• Aucun résultat trouvé

théorique 2 (H1) concernant la qualité et la richesse de l’espace imaginaire des enfants

1.3. Le sommeil et ses troubles : relation avec l’anxiété pendant la période de latence.

Après quelques considérations physiologiques et développementales concernant le sommeil, nous nous attarderons sur ses troubles à la période de latence et les liens que ces derniers entretiennent avec l’anxiété de l’enfant et de ses parents.

1.3.1. Aperçus physiologique et développemental du sommeil.

Le sommeil ne représente pas une nécessité universelle car il n’existe véritablement et de manière impérieuse que chez les mammifères, les oiseaux et certains reptiles. Chez

l’humain de tout âge, ce processus, physiologique et génétiquement programmé, est essentiel et vital car sa suppression entraîne une mort rapide. Ses mécanismes physiologiques et ses fonctions restent encore l’objet d’hypothèses mais il demeure certain qu’il repose sur des facteurs individuels, psychologiques et évolutifs, chacun des êtres humains ayant sa façon qualitative et quantitative de dormir selon les périodes de sa vie (R. Debré et A. Doumic, 1969).

A. Les manifestations physiologiques du sommeil.

Ce paragraphe présente et résume les données explicatives générales et objectives issues des ouvrages de R. Debré et A. Doumic (1969), A. Braconnier et P. Mazet (1986), J.- M. Gaillard (1990), M. Jouvet (1990), P. Magnin (1990), P. Lavie (1997) et M.-F. Vecchierini (1997).

« Le sommeil est un processus physiologique au cours duquel les fonctions de la vie de relation sont réduites et les fonctions de la vie végétative ralenties. C’est un processus d’inhibition actif et coordonné où le sujet entre spontanément par l’endormissement et dont il sort spontanément par le réveil. » 1

Cette définition rappelle tout d’abord que le sommeil est un processus physiologique : il recouvre un ensemble complexe de mécanismes neuroélectriques et biochimiques en interaction se révélant en une pluralité d’états de vigilance, appelés également « stades » au sein du sommeil orthodoxe, et par la survenue du sommeil dit paradoxal (SP). Nous verrons que les fonctions de la vie de relation et de la vie végétative sont effectivement plus ou moins réduites selon les stades du sommeil.

L’activité neuroélectrique de l’état de veille intense se caractérise par le maintien d’ondes bêta, rapides et de faible voltage. Au bout de quelques minutes, une situation paisible d’endormissement permet la survenue d’ondes alpha, rapides et de haut voltage. Si le calme perdure plusieurs minutes, alors le dormeur entre en sommeil lent (SL) par le stade 1, encore surnommé « demi-sommeil », « stade transitionnel » ou « sommeil à ondes lentes ». Nous allons donc présenter brièvement les quatre stades qui constituent le SL.

- Durant le stade 1, qui occupe environ 10 % du temps de sommeil, apparaissent plusieurs modifications physiologiques. Les ondes alpha cèdent leur place aux ondes thêta, plus lentes, la respiration devient irrégulière, le tonus musculaire se relâche et s’accompagne de myoclonies, et les mouvements oculaires ralentissent et gagnent en amplitude. L’endormissement complet et spontané apparaît avec l’entrée dans le stade 2, ce qui n’advient pas chez l’enfant anxieux et insomniaque.

- Le stade 2, dit aussi « sommeil confirmé », constitue la moitié du temps de sommeil. Il représente un sommeil léger qui se caractérise par l’apparition des complexes K et des « épingles du sommeil », des ondes spécifiques, respectivement de grandes amplitudes et rapides. Pendant cette période, les mouvements oculaires et le tonus musculaire diminuent tandis que la respiration se régularise. Quinze minutes après l’apparition des complexes K, le dormeur entre dans le stade 3.

- Ce stade 3, qui est une « phase de transition », occupe 10 % du temps de sommeil et il se caractérise par la survenue de l’onde delta, lente et de voltage élevé. Les mouvements oculaires et le tonus musculaire sont très faibles, ce qui va permettre l’entrée dans le sommeil « profond ».

- Le stade 4 correspond à ce sommeil « profond » dans lequel les ondes delta dominent l’activité cérébrale. Les muscles sont relâchés et les rythmes respiratoire et cardiaque sont lents et réguliers. A ce stade peuvent apparaître chez l’enfant des manifestations telles que les terreurs nocturnes et le somnambulisme.

