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A/ Des laboratoires actifs

Venons en maintenant aux laboratoires de la SEG, extrêmement actifs dans la recherche durant les années 1920. Les laboratoires de recherche sont primordiaux pour Léon Gaumont. Dès 1898, un laboratoire situé dans un pavillon de deux pièces fabrique toutes sortes de produits pour amateurs (révélateur, virage, colle). Le souhait du chef d’entreprise est alors de développer cette branche en priorité. Son vœu est exaucé à la fin des années 1920. Ayant laissé de côté la production de films et l‘exploitation de salles, Gaumont peut entièrement consacrer ses activités à la recherche, nous étudierons en particulier les laboratoires acoustiques et des hauts-parleurs.

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ESLABORATOIRES OPTIQUES

À l’ouest des usines, se trouve l’immense bâtiment du service optique ou laboratoire

optique [Fig. 9] de la firme, rue des Alouettes, qui comprend vingt-six employés. Ce

laboratoire réalise des recherches en optique et fabrique les éléments de ces appareils.

Fig. 9: Bâtiments des laboratoires optique (n°12 bis), petits laboratoires (n°5 bis et 6 bis), agrandis sur le plan de visite, 1927,

Ce service est composé d’une équipe de neuf calculatrices, sept ingénieurs et opticiens, une apprentie opticienne, un dessinateur, deux ébaucheuses, deux polisseurs, un ajusteur et un monteur de télégraphie sans fil. Deux autres petits laboratoires, pour lesquels aucune spécialité n’est précisée, se trouvent entre les ateliers de fraisage (n°1) et de vernissage (n°4). Ils sont reliés à l’entrepôt qui conserve le matériel optique (n°11) par une passerelle. Les salaires des employés en laboratoires optiques sont compris entre 1 200 francs et 3 000 francs par mois (sachant que la moyenne des salaires mensuels environne les 1310 francs).

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ESLABORATOIRES ACOUSTIQUES

Les laboratoires des produits chimiques [Fig. 10], pourtant sur le plan de 1927, ne sont jamais évoqués en ces termes dans les fiches du personnel. Ils se situent juste en face du studio de la société française des films parlants (n°43). Remarquons ensuite le laboratoire

« acoustique » et des « hauts-parleurs », ou « HP » dans les fiches.

Ce terme associé au laboratoire n’est évidemment pas indiqué sur le plan de visite qui date de 1927. Nous pouvons supposer qu’un bâtiment lui sera dédié dès 1928, ce terme apparaissant

Fig. 10: Bâtiment des laboratoires des produits chimiques (n°44) agrandis sur le plan de visite, 1927, Cinémathèque Française, Fonds Louis Gaumont

avec de l’arrivée d’un nouvel employé ingénieur en physique chimie dans la firme, le 16 août 1928. Des ateliers d’impression pour les films parlantssont créés à la fin des années 1920. La grande difficulté qui apparaît avec les débuts de l’industrie du film parlant est de faire correspondre la parole et les lèvres, à savoir un synchronisme parfait du phonographe et du cinématographe. Le laboratoire dénommé « laboratoire acoustique » est présent à quatre reprises dans les fiches du personnel de 1929. Dès le mois de novembre 1928, un ingénieur et un électricien rejoignent ce laboratoire et un autre en janvier 1929.

Ce service essentiel est dirigé par Henry Gabriel Aschel, né en 1892. Il était déjà employé au service des essais trichromie en laboratoire en juillet 1910 et travaillait dans le secteur de la couleur en qualité de chimiste. Aschel fait partie des chercheurs indispensables aux innovations de l’industrie du cinéma. En janvier 1911, il est lauréat du Conservatoire national des Arts et Métiers et reçoit le prix de chimie industrielle dénommé Mme Léon Droux44. Il est payé au mois dès ses débuts. Il obtient, en 1925, une carte militaire d’ingénieur,

ce qui lui permet de devenir chef de service Gaumont à son retour dix-huit mois plus tard dans l’entreprise.

J’ai pu recenser 14 personnes employées aux laboratoires au service d’Henry Aschel. Ce laboratoire permet d’effectuer des essais, souvent associés aux travaux sur les haut-parleurs (H.P dans les fiches du personnel). Plusieurs employés sont sous la responsabilité d’Henry Aschel : ingénieur chimiste, monteur électricien, employé du montage des haut-parleurs, femme de ménage. La hiérarchie est visible dans la grille salariale. On y trouve l’ingénieur chimiste Raphaël Landau. Il entre le 6 décembre 1928 et termine le 28 janvier 1929, payé au mois. Le 10 février suivant, la revue Les Gaulois : littéraire et politique45 annonce que Landau

réalise un documentaire, Rythme d’une Cathédrale. Il souhaite appliquer une méthode mathématique de montage qu’il a conçu pour produire des effets rythmiques spéciaux. Le montage de ce film est terminé courant avril 1929. C’est Pierre Braunberger, maison concurrente de la SEG, qui en assure la distribution46. Raphaël Landau déposera un brevet le

5 décembre 1929, alors qu’il ne fait plus partie des ingénieurs de la SEG, un nouveau procédé appelé « enregistrement des sons sur films cinématographiques par un faisceau de rayons cathodiques ». Landau débute sa carrière avec la SEG, auprès d’ingénieurs importants pour la

44 Anonyme, « Au conservatoire des Arts et Métiers, on distribue prix et récompenses », Le Petit Parisien :

journal quotidien du soir, 16 janvier 1911, p. 4.

