• Aucun résultat trouvé

Évolution de la rigidité budgétaire

B. Une solution controversée

Malgré tous les justificatifs présentés par le gouvernement, notamment l'évocation de cette rigidité budgétaire, la désaffectation des recettes de l'union fait l'objet de nombreuses critiques, vis-à-vis de la diminution des recettes destinées à la réalisation des droits sociaux, à laquelle sont constitutionnellement affectées les ressources de plusieurs impôts et contributions.

Dans ce contexte, la constitutionnalité de la DRU est contestée. Fernando Facury Scaff, dans un article sur le sujet285, vérifie que la désaffectation des recettes a été effectivement menée par le gouvernement fédéral et argumente que le fait de retirer des ressources que la Constitution destinait de façon obligatoire à des finalités spécifiques, telles que l'éducation, la santé, la sécurité sociale, parmi d'autres semblables, qui sont au centre des droits sociaux, porte atteinte à la Constitution Fédérale et à l’effectivité de ces droits sociaux.

L'auteur souligne, en outre, le fait que les mécanismes de désaffectation de recettes n'ont pas fait l'objet d'une contestation devant le Tribunal Suprême Fédéral -STF286 qu'une seule fois. C'était lors de la prorogation du fond social d'émergence, par la création du fond de stabilisation économique, l'action directe d'inconstitutionnalité insistant sur le caractère rétroactif du FSE287 et n'évoquant pas la « violation des droits de l'homme en raison de

285 SCAFF, Fernando Facury. Direitos humanos e a desvinculação de receitas da União- DRU. In: Octávio Campos Fischer. (Org.). Tributos e Direitos Fundamentais. São Paulo: Dialética, 2004.

286 L'équivalent brésilien du conseil constitutionnel français, cet organe n'est pas, toutefois, une cour

constitutionnelle proprement dite, puisqu'il fonctionne aussi en grande mesure comme tribunal de dernière instance.

287 Action directe d'inconstitutionnalité -ADIn n. 1420-MC/ DF, dont le jugement a été le suivant : “Action directe d’inconstitutionnalité. Mesure de précaution. 2. Fond social d’émergence. 3. Inconstitutionnalité des contenus aux articles 71, §2º et 72, III et V de l’acte des dispositions

constitutionnelles transitoires - ADCT de la Constitution Fédérale de 1988, avec la rédaction introduite par l’amendement constitutionnel nº 10 de 04/01/1996. 4. Contrôle de constitutionnalité d’amendement à la Constitution, face à l’art. 60, de la Constitution. Compétence du Tribunal Suprême Fédéral (art. 102, I, a). Clauses immuables. 5. Les art. 71, 72 et 73 ont été ajoutés à l’acte des dispositions constitutionnelles transitoires de 1988 par l’amendement constitutionnel n°1, du 1er mars 1994. 6. L’amendement

110 l'exclusion de ces recettes du budget affecté de l'union, pour conférer plus de 'flexibilité' à sa gestion, ou encore, pour pouvoir réduire les droits sociaux au bénéfice du paiement des intérêts, charges et amortissement de la dette »288.

Encore selon Fernando Facury Scaff289, l'union n'est pas autorisée par la Constitution à procéder à cette désaffectation puisque le principe de non-affectation aurait pour conséquence de rendre obligatoire l'affectation des dépenses ne découlant pas des impôts, de façon à rendre obligatoire l'affectation de toutes les recettes des contributions. Il défend, en outre, que la flexibilisation du budget aurait pu se faire en prévoyant une désaffectation dans les lois ordinaires ou d'autres normes, qui rendent possible l'utilisation d’éventuels surplus de recettes.

L'auteur souligne aussi290 le fait que les besoins du gouvernement, les raisons d'état,

ne peuvent pas être évoqués pour justifier des atteintes à la Constitution. Dans ce sens, l'auteur cite une décision du Tribunal Suprême Fédéral291, selon laquelle les raisons d'état ne peuvent pas être relevées pour rendre légitime le non-respect de la Constitution, sous peine de menacer les libertés publiques et la suprématie de l'ordre constitutionnel. Selon le ministre rapporteur de cette décision : « La défense de la Constitution ne s'expose pas, ni ne doit s'exposer, à n'importe quel jugement d'opportunité ou de convenance, encore moins à

constitutionnel n° 10/1996 qui a changé les articles 71 et 72 de l’ADCT, prorogeant la vigueur du fond social d’émergence dans la période du 1er janvier 1996 au 30 juin 1997. 7. L’auteur de l’action argumente qu’étant expiré le délai de vigueur du fond social d’émergence au 31.12.1995, l’amendement constitutionnel n° 10, du 4.3.2006 ne pouvait pas rétroagir dans ses effets, le 1er janvier 1996, puisque cette situation porterait atteinte au droit acquis des états fédérés, du district fédéral et des municipalités en ce qui concerne leur participation au fond auquel fait référence l’article 159, I, de la Constitution et à l’incidence de l’art. 160 de la Constitution, dans la période du 1er janvier jusqu’à l’entrée en vigueur de l’amendement constitutionnel n. 10, du 4.3.1996. 8. L’auteur n’évoque pas, de façon spécifique, une atteinte à aucun des alinéas de l’article 60 de la

