines.

Initiée par la mise en place d’un observatoire des risques d’inondation et de pollutions en milieux urbains et péri-urbains porté par l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), cette thèse a pour problématique de caractériser l’impact des activités humaines sur la ressource en eau en milieu urbain Sub-Saharien, par l’étude des pesticides et des résidus pharmaceutiques.

Le site d’étude est constitué par le bassin versant de la Méfou (Région Centre du Cameroun). Le bassin de la Méfou draine la capitale politique du pays, Yaoundé, qui constitue un exemple de métropole africaine en pleine croissance et qui doit faire face aux pressions anthropiques exercées sur ses ressources en eau. A ce jour, le bassin versant est en cours d’instrumentation pour l’acquisition de données hydrométriques, mais aucune donnée de contamination par les pesticides et les pharmaceutiques n’est disponible concernant ce bassin versant. Ce travail de recherche s’inscrit donc dans une approche pluridisciplinaire ciblant la compréhension et le suivi du fonctionnement du bassin du Nyong auquel appartient le bassin de la Méfou, coordonnée par l’IRD et ses partenaires camerounais.

Partant du constat de l’absence d’informations relatives à la contamination des eaux et aux enjeux associés sur le site d’étude, les hypothèses de recherche pour répondre à la problématique sont les suivantes :

- le développement des centres urbains en Afrique Sub-Saharienne peut se faire de façon rapide et intense, modifiant profondément le milieu physique et donc les transferts de contaminants issus des activités humaines ;

- les centres urbains font face à la demande en produits alimentaires par le développement d’une forte activité d’agriculture urbaine, dont les bénéfices socio-économiques peuvent être nuancés par des pratiques à risque (emploi massifs d’intrants, pas d’équipement de protection, etc.) ;

- les infrastructures d’assainissement ne permettent pas d’assurer un abattement suffisant des polluants dans les eaux usées et celles-ci se retrouvent directement dans le milieu récepteur qui peut être aussi la ressource en eau brute pour les eaux de consommation ;

- les pratiques liées à l’eau sont spécifiques du contexte des villes en fort développement. Face à une demande en eau potable non satisfaite, les usagers se tournent vers des points d’eau informels dont la qualité peut être remise en question.

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- la première étape consiste en l’identification des pressions anthropiques spécifiques du milieu urbain Sub-Saharien que sont la pratique de l’agriculture urbaine (utilisation de pesticides) et l’absence d’assainissement des eaux usées domestiques (excrétion de résidus pharmaceutiques). Cette étape est réalisée sur la base de recherches bibliographiques et du recueil d'informations directement auprès des acteurs concernés (agriculteurs, gestionnaires de l'eau à Yaoundé et population).

- La présentation du site retenu pour l'étude et la caractérisation des sources de pollution diffuses en lien avec le milieu physique (géomorphologie, pédologie…) et l’occupation du sol. En particulier, une méthode cartographique issue de la méthode IRIP et la méthode multi-critère SIRIS-Pesticides sont utilisées comme outils complémentaires applicables pour localiser les sources potentielles de pollution par les pesticides et leur potentiel devenir.

- Un diagnostic environnemental, mettant en place une stratégie d’échantillonnage comprenant des échantillonnages passifs et ponctuels, est réalisé pour mesurer les concentrations en pesticides et pharmaceutiques dans les eaux de surface et les eaux souterraines. Ce diagnostic permettra d’établir un état des lieux de la qualité de la ressource en eau et d’évaluer les impacts de l’agriculture urbaine et de l’absence d’assainissement des eaux usées sur le milieu aquatique.

- Une enquête sur les usages de l’eau à Yaoundé permettra enfin, associée aux résultats du diagnostic environnemental, de faire émerger les enjeux auxquels est confrontée la population urbaine vis-à-vis de la ressource en eau.

Figure 9 : Démarche adoptée pour répondre à la problématique de la thèse

Encadré : contexte des recherches

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Chapit e : Ca a t isatio du site d’ tude : Yaou d et le