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à l’apparition de l’anxiété et des troubles du sommeil associés.

M. Klein propose de faire débuter le complexe oedipien dès l’entrée dans la position

dépressive. A un âge précoce, l’enfant perçoit ses parents comme des individus autonomes et

distincts. Il ressent entre eux une relation libidinale qui éveille en lui des sentiments de jalousie et d’envie ainsi qu’une agressivité exacerbée qui vise la destruction du couple parental. Il rivalise avec le père pour la possession de l’unique objet de désir : le sein (Segal, 1969). Si la théorie kleinienne doit être mentionnée en raison des apports qu’elle fournit dans une approche psychanalytique, elle demeure là encore incompatible avec notre point de vue génétique car M. Klein fait débuter le complexe oedipien dès la première année de

l’enfance.

Une vision plus contemporaine affirme que l’angoisse de castration, qui caractérise les structures névrotiques ou génitales de la personnalité, repose sur des sentiments inconscients de culpabilité (Bergeret, 1996). Elle renvoie à la réaction affective qui fait suite au constat

de l’absence de pénis chez la fille, lequel constat entraîne chez le garçon la peur fantasmatique de le perdre, et chez la fille le désir de l’acquérir (Bergeret, 1972). Ainsi,

elle apparaît à l’occasion du surgissement de pensées négatives à l’égard d’une personne de l’entourage proche (Bonsack, 1995). Elle demeure liée au monde interne du sujet et à sa vie imaginaire, à des « fautes » commises uniquement en pensée, à la crainte de ne pas se conformer à des exigences intérieures. L’angoisse provient de désirs sexuels ou agressifs inacceptables dont la satisfaction provoquerait une punition.

C. Ses rapports avec l’angoisse de séparation.

Dans ses rapports avec la séparation, l’angoisse de castration peut être perçue

comme une résurgence actualisée de l’angoisse de séparation. Ainsi, pour D. Bailly et coll.

(1995) :

« L’angoisse de séparation doit être considérée comme la toile de fond de toutes les angoisses

ultérieures. Le stade de développement de l’enfant modifie l’élaboration fantasmatique de cette angoisse. Comme la naissance et la perte de l’amour de l’objet, la castration de la phase phallique

peut ainsi être comprise comme une séparation, « séparation de l’organe génital » hautement investi narcissiquement. Au cours du développement de l’enfant, l’angoisse de castration est

remplacée par l’angoisse morale, suscitée par la peur de perdre l’amour du surmoi dont la forme ultime est l’angoisse de mort. »1

Cette position inaugure le lien que nous pouvons établir entre l’angoisse de castration et les angoisses précédentes, celles de séparation et de mort. La castration se caractériserait par la ressaisie d’une problématique de séparation au travers du « petit détachable », toute différence installant la menace de la perte, de la destruction et de la détresse (A. Jeanneau, 1992).

Un second point de vue, que nous adopterons plus volontiers, est de reconnaître plus explicitement la spécificité de l’angoisse de castration.

« S’il y a bien une angoisse de séparation - avec toute sa charge d’ambiguïté - , celle-ci se trouve ranimée par l’angoisse de castration, sans s’y réduire, ce qui rend vaine une opposition des deux « logiques » » « En bref, l’angoisse de castration même reste « pétrie » d’angoisse de

séparation, mais celle-ci est destinée à se spécifier en celle-là : la souffrance proprement oedipienne

ferait ainsi l’ « éducation » de la douleur, motivée de la séparation d’avec la mère (…). »2

L’angoisse de castration ne représenterait pas uniquement la crainte d’une perte d’objet directe et biologique, celle d’avec l’organe génital, mais la peur d’une perte d’objet également biologique mais réalisée par l’intermédiaire de voies indirectes (Freud, 1926).

L’angoisse de castration ne serait finalement qu’une variante de l’angoisse de séparation, pertinente à une période particulière du développement de la personnalité de

1 BAILLY D. et coll. (1995). L’angoisse de séparation. Paris. Masson. p. 62.

2 ASSOUN P.-L. (1994). « Du sujet de la séparation à l’objet de la douleur ». Neuropsychiatrie de l’Enfance. 42

l’enfant (D. Marcelli, 1995). Sous l’influence du complexe oedipien, l’angoisse de séparation prendrait alors un sens particulier.

2.4.2. Perspective génétique de l’angoisse de castration.

Pour situer chronologiquement le moment d’apparition de l’angoisse de castration, nous adopterons comme référence la théorie freudienne. Cette dernière propose de situer le

stade oedipien entre 3 et 5 ans, stade au cours duquel l’angoisse de castration universelle

permettra au garçon de dépasser son complexe et à la fille d’y entrer. L’angoisse de

castration non élaborée continuera de perturber le développement sexuel et identitaire de l’enfant au-delà de 5 ans et donc, pendant la période de latence. Des troubles du

sommeil ayant débuté pendant la phase oedipienne seraient ainsi susceptibles de traduire une angoisse de castration non élaborée.