Constitution, en soutenant l’atteinte à l’article 5, XXXVI, face à la disposition des articles 159 et 160 de la Constitution. En effet, ces fondements pourraient découler, par conséquent, de l’atteinte à l’article 60, I et IV, de la Constitution ce qui n’est pas, toutefois, soulevé. 9. Même si on peut, en principe, admettre la relevance juridique de la discussion, il est vrai, cependant, qu’il n’est pas pertinent de reconnaitre ici, le periculum in

mora, puisque rien n’a été démontré en principe concernant des préjudices irréparables aux états, districts fédéraux et municipalités si l’action est fondée. Il faut remarquer, sur ce point, que l’amendement de révision n° 1, qui a introduit à l’ADCT les articles 71, 72 et 73 sur le fond social d’émergence, est entré en vigueur en mars 1994, prenant ces effets, aussi à partir de janvier de cette année. 10. Mesure de précaution rejetée. »

(BRASIL. Supremo Tribunal Federal. Ação Direta de Inconstitucionalidade ADI 1420 MC/DF Min. Neri da Silveira, jugée Le 17/05/1996)

288 SCAFF, Fernando Facury. Direitos humanos e a desvinculação de receitas da União- DRU. In: Octávio Campos Fischer. (Org.). Tributos e Direitos Fundamentais. São Paulo: 2004, p. 77.

289 Ibid., p.77.

290 SCAFF, Fernando Facury. Direitos humanos e a desvinculação de receitas da União- DRU. In: Octávio Campos Fischer. (Org.). Tributos e Direitos Fundamentais. São Paulo: 2004, p. 77-78.

291 Action directe d'inconstitutionnalité ADI 2010- MC/DF, rapporteur ministre Celso de Mello. Cette décision provisoire a été proférée le 30/09//1999, l'action ayant postérieurement perdu l'objet.

111 des évaluations discrétionnaires fondées sur des raisons de pragmatisme gouvernemental ». Face à ces arguments, M. Scaff conclut à l'inconstitutionnalité des mécanismes de désaffectation des recettes de l'union, en défendant que cette question soit soumise au Tribunal Suprême Fédéral.

Malgré la consistance et la cohérence de cette argumentation, il faut regarder les autres visions sur cette question. À ce stade, le bureau de conseil budgétaire de la chambre des députés a préparé une note technique contenant une analyse très précise de la désaffectation des recettes dans le projet de loi budgétaire pour 2012292, en tenant compte de la question de la rigidité budgétaire et de l'impact de la désaffection sur le budget de la sécurité sociale, le budget général et les dépenses obligatoires.

Selon la note technique, étant donné que la quasi-totalité des recettes est affectée ou destinée au paiement des dépenses obligatoires, il reste très peu de ressources pour l'exécution des politiques publiques et pour faire face aux crises. Compte tenu de cette situation, ainsi que des particularités de chaque exercice fiscal, la DRU a apporté plus de flexibilité à l'élaboration et l’exécution du budget, en ajoutant des ressources de libre allocation, notamment en ce qui concerne la réalisation des investissements visant la croissance économique, ainsi que plus d'efficience dans la gestion des ressources publiques, en corrigeant les distorsions dans l'allocation de ressources découlant de l'excès d'affectations. La DRU a rendu possible, en outre, le transfert de ressources des contributions sociales vers le budget général, si le budget de la sécurité sociale est excédentaire, comme c'est arrivé en 2008, la réallocation de ressources pour le financement des programmes prioritaires de l'union, sans augmenter son endettement et l'exécution des politiques fiscales réduisant la dette publique à travers l'obtention de résultats primaires plus élevés293.

292 BRASIL. Câmara dos deputados. Consultoria de orçamento e fiscalização financeira. Nota técnica n. 18/2011:

A efetiva desvinculação de receitas da União (DRU) na elaboração do projeto de lei orçamentária para 2012, no orçamento da seguridade social e em outras áreas. Elaborée par les consultants ClaudioRiyudi Tanno et Túlio Cambraia. Disponible sur

http://www2.camara.gov.br/atividadelegislativa/orcamentobrasil/orcamentouniao/estudos/2011/nt_18_2011, consulté le 15 mai 2012.

