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Chapitre 1 : Introduction

1.3 Soins et traitements de la DMD

1.3.1. Diagnostique

Les premiers symptômes de la maladie sont visibles vers l’âge de 3 ans. Une prise de sang pour l’analyse du taux de créatine kinase sérique permettra de déterminer l’importance des bris

1.3.2. Traitements et thérapies

Il n’existe à ce jour aucun traitement curatif pour la DMD. Cependant, des traitements ou soins permettant de ralentir ou d’atténuer certains symptômes de la maladie sont disponibles, telles la physiothérapie, l'utilisation d'orthèses et la chirurgie pour réparer les scolioses dues à l'affaiblissement des muscles dorsaux. Rendu aux stades tardifs de la maladie, il est nécessaire d'avoir recours à la ventilation artificielle. Toutefois, plusieurs stratégies thérapeutiques sont envisageables et peuvent être classifiées comme suit : pharmacologique, génique et cellulaire [18].

1.3.2.1. Traitements pharmacologiques

Les traitements pharmacologiques de base ont généralement pour but de diminuer l’inflammation ou d’augmenter la prolifération des cellules musculaires. C’est le cas des corticostéroides, comme la Prednisone et le Déflazacort, qui peuvent ralentir la perte de fonction musculaire de 6 à 24 mois [35]. Une avenue thérapeutique possible consiste à surexprimer l’utrophine, un gène orthologue à la dystrophine, pouvant compenser fonctionnellement le manque de cette dernière. Chez une personne normale, l’utrophine est située aux jonctions neuromusculaires et myotendineuses. Par contre, chez le patient dystrophique et lors du développement embryonnaire, elle se localise au sarcolemme. Il a été démontré par Tinsley et al. qu’une version tronquée de l’utrophine pouvait réduire le phénotype DMD tout en restaurant la localisation d’une partie du DGC [36]. Toutefois, Li et al. ont établi que même la version pleine longueur de l’utrophine ne permet pas de recruter nNos au sarcolemme des fibres musculaires [37]. Ces études indiquent que la surexpression d'utrophine chez les patients DMD pourrait améliorer le phénotype de la maladie, mais ceux-ci souffriraient toujours d'une myopathie, puisque l’absence de nNos au sacrolemme cause un stress ischémique, comme mentionné précédemment [26, 37]. Une petite molécule qui s’annonçait prometteuse, la BMN195, aurait dû pouvoir augmenter le niveau d’utrophine, comme démontré dans les essais pré-cliniques. Cependant, les essais cliniques de phase I n’ont pas montré d’élévation de l’utrophine [38]. De son côté, la SMT C1100 aurait augmenté de deux fois le taux d’utrophine chez des patients DMD et une étude clinique de phase II est en cours.

Il existe aussi des approches visant à restaurer l’expression de la dystrophine. C’est le cas des molécules permettant d’ignorer un codon stop prématuré, telles la gentamicine et l’ataluren. La

gentamicine a obtenu des résultats variables lors des essais cliniques, allant de 0 à 15 % d’expression de dystrophine chez les patients. Aurino et al. ont démontré que l’ataluren, anciennement connu sous le nom de PTC124, avait des effets similaires à la gentamicine, sans les conséquences adverses. Lors de l’essai clinique de phase IIa, 61 % des patients ont démontré une augmentation d’expression de dystrophine [39, 40]. Cette molécule est présentement en essai clinique de phase III.