Selon J. Bergeret (1996), l’angoisse de castration domine dans les structures de

personnalité de type névrotique. L’enfant préorganisé sur un mode névrotique possède

certes quelques fixations aux stades prégénitaux mais il a pu accéder à la triangulation oedipienne sans avoir connu trop de frustrations. L’environnement et les relations avec les parents ont donc été relativement satisfaisants et structurants.

L’enfant « obsessionnalisé » connaîtra l’angoisse de castration s’il découvre ses pensées érotiques et agressives dirigées à l’endroit des parents. Il mettra en place des mécanismes de défense tels que, par exemple, le refoulement, l’isolation, le déplacement, l’annulation rétroactive et les formations réactionnelles.

L’enfant « hystérisé » redoutera que sa pensée se réalise. Pour s’en défendre, il utilisera des mécanismes de défense tels que le déplacement, l’évitement et le refoulement.

Il est intéressant de souligner que dans le cadre d’une hystérie d’angoisse se structurant, l’angoisse de castration est liée à une représentation qui doit être évitée, cette dernière pouvant être chez l’enfant l’obscurité, le silence ou des monstres imaginaires.

2.4.3. Le sommeil et la résurgence des fantasmes oedipiens.

Pendant la phase oedipienne, le sommeil prend des symbolisations diverses. S’il connote encore la mort et la séparation, il devient également la source de fantasmes sexuels. En effet, le lit des parents, pendant la nuit, devient l’endroit privilégié de leur union dont l’enfant est exclu. Lorsque les parents laissent souvent l’enfant dormir dans leur lit conjugal,

les fantasmes refoulés, dont la scène primitive, sont réactivés, ce qui provoque une angoisse de castration chez l’enfant. Ce dernier ressent des émois érotiques qui s’accompagne d’un brouillage des générations, d’une confusion sexuelle et d’un climat où règne l’inceste. La

réactivation de l’ensemble de ces fantasmes majore la culpabilité oedipienne et va accroître l’angoisse de castration. Ainsi que le soulignent M. Dollander et C. de Tychey

(2002) :

« La crainte d’une sanction peut originer chez l’enfant une hypervigilance incompatible avec la régression passive vers le sommeil, ou encore produire des cauchemars entraînant des réveils très anxiogènes en pleine nuit. »1

Cette situation est parfois recherchée consciemment ou inconsciemment par l’un ou les deux parents quand les relations sexuelles sont évitées ou lorsque la sexualité est déniée. Un enfant qui pleure peut être rassuré pendant un moment auprès des parents, mais il devrait pouvoir retourner dans son lit afin qu’il l’intègre comme un endroit sécurisant et personnel.

Des troubles du sommeil apparaissant entre 3 et 5 ans peuvent donc traduire un déséquilibre psychique lié à l’impossibilité de gérer la surcharge libidinale2. Ils pourront

se pérenniser d’autant mieux que les parents continueront à avoir des attitudes entretenant les fantasmes sexuels de leur enfant.

D’un point de vue génétique, et en référence à la théorie freudienne, nous pouvons supposer que l’angoisse de castration survient de manière normale et universelle entre trois et cinq ans. L’entrée dans la période de latence signerait habituellement le dégagement de l’enfant face à cette angoisse. Cette dernière devient pathologique dès la période oedipienne lorsqu’elle se révèle trop massive et désorganisatrice. De même, son intensité et sa

prolongation pendant la période de latence, c’est-à-dire au-delà de cinq ans, dévoilent l’impossibilité pour l’enfant de l’élaborer de manière satisfaisante. Le sommeil possède

une charge symbolique qui expliquerait que ses troubles peuvent manifester une angoisse de castration non élaborée. Cette dernière pourrait a priori être présente chez les enfants en période de latence atteints de troubles du sommeil.

§

1 DOLLANDER M. et TYCHEY (de) C. (2002). La santé psychologique de l’enfant. Paris. Dunod. p. 131. 2 Selon S. Freud (1916-1917), les enfants angoissés connaissent une charge libidinale qui ne leur confère pas la

Ce chapitre a permis d’appréhender les troubles du sommeil chez l’enfant en période de latence comme résultante d’angoisses non élaborées en leur temps. Les enfants connaissent, tout le long de leur développement libidinal, des angoisses qu’ils doivent élaborer et surmonter. Cette capacité, nous l’avons entrevue, dépend de la qualité des relations entretenues vis-à-vis des parents, et surtout de la mère. L’approche génétique, qui était l’axe de réflexion de ce chapitre, doit donc être complétée par une vision intergénérationnelle de la problématique. Mais nous pouvons d’ores et déjà formuler l’hypothèse théorique (H4) suivante :

H4 : Les enfants anxieux en période de latence souffrant de troubles du sommeil ne seraient pas parvenus à une élaboration satisfaisante de l’une ou plusieurs des angoisses suivantes : l’angoisse de mort, l’angoisse de séparation et l’angoisse de castration.

Chapitre 3.

Les déterminants de la transmission intergénérationnelle