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L A SORTIE DU C HANTEUR DE J AZZ ET LA PRISE DE CONSCIENCE GÉNÉRALISÉE DU SONORE ET SES CONSÉQUENCES SUR LA PRODUCTION EN 1929, QUELLES DIFFICULTÉS POUR LA SEG ?

A/ De la sonorisation à la production sonore (1928-1929) : les débuts timides de la SEG

A.2/ L A SORTIE DU C HANTEUR DE J AZZ ET LA PRISE DE CONSCIENCE GÉNÉRALISÉE DU SONORE ET SES CONSÉQUENCES SUR LA PRODUCTION EN 1929, QUELLES DIFFICULTÉS POUR LA SEG ?

L’activité des studios français connaît une baisse phénoménale en 1929 avec seulement 52 longs métrages produits en France. En 1927, la SEG produit 14 films (dont 7 français, 3 américains, 2 allemands, 1 suédois et 1 anglais) et l’année suivante, elle produit 10 films sur un total de 94 productions françaises106. Cette baisse est due aux choix liés à

l’équipement, l’industrie cinématographique française choisissant volontairement de freiner la production pour équiper les studios et les salles. Elle est aussi due à l’arrivée et à l’immense succès du Chanteur de Jazz en France dès le mois de janvier 1929. Aucun retour en arrière n’est possible, il faut que les studios français s’équipent en sonore. À plus forte raison que les États-Unis ont pris deux années d’avance sur la France et réorganisent déjà leur production.

105 René Jeanne, « Questions en tous genres, mais également indiscrètes », Cinémagazine, n°41, 11 octobre 1929, p. 51.

106 Marcel Colin-Reval, « Le XXe anniversaire des Établissements Aubert », La Cinématographie française,

Bien que la concurrente directe de Gaumont en cette dernière année de la décennie tente de relancer la production de la nouvelle Société Pathé-Natan (grâce à Bernard Natan) et que la société allemande Tobis s’installe à Épinay-sur-Seine, les studios français restent souvent fermés et ce ralentissement inquiète les professionnels.

La société Gaumont est vue de Berlin par Georges Oulmann107, en juin 1929, comme

une société qui a cessé de produire et Pathé ne produit plus alors que les établissements Louis Aubert participe à plusieurs productions par an (de six à huit) et la Franco-Film entre huit et dix. Selon Oulmann, les metteurs en scène indépendants et les maisons « de moindre importance » réalisent une quarantaine de films. Pourtant, les moyens techniques ne semblent pas manquer dans les studios Gaumont. C’est aussi le cas des studios niçois de la Franco-Film qui ont subi une transformation moderne. Les films américains dominent certes le marché mais d’après cet article d’Oulmann, les films allemands ont une entrée assurée aux États-Unis grâce à l’alliance entre l’Ufa et la Paramount. De plus, les acteurs français tournent souvent en Allemagne et, d’après eux, les moyens techniques y sont meilleurs qu’en France. Malgré tout, selon Oulmann, la production française gagne en qualité et l’industrie s’efforce d’organiser la production sonore.

Durant l’été 1929, Aubert présente ainsi à Paris et dans plusieurs villes de province, Cœur embrasé, film allemand de Ludwig Berger. Il est accompagné musicalement et vocalement par l’Ampliphonaubert, appelé aussi « orchestre invisible », il permet un « effet de synchronisme très réussi108 ». Les hésitations des producteurs à entreprendre des films

sonores d’envergure par peur de ne pas rassembler le public nécessaire mais aussi à se lancer dans le parlant faute de salles équipées pour les diffuser.

Plusieurs périodes d’inactivité – indiquées dans la presse et relevées par Morgan Lefeuvre – induisent des temps de chômage technique pour les ouvriers des studios de la firme à la marguerite entre mi-janvier et mi-février, mars et avril, septembre à décembre109.

Malgré tout, les fiches du personnel Gaumont ne révèlent aucun cas de licenciement durant les périodes indiquées, même si les informations de ces fiches, encore une fois, sont partielles et concernent peu l’univers des studios. Les conclusions sont difficiles à formuler du fait, une 107 Georges Oulmann, « L’industrie cinématographique mondiale vue de Berlin par un français »,

Cinémagazine, n°26, 28 juin 1929, p. 541.