L'analyse des gènes de patients atteints de la dystrophie musculaire de Becker ont permis de conclure qu'une version tronquée de la protéine pouvait lui conférer une certaine fonctionnalité [41]. La technique du saut d'exon est basée sur cette connaissance. En effet, des oligonucléotides antisens (ONA) sont synthétisés de façon à être chimiquement protégés contre la dégradation enzymatique et être complémentaires à une séquence particulière. Ainsi, l'ONA se lie sur la séquence cible de l'ARN pré-messager, empêchant l'épissage d'un ou plusieurs exons. La protéine produite est tronquée, mais fonctionnelle. Les premiers essais cliniques faits avec deux types d’ONA, le 2′-O-méthyl-phosphorothioate (2′OMe) et le morpholino phosphorodiamidate oligonucléotide (PMO), ont donné des résultats variables, allant jusqu’à 55 % de fibres positives pour la dystrophine chez un patient [42]. L’essai clinique de phase III utilisant la technique du saut d'exon vient d'être arrêté subitement. En effet, l'étude clinique du Drisapersen faite par GlaxoSmithKline et Prosensa s'annonçait prometteuse, mais l'analyse des tests de marche de 6 minutes faite après 48 semaines de traitement ne démontre aucune amélioration significative entre les patients traités avec l'ONA et ceux ayant reçu le placebo [43].

D’autres méthodes sont basées sur la correction du gène ou de son expression, soit par l’utilisation de méganucléases, de zinc finger nucléases ou de systèmes de transposons [35]. Le principe est que le cadre de lecture peut être réparé en induisant des micro-délétions ou micro-insertions dans le gène de la dystrophine. Chapdelaine et al. ont démontré que les méganucléases pouvaient cibler une séquence spécifique, induire une micro-délétion et restaurer le cadre de lecture du gène in vitro et in vivo [44].

comme le saut d’exon, pourrait être bénéfique dans le cas d’une thérapie de la DMD. Des essais cliniques sont en cours [45].

1.3.2.2. Thérapie génique

La thérapie génique consiste à introduire une copie fonctionnelle du gène de la dystrophine dans les fibres musculaires du patient. La très grande taille de la dystrophine est un facteur limitant lors du développement de thérapies. Le groupe de Chamberlain a donc créé des versions tronquées, mais toujours fonctionnelles, de la dystrophine afin de diminuer la taille de la séquence codante. Il a été démontré que ces versions, malgré des délétions de plus de 50 % de la séquence codante, possédaient toujours une fonctionnalité ressemblant à celle de la dystrophine pleine longueur [46]. En effet, les micro- et mini-dystrophines créées se localisent au sarcolemme et permettent l’échafaudage du DGC, à l’exception de nNOs. En effet, pour un échafaudage adéquat de nNos, les exons 42 à 45 de la dystrophine, codant pour les domaines homologues à la spectrine 16 et 17, sont requis [47]. Les versions tronquées ont l’avantage d’être plus faciles à insérer dans les cellules de par leur plus petite taille (Figure 9).

Figure 9. Versions de la dystrophine.

L’ADNc de la dystrophine pleine longueur fait près de 11 kb. La mini-dystrophine a subi une délétion allant de la deuxième charnière à la répétition de type spectrine 18 (ΔC2-R18) et a une taille d'environ 6 kb. La micro-dystrophine a une délétion allant de la deuxième charnière à la répétition de type spectrine 21 (ΔC2-R21), et le c-terminal est manquant.

La complication de la thérapie génique réside en la livraison difficile du gène d’intérêt, puisque les tissus musculaires sont les plus abondants du corps humain et composés de fibres qui ne se divisent pas, elles-mêmes entourées d'épaisses couches de tissus conjonctifs. Les principaux vecteurs utilisés sont les plasmides et les vecteurs viraux [48]. Les plasmides peuvent être injectés directement, administrés par pression hydrodynamique ou par électroporation. Toutefois, puisqu'une longue expression du transgène est désirée, il est préférable d'avoir recours à une méthode résultant en l'intégration du transgène dans le génome du patient. Pour ces raisons, les vecteurs viraux non intégratifs, comme les vecteurs adénoviraux ou dérivés de virus adéno-associés (VAA) sont à écarter. Les vecteurs lentiviraux sont ceux de prédilections, dû à leur capacité de transduire des cellules en division ou non, d'intégrer le génome de l’hôte ainsi que par la longue expression du transgène. De plus, il leur est possible de contenir les micro- et mini-dystrophines.

