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Chapitre 1 : Contexte et état de l’art

2. En solution

En solution, la nature des transformations de phases est dépendante de la température et de la phase initiale. Mais, d’autres paramètres, entre autres, le pH, la présence d’espèces ioniques particulières comme le chlore et l’aération de la solution ont un rôle majeur.

Les diagrammes potentiel-pH du système Fe-H2O en conditions de pressions-température ont été tracés à diverses reprises en température ambiantes et extrapolés à plus hautes conditions (températures-pressions) [40, 91-95]. Parmi ceux proposés dans la littérature, les diagrammes obtenus par Cook et al. permettent de visualiser que les phases d’hématite et de magnétite sont thermodynamiquement stables dans des conditions de pH basiques et en températures (300°C dans le cadre du diagramme de Pourbaix de la Figure 17).

Figure 17 : Diagramme E-pH, pour le système Fe-H2O à 300°C et une pression de 100 bars, [Fe2+] = 10-6 mol.L-1, obtenu par Cook et

al. [96].

Avec l’augmentation de la température, le domaine de prédominance de la goethite α-FeOOH est contracté jusqu’à disparaître au-delà d’une centaine de degrés. L’hématite devient alors la phase la plus stable. Le domaine de la magnétite est progressivement élargi et un déplacement est observé vers les potentiels négatifs est les pH moins basiques [40, 96]. Concernant les espèces en solution, Chivot montre que les complexes de faibles charges électrostatiques sont favorisés avec l’augmentation de la température alors que les ions Fe2+ et Fe3+ voient leurs domaines diminuer [40].

Les processus chimiques de transformation décrits ci-après sont obtenus dans des milieux différents mais présentent tous des gammes de températures correspondantes au traitement sucritique. Lorsque la pression n’est pas précisée, les systèmes ont été soumis à une pression atmosphérique (pour T < 100°C) ou de vapeur saturante à la température de travail choisie.

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Tout d’abord, en plus des variations de la température, des modifications du pH ont un effet sur la précipitation des phases de magnétite et d’hématite. Li et al. rapportent qu’en présence d’hydrazine et à une température de 150°C, un pH alcalin (11-13) favorise la formation de magnétite Fe3O4 [97]. A ces valeurs de pH, les auteurs proposent un mécanisme de précipitation mettant en jeu les espèces Fe(OH)2 et Fe(OH)3 comme intermédiaires réactionnels. En revanche, un pH acide (3 à 5) permet de précipiter l’hématite, α- Fe2O3, par l’intermédiaire d’une phase de goethite α-FeOOH selon Li et al. Enfin, à des pH neutres (6 à 9), un mélange hématite – magnétite est obtenu [97]. A plus basse température Cornell et al. montrent qu’en milieu KOH (1 M) et à 70°C, l’akaganeite se transforme en un mélange de goethite et hématite. Pour des concentrations inférieures à 0,1M, un mélange de phases goethite-hématite est obtenu [98].

Il est montré au paragraphe précédent que la concentration de la solution est un paramètre clé de la maitrise des transformations de phases. Certains auteurs ont, en ce sens, également confrontés différents types de solution : NaOH, KOH et LiOH [99]. Comme présentées plus en amont, ces solutions sont également utilisées dans le cadre de la stabilisation d’objets archéologiques en bains chimiques et en conditions ambiantes. Ishikawa et al. comparent la solubilité de l’hématite pour des concentrations en NaOH, KOH et LiOH comprises entre 1 et 10M et pour des températures allant jusqu’à 76°C. L’augmentation de ces deux paramètres (concentration et température) contribue à favoriser la dissolution de la phase, tout particulièrement en milieu NaOH [99]. L’activité de l’eau diminue inversement avec la concentration en espèces ioniques, son pouvoir solvant est alors réduit et la dissolution de phase est ainsi ralentie. Les auteurs traitent du cas de l’hématite mais, ces observations peuvent être comparables pour d’autres composés comme les phases d’oxyhydroxydes de fer III [99].

Les processus de transformation en conditions hydrothermales semblent favoriser la formation des phases de goethite, hématite et magnétite. En solution alcaline, Sugimoto et al. procèdent au vieillissement de la phase d’akaganéite (β-FeOOH) dans une solution alcaline (NaOH) pendant 8 jours à 70°C. Progressivement, la phase d’akaganéite se dissout au profit de la précipitation d’hématite [100]. Pour une solution fortement alcaline, la phase formée est préférentiellement l’hématite par rapport à la goethite. Les auteurs montrent en revanche qu’une fois formée, la goethite n’est pas dissoute et qu’elle ne peut pas être un intermédiaire réactionnel de la transformation de l’akaganéite en hématite en conditions hydrothermales [100].

