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Opérationnalisation des hypothèses.

5.1. Opérationnalisation de l’hypothèse théorique H1.

H1. Comparativement à celui des enfants non anxieux, l’espace imaginaire des enfants anxieux en période de latence serait soit plus carencé, soit plus luxuriant en raison d’angoisses non élaborées entravant le travail psychique de mentalisation.

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Les cinq indicateurs suivants, issus du test de Rorschach, permettent d’apprécier la richesse ou la pauvreté de l’espace imaginaire des enfants.

Le nombre de réponses (R).

On dira d’un enfant que son espace imaginaire est riche si ce nombre (R) est supérieur à 20 et pauvre s’il est inférieur à 15. Ces scores sont inférieurs à ceux proposés pour les adultes (Anzieu et Chabert, 1961) car ils sont issus des analyses de protocoles d’enfants normaux réalisés par N. Rausch de Traubenberg, M.-F. Boizou (1977) et J. Blomart (1998). Ce score doit bien sûr être considéré au regard du nombre de banalités (Ban)1 et de réponses identiques, ces types de réponses ne caractérisant

pas un espace imaginaire riche.

La fréquence du nombre de réponses ayant un déterminant formel (F %) et la qualité de ce dernier (F+ %).

Le F % moyen des adultes se situe aux alentours de 60 % (Chabert, 1983) mais chez les enfants, il se situe davantage vers 70 % car ils expriment moins aisément leur implication personnelle et demeure volontiers dans un mode de fonctionnement courant, habituel et normatif (Blomart, 1998). Mais lorsque le F % est trop élevé, on assiste à un étouffement de la vie imaginaire. Je propose donc de considérer qu’un espace imaginaire riche chez l’enfant va se traduire par un F % inférieur à 70 %.

1 Le nombre de banalités oscille entre 4 et 6 par protocole et augmente avec l’âge (Rausch de Traubenberg et

Les réponses formelles de bonne qualité (F +) évaluent l’adaptation perceptive et socialisante du sujet. Les enfants possèdent un sens de la réalité moins accru que les adultes car ils demeurent encore en proie au principe de plaisir. Nous proposons, toutcomme le font N. Rausch de Traubenberg et M.-F. Boizou (1977), de diviser en deux groupes les enfants en ce qui concerne cet indicateur. Entre 6 et 8 ans le F +% doit se situer entre 50 et 70 % tandis qu’entre 8 et 11 ans, il peut se situer entre 60 et 70 %, comme chez l’adulte. Un F +% supérieur à 50 % entre 6 et 8 ans et supérieur à 60 % entre 8 et 11 ans représenteront donc le signe d’un espace imaginaire où les dérapages seront absents ou peu nombreux. Toutefois, et pour ces deux groupes d’âge, un F +% supérieur à 95 % sera le signe d’un souci trop important d’adéquation à la réalité ne laissant pas suffisamment de place à la spontanéité.

Le nombre de kinesthésies humaines (K).

Chez l’adulte, les kinesthésies « affirment surtout les potentialités créatrices d’un sujet dans

son aptitude à jouer de son intelligence en termes hypothétiques, sans se contenter ou être asservi au constat perceptif »1. Elles représentent donc le signe du recours à l’imaginaire car elles enrichissent les perceptions. Chez les enfants, les kinesthésies renvoient à la prise de conscience de l’image du corps et également à l’activité imaginative et fantasmatique. Mais elles renvoient également à la position de l’enfant face aux images parentales. Cette position n’est verbalisable qu’au cours de la période de résolution du conflit œdipien car le Moi va s’organiser de façon plus certaine : ainsi apparaissent les K complètes à partir de 6 ans environ (Rausch de Traubenberg et Boizou, 1977). En tant qu’indice de l’activité imaginative, nous proposons de considérer l’espace imaginaire de l’enfant comme riche lorsqu’il peut élaborer au moins deux kinesthésies humaines (K, KC, KC’ ou KClob).

Le nombre de kinesthésies animales (kan).