Le transfert de gènes utilisant les vecteurs viraux a causé un grand enthousiasme au début des années 1990, mais a connu plusieurs embardées depuis. En effet, quelques patients participants à des essais cliniques ont connu des fins tragiques suite aux traitements à l'aide de ces vecteurs. C'est le cas notamment de Jesse Gelsinger, en 1999, décédé 98 heures après avoir reçu une injection d'un vecteur adénoviral de type 5 qui a engendré une sévère réponse immunitaire [49, 50]. En 2002, un essai clinique utilisait un vecteur rétroviral afin de traiter le déficit immunitaire combiné sévère lié à l’X. Malgré que cela était considéré très peu probable chez l’humain, une mutagenèse d’insertion s’est produite, résultant en un patient souffrant de leucémie lymphocytaire aiguë, ce qui lui a été fatal [51]. En 2007, un autre patient, cette fois traité pour l'arthrite, est décédé suite au traitement à l'aide d’un VAA [52]. Ces décès démontrent les limitations des études faites chez l'animal afin de prédire les réactions humaines, la toxicité potentielle des vecteurs viraux non-réplicatifs, ainsi que la variabilité de la réponse d'un patient à l'autre.

Un certain succès pour le traitement de la DMD dans les modèles animaux à l’aide de vecteurs viraux a été obtenu. Toutefois, les équipes de recherche se sont heurtées à divers problèmes, comme la toxicité, le rejet immunitaire ou la courte durée d’expression du transgène. Un essai

1.3.2.3. Thérapie cellulaire

De son côté, la thérapie cellulaire consiste à greffer des cellules exprimant une dystrophine fonctionnelle, dans les muscles des patients dystrophiques. Ces cellules peuvent provenir d’un donneur sain (greffe allogénique) ou de cellules souches ou progénitrices, venant du patient lui- même (greffe autologue), corrigées préalablement ex vivo. La Figure 10 démontre le principe de la thérapie cellulaire, où les cellules saines ou corrigées génétiquement sont micro-injectées de façon intramusculaire afin de fusionner avec les cellules de l’hôte, et ainsi former des fibres hybrides. Le noyau de la cellule normale permet l’expression de la dystrophine sur quelques centaines de microns de la fibre hybride [54, 55].

Figure 10. Étapes d'une greffe de myoblastes allogéniques.

(1) Une biopsie de tissus musculaire d'un donneur sain est effectuée pour obtenir des fibres musculaires (2) qui seront digérées de façon enzymatique (3). Ces cellules, une fois mises en culture

Des essais cliniques utilisant la greffe de myoblastes ont été réalisés et ont eu des résultats variables. Les premiers essais cliniques utilisant cette méthode comportaient l'utilisation de la cyclosporine A comme traitement immunosuppresseur. Toutefois, il a été démontré que la dose utilisée était trop faible pour empêcher une réaction immunitaire [57]. Il a aussi été démontré par Huard et al. que des myoblastes allogéniques greffés à une souris immunosupprimée seulement avec la cyclosporine A ou un sérum anti-lymphocyte causaient une réaction immunitaire résultant en un rejet de la greffe [58]. Depuis, le tacrolimus est devenu le traitement de prédilection et les résultats de greffe se sont améliorés. Notre laboratoire a d’ailleurs réussi un essai clinique de Phase I chez neuf patients au cours duquel une greffe de myoblastes provenant d'un donneur sain immunocompatible a été effectuée. Jusqu'à 26 % des fibres musculaires de la zone traitée exprimaient la dystrophine [59].