293 BRASIL. Câmara dos deputados. Consultoria de orçamento e fiscalização financeira. Nota técnica n. 18/2011:

A efetiva desvinculação de receitas da União (DRU) na elaboração do projeto de lei orçamentária para 2012, no orçamento da seguridade social e em outras áreas. Elaborée par les consultants Claudio Riyudi Tanno et Túlio Cambraia. Disponible sur

http://www2.camara.gov.br/atividadelegislativa/orcamentobrasil/orcamentouniao/estudos/2011/nt_18_2011, consulté le 15 mai 2012, p.4-5.

112 Les consultants de la chambre des députés argumentent aussi que la DRU garantit la stabilité économique, notamment face à des scénarios de crise comme ce qui a été projeté pour 2012 en raison de la crise financière internationale294.

Par ailleurs, la note technique du bureau de conseil de la chambre des députés contient une analyse détaillée de l'impact de la DRU sur chaque type de dépense obligatoire. En ce qui concerne la sécurité sociale, pendant quelques années, jusqu'en 2008, la DRU a eu pour effet le transfert de ressources du budget de la sécurité sociale vers le budget général, puisque le montant retiré du budget de la sécurité sociale en fonction de la DRU était plus important que le montant transféré du budget général pour faire face au besoin de financement de la sécurité sociale. Cela veut dire que s'il n'y avait pas la DRU, le budget de la sécurité serait, jusqu'en 2008, excédentaire, tandis qu'à partir de 2009 le budget de la sécurité sociale présente un déficit, de sorte qu'il a fallu des ressources du budget général pour le combler295.

En outre, la question de la réduction des ressources destinées à la santé, la retraite et l'assistance sociale est aussi abordée296. La plupart des dépenses réalisées dans ces domaines sont obligatoires, par conséquent, non susceptibles de réduction. Donc, même si la DRU retire une part des recettes de la sécurité sociale, il y a aura des transferts à partir du budget général pour faire face au volume de dépenses obligatoires. La différence essentielle est que ces ressources ne sont pas affectées, de sorte que la DRU ne retire pas de ressources de la sécurité sociale, mais les distribue différemment au sein des actions du budget de la sécurité sociale.

Dans ce contexte, les dépenses de santé suivent la règle prévue à la Constitution fédérale, selon laquelle l'union doit destiner aux actions et services de santé au moins le montant calculé l'année précédente, corrigé de la variation du produit interne brut. Dès lors, ce calcul ne subit pas d'influence en fonction de la désaffectation des recettes de l'union. Il en va de même pour les dépenses d'assistance sociale et de la branche retraite, définies par la loi et liées à la concession des bénéfices, dont le paiement est obligatoire dès que les conditions sont remplies par les citoyens297.

294 Ibid., p. 5. 295 Ibid., p. 5-6. 296 Ibid., p. 7.

113 Enfin, les dépenses d'éducation ont été progressivement exclues de l'incidence de la DRU depuis l'amendement constitutionnel n° 59 de 2009, de sorte que, à partir de 2011, la désaffectation des recettes de l'union n'intervient pas sur le pourcentage de la recette des impôts constitutionnellement destiné à l'éducation.

Une autre analyse des données budgétaires est présentée par Marcos Jose Mendes298.

En observant l'application des ressources dans des domaines tels que la santé, l'éducation et la sécurité sociale, l'auteur conclut que la désaffectation des recettes de l'union n'entraîne pas forcément une diminution des ressources destinés à la réalisation des droits sociaux. Par ailleurs, l'auteur souligne le fait que la DRU existe, en grande mesure, pour compenser le déséquilibre occasionné par la constante augmentation de la pression fiscale par la création - ou la hausse- des contributions, puisque l'union privilégie ce type de recette qui ne fait pas l'objet de transferts aux entités de la fédération.

Confrontées aux données budgétaires et à l'incidence pratique de la désaffectation des recettes de l'union sur les dépenses obligatoires, les critiques envers ces mécanismes perdent beaucoup de leur force. À ce stade, si la destination de ressources prévue par la Constitution continue d'être observée, il n'y aura pas d'inconstitutionnalité.