108 Anonyme, « À film muet, orchestre invisible », Le Courrier cinématographique, n°30-31, 27 juillet et 3 août 1929, p. 13.

109 Morgan Lefeuvre, De l’avènement du parlant à la Seconde Guerre mondiale : histoire générale des studios

fois de plus, de l’absence d’informations dans les fiches du personnel des studios. Cependant, d’après la base de données, nous pouvons constater qu’aucune personne n’est embauchée dans le service des studios entre le 10 septembre 1928 et le 26 juin 1929. En 1929, les fiches du personnel répertorient seulement 22 personnes travaillant dans les studios des Buttes- Chaumont sur une totalité de 2336 employés110, ce qui est extrêmement peu. Mais, l’absence

de fiches ne signifie pas qu’aucune personne n’était présente dans les studios durant cette période. Des cinéastes extérieurs à la firme tournent des films tout de même chez Gaumont. La base de données nous indique qu’aucune embauche n’est effectuée en 1928 et au début de l’année 1929 alors que neuf personnes sont embauchées durant la deuxième moitié de l’année 1929. Ceci peut-il nous indiquer un retour timide dans l’activité des studios avec un début de renforcement du personnel ?

Les studios Gaumont font partie des rares à produire plus de films parlants et sonores que de films muets cette année-là avec 9 films sonores pour 6 longs métrages muets (parfois commencés dès 1928), avec les studios Tobis (13 sonores pour 1 muet). Mais il convient de relativiser ces chiffres car la majorité des films parlants ne sont pas des grands films de fiction mais plutôt des courts métrages et des documentaires, soit autant d’essais de films parlants et sonores. En effet, l’article de Delmeulle démontre que la production de documentaires annoncée dans la presse par Gaumont se compose de six documentaires mais, en réalité, la SEG en produit quinze en 1929, qui ne sont pas commercialisés111. Rappelons cependant que

c’est le cas depuis toujours. Les annonces de documentaires Gaumont dans la presse ne correspondent pas à la production réelle. Delmeulle précise qu’il n’y a pas une disparition totale de la production à la fin des années 1920 puisque 88 titres sont comptabilisés entre 1925 et 1929. Les frontières de la non-fiction sont perméables et posent alors un problème de classement. Il se trouve que les documentaires non annoncés dans la presse sont liés aux films d’enseignement et ne sont pas commercialisés pour le grand public. Toute la production Gaumont n’est pas tournée dans ses studios et les films parlants ne concernent que des courts métrages de fiction. On peut néanmoins assurer que la production française de 1929 a permis un particulièrement florissant développement de films courts, des documentaires et des films d’enseignement112, en particulier dans les studios Gaumont.

110 Nombre résultant de la base de données des personnes présentes dans la société Gaumont durant l’année 1929.

111 Frédéric Delmeulle, « Production et distribution du documentaire en France (1909-1929). Jalons pour une étude quantitative », 1895 revue d’histoire du cinéma, 1995, p. 200.

112 Marcel Colin-Reval, « La production française en 1929 », La Cinématographie française, n°586, 25 janvier 1930, p. 26.

Deux films muets vont occuper durablement les studios des Buttes-Chaumont en 1929 mais ils ne sont pas produits par Gaumont : il s’agit de Ces Dames aux chapeaux verts d’André Berthomieu (sorti le 27 septembre 1929, édité par Étoile Film) et de Gardiens de Phare de Jean Grémillon (sorti le 4 octobre 1929, édité par la Société des Films du Grand Guignol). Bien que la production de la SEG soit faible en 1929, elle loue ses studios fréquemment pour de courtes durées dans l’espoir, d’après le programme, d’obtenir jusqu’à 1.200.000 francs de bénéfices nets par an pour l’enregistrement des films muets, du développement et du tirage des films pour ces mêmes locataires113.

Malgré tout, la SEG possède la volonté d’établir, dès l’été 1929, quelques scènes et saynètes sonores afin de conserver, d’après le programme, la bonne réputation de la maison Gaumont, car « les organisations toutes prêtes de premier ordre que nous possédons pour l’exploitation directe ou pour la location, permettront d’obtenir le rendement maximum d’un bon film parlant114 ».

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