Concernant les kinesthésies mineures présentes dans les protocoles d’adultes, C. Chabert (1983) souligne qu’elles « représentent les tendances cachées du sujet : si elles appartiennent au

monde des ombres ques recèle le latent, l’implicite et donc la référence inconsciente, leur étude affinée ne s’en impose que davantage »2. On peut formuler une remarque similaire concernant les

enfants d’autant que ceux-ci projettent plus massivement leurs pulsions internes à travers des représentations animales (kan) qu’à travers des représentations humaines (K). Rausch de Traubenberg et Boizou (1977) expliquent cette tendance du fait que l’enfant vit comme angoissant la projection des conflits à l’endroit d’images humaines rappelant trop directement les images parentales. Cette capacité de liaison entre réprésentations et affects est dépendante de l’étendue de l’espace imaginaire de l’enfant qu’elle révèle ainsi indirectement. Les kinesthésies d’objet (kob) et les kinesthésies partielles humaines (kp) ne représentent pas des indicateurs à retenir pour la vérification de cette hypothèse. Les premières, d’apparition tardives, renvoient à une expression pulsionnelle intense souvent accompagnée d’un sentiment d’être en danger. Les secondes, habituellement très rares chez les enfants, dévoilent une vigilance perceptive qui caractérise notamment les enfants psychotiques. Ainsi, et d’après les

1 CHABERT C. (1983). Le Rorschach en clinique adulte. Interprétation psychanalytique. Paris. Dunod. p. 135. 2 ibid. p. 153.

protocoles issus de l’étude de Rausch de Traubenberg et Boizou (1977), nous pouvons considérer l’espace imaginaire comme riche si l’enfant peut élaborer au moins trois kinesthésies animales.

La fréquence du nombre de réponses animales (A %).

L’apparition de ce type de réponse représente un signe d’intégration adaptative et socialisante (Chabert, 1983). Mais trop élevé, le A % peut être interprété comme un signe d’immaturité, une défense rigide face à l’investigation ou un espace imaginaire pauvre. Chez l’adulte, le A % se situe habituellement entre 30 et 45 % (Chabert, 1983). L’enfant, quant à lui, projette plus facilement une présence animale car « l’identification à l’animal est facilitée par le fait que le monde animal n’a pas

d’exigence face à l’enfant et qu’il fait partie du monde d’échange, d’égal à égal, sur le même pied, où il n’y a pas de loi instaurée dans la mesure où ils sont tous les deux menés et dominés par l’adulte »1.

La projection des conflits entre figures animales suscite également moins d’angoisse. Il y a par conséquent beaucoup d’images animales perçues en mouvement (kan). Au regard des études de N. Rausch de Traubenberg et M.-F. Boizou (1977) et de J. Blomart (1998), nous proposons de considérer comme normatif, pour les enfants, un score A % inférieur à 70 %. Leur espace imaginaire sera dit riche si ce pourcentage s’avère inférieur à 70 %.

L’appréciation du type de résonance intime (TRI).

Celui-ci est fourni par une formule qui compare la somme des réponses kinesthésiques humaines (K) à la somme pondérée des réponses couleur (C, C’, CF, C’F, FC, FC’). Le TRI dévoile la proportion d’attitudes introversives et extratensives du sujet, « l’attitude fondamentale de la

personnalité envers elle-même et envers le monde extérieur ou " vis-à-vis du Moi, du monde et de l’entourage " » 2. En effet, le sujet sensible à son ressenti personnel fournit davantage de K, tandis que

celui plus attentif au monde externe donne davantage de réponses couleur. Concernant les enfants, et en prenant en compte la non significativité du nombre de leur réponses couleur (Rausch de Traubenberg et Boizou, 1977), nous proposons de considérer qu’un TRI coarté (ΣK/ΣC : 0/0) ou coartatif (ΣK/ΣC : 1/1, 1/0.5, 0/1 ou 0/0.5) est signe d’un espace imaginaire pauvre. La coartation du TRI renvoie à un blocage, à une pauvreté ou une inaptitude à manipuler les symboles, ce qui se constate chez les sujets sensibles aux changements et anxieux face à ces derniers (Rausch de Traubenberg, 1970).

1 RAUSCH de TRAUBENBERG N. et BOIZOU M.-F. (1977). Le Rorschach en clinique infantile. Paris.

Dunod. p. 33