Par ailleurs, il faut considérer le fait que la simple affectation de ressources n'entraîne pas forcément l'effectivité des droits sociaux, puisque cette effectivité dépend de la qualité de la dépense et des résultats obtenus. La seule garantie d'affectation de recettes ne suffit pas pour assurer que les citoyens auront accès à des politiques publiques bien structurées, présentant des résultats satisfaisants et comportant les choix d'application de ressources les plus rationnels. Sur ce point, il convient de rappeler, en outre, que même s'agissant des politiques publiques essentielles -comme l'éducation et la santé- il faut que les dépenses soient optimisées, de façon à apporter les meilleurs résultats aux moindres coûts, le volume de dépenses budgétaires n'étant pas un indicateur de la qualité du service public.

Dans ce sens, Marcos Jose Mendes299 indique que la construction d'un système

budgétaire axé sur la qualité de la dépense ne serait possible qu'à la suite de la réduction de la rigidité budgétaire, au travers des mesures de flexibilisation des dépenses obligatoires et

298 MENDES, Marcos José. Sistema Orçamentário Brasileiro : planejamento, equilíbrio fiscal e qualidade do

gasto público. In: Cadernos de Finanças Públicas, n.9, p. 57-102. Brasília, décembre 2009, p. 98-100.

114

quasi-obligatoires. Selon l'auteur, à partir de ce changement, il serait possible d'avoir un système dans lequel l'exécutif et le législatif agissent de façon coopérative, tantôt à l'estimation de recettes, tantôt à l'allocation des dépenses.

En effet, la mise en place des affectations s'avère être un mécanisme très confortable pour le pouvoir législatif, car les parlementaires peuvent montrer à leurs électeurs qu'ils ont agi pour la défense des droits sociaux, même si par la suite le contrôle de l'application des ressources et des résultats obtenus300 est délaissé par le pouvoir législatif.

Dans ce contexte, il faut souligner que la rigidité budgétaire peut s'avérer préjudiciable à la gestion publique, en réduisant de façon significative les choix d'allocation de ressources et la capacité d'investissement. Ainsi, parmi les principaux inconvénients de l'affectation de recettes émergent « a) la réduction de la liberté et de la flexibilité dans la programmation des ressources, b) les difficultés politiques pour revoir les normes prévoyant l'affectation et c) très souvent, apparaît l'inefficacité de la gestion des domaines protégés par l'affectation de recettes en raison de l'obligation de dépenser »301. Par conséquent, ce dont il fallait discuter précisément n'est pas la désaffectation de recettes, mais l'excès d'affectation qui, en dernier ressort, compromet l'efficience du budget de l'union. Néanmoins, il s'agit d'une situation très difficile à changer, la fameuse réforme fiscale étant -comme toutes les réformes, d'ailleurs- un sujet toujours tabou et qui rencontre plusieurs obstacles, sa réalisation étant très loin d'aboutir.

Enfin, ce que l'on vérifie au Brésil par rapports aux affectations de recettes budgétaires, c'est la situation de méfiance institutionnelle qui perdure entre les pouvoirs législatif et exécutif. Le congrès veut toujours encadrer l'action du gouvernement, en figeant certaines questions dans la loi -ou même dans la Constitution302- afin de ne pas laisser de marge de décision à l'exécutif. Cette réalité est bien présente dans le cas de la désaffectation des recettes de l'union, le législatif étant le responsable pour instituer les affectations, tandis que l'exécutif doit lutter pour obtenir une certaine flexibilité.

300 Comme nous allons le voir dans le Titre II de la Deuxième partie, le contrôle finit par être seulement formel et le parlement ne s'intéresse pas beaucoup à ses fonctions de contrôle.

301 GIACOMONI, James. Receitas vinculadas, despesas obrigatórias e rigidez orçamentária. In: CONTI, Jose Mauricio; SCAFF, Fernando Facury. Orçamentos públicos e direito financeiro. São Paulo: RT, 2011, p. 340, traduction libre.

302 La Constitution fédérale de 1988 est analytique, une partie significative de ses 250 articles apportant des dispositions qui n'ont pas le caractère de norme matériellement constitutionnelle.

115

II. Le budget participatif comme un mécanisme de démocratisation des

budgets locaux

La pratique du budget participatif vient bouleverser la répartition classique des pouvoirs, tel qu'elle a été exposée précédemment. Le processus de participation populaire rend possible le rééquilibrage des pouvoirs au sein des municipalités et confère une plus grande légitimité aux gouvernements locaux vis-à-vis de la population.

Son implantation n'a pas été sans conflit, puisqu'au départ le pouvoir législatif regardait l'institution du budget participatif comme une menace à l'exercice de ses compétences constitutionnelles en matière budgétaire. Néanmoins, son implantation a été réussie et a apporté plus de démocratie aux budgets locaux (A), ce qui est démontré par l'analyse des expériences des villes qui ont implanté le budget participatif (B).

A.

Un instrument démocratique au profit des budgets

Documents relatifs