Le SP, appelé aussi REM (Rapid Eye Movement sleep), « onirique » ou « actif »,

apparaît environ une heure et demie après l’endormissement. Les ondes thêta réapparaissent, sans complexes K et sans « épingles du sommeil », ce qui rend l’activité neuroélectrique du SP semblable à celle du stade 1, proche de l’état de veille. Par contre, et ceci explique le terme « paradoxal », on constate une paralysie musculaire, une absence de réflexes et des mouvements oculaires rapides. De plus, les rythmes respiratoire et cardiaque subissent d’importantes fluctuations. Le SP occupe environ 20 % du temps de sommeil chez l’adulte et davantage chez le nourrisson et le jeune enfant, ce qui s’explique par l’hypothèse que le SP

est lié aux apprentissages et à la mémorisation. Enfin, il est caractérisé par une abondance de rêves, sans être la phase exclusive d’apparition de ces derniers.

La régulation physiologique des états du sommeil prend en compte trois processus. Le premier, homéostatique, correspond à l’accumulation du besoin de sommeil. Le second,

circadien, renvoie à l’existence d’une horloge interne fonctionnant sur une période d’environ

24 heures. Le dernier, ultradien, gère l’alternance des sommeils orthodoxe et paradoxal au cours d’une même nuit. Le rythme du sommeil normal est donc le résultat d’une activité cérébrale qui s’avère suffisamment souple pour s’adapter aux exigences physiques et

psychologiques de l’environnement extérieur, ce qui confère à ce dernier un rôle tout à fait essentiel dans la régulation du sommeil.

B. Considérations développementales et fonctions du sommeil.

Les différents stades du sommeil se succèdent de façon organisée et définie, plusieurs fois au cours d’une même nuit. Cette succession et cette organisation varient considérablement en fonction de l’âge chronologique du dormeur, privilégiant ainsi certaines fonctions.

La réduction du tonus musculaire, nécessaire à l’endormissement, demande à l’enfant un état de satisfaction qui dépend de phénomènes de plus en plus complexes et liés aux satisfactions affectives. De même, lorsque l’enfant grandit, ses perceptions auditive

et visuelle s’accroissent et se lient à l’affectivité : le sujet tendu se réveille plus facilement à l’occasion d’un bruit ou à l’apparition d’une lumière. D’un point de vue développemental, il est ainsi reconnu que le réveil du nourrisson est souvent dû à la faim, au froid, à la chaleur ou à une mauvaise posture. De 3 à 9 mois, le réveil se détache des seuls besoins physiologiques. Il entre en rapport avec le désir d’activité motrice et d’échanges affectifs. De 9 mois à 3 ans, le réveil survient en fonction de multiples facteurs. Les facteurs psychologiques deviennent importants et s’entremêlent aux facteurs physiologiques (Debré et Doumic, 1969). L’endormissement ne peut survenir qu’en l’absence ou par la réduction des tensions physiologiques et psychologiques. A cet âge, les réveils nocturnes restent encore très fréquents car ils touchent 30 % des enfants (Challamel, 1998). Au-delà de 3 ans, a fortiori pendant la période de latence, la qualité du sommeil de l’enfant dépend de facteurs

similaires à celui de l’adulte, c’est-à-dire que son état psychologique conditionne ses

capacités d’endormissement et la qualité de son sommeil. Toutefois, il faut encore le différencier, et surtout au niveau de ses troubles, car l’être en devenir traverse des phases de maturation et d’autonomisation inhérentes au développement physique et psychique (Paty, 1997).

Chez l’enfant plus particulièrement, le sommeil possède un rôle fondamental dans la restauration psychique, dans la maturation du cerveau, dans l’efficience visuelle, dans la programmation génétique du comportement, mais également dans l’apprentissage, dans la mémorisation et dans la stimulation du cortex (Houzel, 1999). Sa perturbation, même

pendant la période de latence, possède donc un impact négatif sur le développement des

capacités perceptives, cognitives et mnésiques de l’enfant.

1.3.2. Les troubles du sommeil psychogènes pendant la période de latence.

A. Les troubles du sommeil sous-tendus par un syndrome anxieux.

Un état psychologique fragile favorise donc l’apparition de troubles du sommeil, et ceci dès le plus jeune âge, a fortiori à la période de latence. Tous les troubles du sommeil

répertoriés ne possèdent toutefois pas une origine psychiatrique et ne peuvent donc être liés à un syndrome anxieux sous-jacent. Nous devons donc mentionner lesquels sont

susceptibles de révéler cette anxiété car uniquement ceux d’origine psychologique nous intéresserons dans cette recherche.

Une difficulté supplémentaire apparaît lorsqu’on aborde les troubles du sommeil. En effet, il est périlleux de fixer la limite entre les sommeils normal et pathologique car « la

variabilité du sommeil rend difficile l’application de normes précises, et il vaut mieux admettre que le sommeil normal est avant tout celui dont on ne se plaint pas »1. Concernant la

plainte des enfants de la période de latence, elle passe encore et presque exclusivement par celle des parents.