Afin de mettre en évidence la présence d’intermédiaires réactionnels spécifiques, certains auteurs ont étudiés la formation in-situ de la phase d’hématite par diffraction des rayons X sous rayonnement synchrotron, en température et à partir de différents précurseurs. Murray et al. soumettent une phase de goethite à des températures entre 200 et 250°C (42 bars de pression) dans une solution de NaOH concentrée à 3,77 M. Ils supposent alors que la transformation est réalisée en deux étapes : la dissolution de goethite puis la précipitation d’hématite par l’intermédiaire de composés de type Fe(OH)n en milieu basique [101]. Les cinétiques de transformation sont directement augmentées avec la température, la présence d’hématite

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dans le milieu réactionnel initial et pour une faible valeur de surface spécifique de la phase précurseur [101]. D’autres recherches, basées sur l’étude de la transformation de la schwertmannite (Fe8O8(OH)6SO4) in-situ en conditions hydrothermales ont montré la formation progressive de goethite puis d’hématite selon la température [102]. L’intérêt majeur de cette phase dans notre contexte, est sa similarité de structure avec l’akaganéite [103]. Du fait de sa structure cristalline en feuillets mais aussi de ses bonnes propriétés d’adsorption, cette phase peut présenter des teneurs variables en sulfate (autour de 14,7%(m)) et en eau comme dans le cas de l’akaganéite et du chore [47, 102]. Divers échantillons de Schwertmannite synthétiques ont été placés en solution NaOH (1M) et chauffés à des températures comprises entre 60 et 240°C. Jusqu’à 80°C, le produit de transformation est la goethite α-FeOOH. Entre 80 et 150°C, un pourcentage d’hématite est également formé par la transformation de la schwermannite, la phase de goethite étant majoritaire jusqu’à 110°C. Ensuite, un autre phénomène est observé. A partir de 180°C, la phase de goethite formée par la transformation de la schwermannite se dissous progressivement au profit de la précipitation d’hématite ; la température ayant pour effet d’accélérer les cinétiques de transformation [102]. La goethite, initialement produit de transformation de la schwermannite en solution alcaline, devient intermédiaire réactionnel avec l’augmentation de température.

Par ailleurs, en milieu acide et sous une pression de 3,1 bars en dioxygène, Lu et al. étudient la précipitation d’hématite en milieu chloruré et à différentes températures à partir d’une solution de FeCl2. Ils abordent plusieurs points d’intérêt liés à l’augmentation de la température, notamment les vitesses de transformation, la nature des phases formées ainsi que la présence de chlore en solution. D’un point de vue thermodynamique, la phase d’hématite est plus stable que l’akaganéite, mais les cinétiques de formation de cette dernière sont supérieures pour des températures inférieures à 120°C [104]. Pour de faibles températures, l’akaganéite est le composé majoritaire. Ensuite, à 140°C, un mélange peut être obtenu. L’akaganéite précipite avec une teneur en chlore d’environ 2,8%(m) et un faible pourcentage d’hématite est détecté. En revanche, à partir de 155°C, l’hématite précipite seule. La compétitivité entre stabilité thermodynamique et cinétiques de transformation est également montrée par de Blanco et al. [105] ou encore Goni – Elizade et al. [106]. Ces derniers réalisent l’hydrolyse de FeCl3 à pH < 3 et à 100°C. A cette température, la phase précipitée est l’akaganéite. En laissant la solution dans ces conditions fixées de 30 à 120 minutes, les auteurs montrent qu’à partir de 90 minutes, l’akaganéite formée se dissous et l’hématite devient la phase précipitée majoritaire au cours du processus [106].

Dans un autre contexte de recherche et en solution de KCl à 300°C et pour une pression de 500 bars, d’après Testemale et al. la formation de complexes de type FeCl42- en solution acide peut avoir le même effet sur la solubilité de phases qu’une diminution de la température en diminuant l’activité ionique de l’eau [107]. La présence d’ions en solution ou d’éléments complémentaires permet ainsi de maitriser la précipitation de phases en inhibant ou en favorisant les processus de dissolution et de nucléation. Par exemples, certains

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auteurs ont étudiés à pH alcalin (7,7- 13) l’effet de la présence de manganèse (Mn2+) sur la précipitation d’oxydes de fer à partir de la dissolution d’akaganéite [98]. Il est montré que la présence de manganèse a pour effet d’inhiber la précipitation d’hématite en favorisant celle de la goethite notamment. D’autres utilisent l’anatase, un oxyde de titane TiO2 pour inhiber la transformation de goethite en hématite normalement observée en solution au-delà de 200°C [101].

Dans le cas de la déchloruration des objets archéologiques ferreux, la présence de chlore suite à la dissolution de phases réactives, mais également d’autres éléments issus du milieu extérieur (Si, Ca…) peut alors avoir un effet défavorable sur les solubilités de phases et les processus de transformations souhaités. Enfin, les tailles de particules obtenues à l’issue de transformations de phases en conditions hydrothermales sont gouvernées par la température mais aussi la présence d’éléments pouvant inhiber la croissance dans certaines directions cristallographiques. L’augmentation de la température favorise la nucléation aux dépends des processus de croissance [64, 108]. Sugimoto et al. comparent les tailles d’hématite formées à 40°C et 90°C à partir de la phase d’akaganéite. Si la transformation a été plus rapide à 90°C, les particules formées à 40°C sont de tailles beaucoup plus importantes [100]. D’autre part, en conditions hydrothermales, Lu et al. montrent que pour un même nombre de particules, celles formées à plus basse température (140°C) sont plus grandes que celles précipitées à 155°C [104]. Mais, son effet est en compétition avec ceux des autres paramètres du traitement.

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