45 Raymond Villette, « Les Cinémas. Petites nouvelles », Les Gaulois : littéraire et politique, n° 18 755, 10 février 1929, p. 5.

recherche sonore de l’entreprise puis se lance « seul ». Il acquiert de l’expérience dans les laboratoires Gaumont et l’applique à la réalisation d’un documentaire. Cet élément nous interroge donc sur l’idée qu’ingénieur et opérateur sont des métiers très liés lors du passage au parlant.

Le bureau des études effectue la conceptualisation des appareils construits par la SEG. Sur le plan de 1927 [Fig. 11 et 12], nous trouvons des bureaux dans le même bâtiment que celui des pellicules. Dans le fonds des fiches, le bureau des études [Fig. 21] est un service à part entière concerne 21 salariés dont la profession est généralement dessinateurs. Certains ont des spécialités identifiées comme le calque, l’étude d’outillage ou encore l’ingénierie. Le chef de service désigné dans les fiches se nomme Maurice Delamaison. Il entre dans la firme au mois de novembre 1928 mais sa fiche est très incomplète. Il est secondé par Maurice Duveau. Son registre militaire indique qu’il est né le 8 octobre 1893 et qu’il exerce la profession de dessinateur. Il est incorporé dans l’armée à compter du 28 novembre 1913. Il est ensuite employé par la SEG au mois de juillet 1919 en qualité de chef dessinateur.

Quant aux fiches du service des dessins, elles indiquent 26 personnes. Nous pouvons émettre deux hypothèses concernant son emplacement et son rapport avec les ateliers de la cité Elgé. Ce service qui n’apparaît pas sur le plan peut appartenir aux bureaux des études puisque l’un des employés est dessinateur d’études, alors que sa fiche indique le service des dessins. Mais

Fig. 11: Bâtiment des bureaux d'études [23bis] agrandi sur le plan de visite, 1927, Cinémathèque Française, Fonds Louis Gaumont

Fig. 12: Photographie du services des bureaux des études, 1927, Cinémathèque Française, Fonds Louis Gaumont

ce service peut aussi être lié à la conception des affiches publicitaires ou les affiches de films [Fig. 13] puisque les seuls emplois ici sont ceux de dessinateurs.

Un service d’imprimerie est à l’œuvre dans la cité Elgé [Fig. 14 et 15]. Son entrée se situe au 55 rue de la Villette, à l’est des usines. L'imprimerie est fonctionnelle entre 1907 et 1938, elle s'attache principalement à la confection et à la distribution des affiches publicitaires. Ce service emploie une quarantaine de personnes. Les principaux types de métiers que nous pouvons observer ici sont les typographes47 et les conducteurs lithographes48

qui sont au nombre respectif de trois et quatre employés. Parmi cette première catégorie de métiers que sont les typographes, remarquons deux femmes et un homme.

47 Dictionnaire en ligne Larousse « personnes capables de composer, à l'aide de caractères mobiles, les textes

destinés à l'impression et d'effectuer la mise en page »,

https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/typographe/80384?q=typographe#79408, dernière consultation : 12 avril 2019.

48 Dictionnaire CNRTL « graveurs qui impriment ou reproduisent des feuilles imprimables ».

Fig. 13 : Photographie des dessinateurs d’affiches, Cinémathèque Française, Fonds Louis Gaumont

Notons aussi la présence de nombreux autres employés qui les accompagnent dans la composition des affiches : cinq apprentis, deux compositrices et deux compositeurs, huit margeurs de typographie ou rotatifs (venant de la presse rotative servant à imprimer en continu), de deux receveurs lithographiques (qui reçoivent les feuilles imprimées sortant de la presse et les mettent en ordre), d’une minerviste (utilisant une machine à imprimer à platine de petit format), d’une brocheuse (encolle et coud les feuilles pour les relier), de trois dessinateurs et de deux écrivains. Il se peut que des artistes indépendants aient également été embauchés pour la création d'affiches de films et ne font pas partie des fiches qui sont, de toute façon, incomplètes.

Une fois la conceptualisation des appareils effectuée, les appareils peuvent être fabriqués dans les usines de la SEG. Les ateliers des usines sont tout proches de ceux des laboratoires.

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