Ainsi, nous écarterons de cette recherche les troubles du sommeil suivants :

- la somnolence excessive pathologique, qui s’observe davantage dans les organisations dépressives de l’adolescence2 ou comme conséquence d’atteintes physiologiques3 ;

- le somnambulisme, dont 15 % des enfants de 6 à 12 ans sont affectés4 ;

- la somniloquie, qui ne possède aucune signification pathologique particulière et révélée ; - le bruxisme, que l’on rencontre fréquemment chez les enfants psychotiques ;

- l’énurésie nocturne dont le classement parmi les troubles du sommeil est discutable5.

1 GAILLARD J.-M. (1990). Le sommeil : ses mécanismes et ses troubles. Paris. Doin. 2 Le terme d’ « hypersomnie dépressive » est alors souvent usité.

3 Les « apnées du sommeil » fatiguent l’enfant et provoquent une somnolence diurne invalidante.

4 Le somnambulisme empiète sur le SP, empêche la mentalisation et tourne l’énergie pulsionnelle de l’enfant

vers des voies de décharge comportementales (Ajuriaguerra et Marcelli, 1982).

5 L’énurésie est considérée comme un trouble des sphincters pouvant intervenir au cours de la nuit (Ajuriaguerra

En revanche, nous tiendrons compte des pathologies suivantes car le rôle du facteur psychologique sur leur survenue est plus largement reconnu et admis.

- Nous pourrons ainsi observer des troubles de l’endormissement et du coucher qui se caractérisent par un énervement de l’enfant ne parvenant pas à trouver le sommeil pendant plusieurs heures. L’opposition au coucher doit être mise en relation avec des attitudes parentales éducatives démissionnaires ou punitives et avec l’angoisse de séparation tandis que la phobie du sommeil refléterait la propre angoisse des parents face à la situation d’endormissement.

- Les enfants en période de latence étudiés pourront également être atteints d’insomnie anxieuse. On reconnaît actuellement que les insomnies correspondent souvent à une perturbation au niveau familial, à un sentiment d’insécurité ou encore à une anxiété maternelle. Elles mettent en exergue une angoisse de séparation ingérable et des difficultés dans l’apprentissage de la solitude et de l’autonomisation.

- Enfin, et probablement plus rarement, nous pourrons rencontrer des enfants sujets aux angoisses nocturnes (Braconnier et Mazet, 1986). Ces dernières regroupent, en premier lieu, les terreurs nocturnes qui se définissent par un réveil impressionnant de l’enfant dans un état de panique paroxystique suivi d’un endormissement rapide1. Durant cet épisode, l’enfant est en proie à des hallucinations face auxquelles il lutte de manière intense. Les manifestations neurovégétatives de l’angoisse sont prégnantes : pâleur, transpiration et accélération du rythme cardiaque. Les cauchemars, dont l’aspect pathologique dépend de l’augmentation de leur fréquence et de leur pouvoir anxiogène, se caractérisent par un vécu onirique inquiétant avec un déroulement temporel et spatial. Enfin, les éveils anxieux, que l’on peut mettre en lien avec l’angoisse archaïque face à la scène primitive, correspondent à un réveil de l’enfant pendant la nuit. Angoissé et soumis à un conflit interne psychique important, il ne parvient pas à se rendormir rapidement.

De cet exposé des diverses symptomatologies retenues, il apparaît déjà que l’anxiété

de l’enfant semble être le facteur étiologique principal des troubles du sommeil psychogènes. Or, et la pratique clinique le montre souvent, ces derniers apparaissent avec une

fréquence non négligeable pendant la période de latence.

B. Données épidémiologiques.

Les troubles du sommeil chez l’enfant connaissent actuellement une fréquence

croissante, ce qui suggère l’impact des nouveaux modes de vie. En effet, le sommeil des

1 Les terreurs nocturnes apparaissent fréquemment lors de la phase oedipienne et certains auteurs, tel D. Houzel

(1999), les interprètent comme une perte du père réel pour faire ressurgir un père fantasmatique punitif et castrateur. 3 % des enfants seraient concernés par ce trouble (Gaillard, 1990).

enfants est altéré qualitativement et quantitativement par les horaires de travail de leurs parents, leur obligation précoce de présence à l’école et les multiples placements chez des substituts parentaux (Mazet et Stoleru, 1988). En pédopsychiatrie, ce que confirme également mon expérience de psychologue clinicien, les troubles du sommeil constituent la plainte

parentale la plus fréquente. Pendant la première année de vie, 20 à 30 % des enfants

présentent des troubles suffisamment sévères pour que leurs parents viennent consulter un

spécialiste. B. Cramer (B. Golse, 2000), souligne la continuité des troubles1, leur