Il existe toutefois plusieurs facteurs limitant la thérapie cellulaire, comme la mort rapide des cellules greffées, le faible taux de migration à travers le muscle de l‘hôte et le rejet immunitaire [35]. Notre laboratoire travaille activement à améliorer ces différents aspects. Suite à leur transplantation, les myoblastes ne migrent que vers les fibres musculaires qui sont en régénération, parce qu’ils sont attirés par des facteurs chémo-attractants. Ainsi, les myoblastes transplantés auront tendance à fusionner près des sites d'injection avec les fibres qui ont été endommagées par l’injection. Certains critères ont d’ailleurs été établis afin d'augmenter le succès des greffes, soit des injections à haute densité de cellules, bien distribuées dans tout le muscle, avec des trajectoires d'injection près les unes des autres, de façon homogène sur la longueur de chaque trajectoire [60]. De plus, des études démontrent que la co-injection de facteurs de croissance, comme l'IGF et le bFGF, peut favoriser la migration des myoblastes [61]. Il a été montré que près du tiers des myoblastes mourraient moins de 24 heures suivant la greffe. Les mécanismes exacts de ce processus sont inconnus, mais une réaction inflammatoire pourrait y jouer un rôle [62]. De plus, les myoblastes provenant d'un donneur sain expriment des antigènes qui causeront une réaction immunitaire chez le patient. Sans traitement immunosuppresseur, la greffe sera rejetée [56].

Mendell et al. ont démontré, lors d’une étude clinique, que des patients dystrophiques traités à l’aide d’un VAA codant pour une mini-dystrophine pouvaient développer des anticorps contre un épitope de la mini-dystrophine. De plus, ils ont découvert que certains patients dystrophiques possédaient déjà des anticorps contre la dystrophine, et ce, même avant traitement visant à rétablir son expression.

Des lymphocytes T auto-réactifs spécifiques à la dystrophine ont aussi été observés chez un patient dystrophique ayant été traité à la gentamycine pour augmenter la lecture des codons stops prématurés (résultats non-publiés) [63]. Ces résultats mettent l’emphase sur la nécessité de prendre en compte la potentielle réaction immunitaire du patient contre la dystrophine, et ce, peu importe la manière dont elle est réintégrée chez le patient [64].

Il n'en demeure pas moins que le principal obstacle à ce type de thérapie est la quantité considérable de cellules requises pour traiter un muscle complet. Ainsi, le traitement de tous les muscles squelettiques d'un patient n'est pas envisageable à ce moment.

1.4. Modèles animaux

Quelques modèles animaux sont disponibles pour expérimentation : murin, canin, et félin. Chaque modèle présente des avantages et des inconvénients. Les modèles les plus couramment utilisés seront vus en détail.

1.4.1. Modèles murins

Il existe quelques modèles murins pour la DMD, notamment la souris mdx, pour X-linked muscular

dystrophy, les mdx2cv, mdx3cv, mdx4cv et mdx5cv, ainsi que la mdx52 [65]. La souris mdx est un

modèle spontané découvert en 1984 et qui possède une mutation non-sens à l’exon 23, résultant en une absence de dystrophine. Il s’agit du modèle animal le plus couramment utilisé. Cette souris a un phénotype ressemblant à celui de la DMD chez l’humain, mais en moins sévère. En effet, on note l’infiltration de neutrophiles et de macrophages, ainsi que des cycles de nécrose et de régénération, amenant éventuellement une dégénérescence musculaire progressive, mais insuffisante pour provoquer le même phénotype que chez l'humain dystrophique. Les capacités contractiles des muscles de ces souris sont altérées, leur force est diminuée et une augmentation plasmatique de la créatine kinase est notable [65].

musculaire mutante est produite (Dp415), mais n’est pas fonctionnelle. Ces lignées présentent aussi des variations de niveau d’expression des isoformes musculaire, nerveuse et hépatique [65, 66]. La souche mdx52 a été créée par recombinaison homologue, en désactivant le gène DMD à l’exon 52, causant une absence de dystrophine. Elle présente le même phénotype que la souris mdx régulière, sauf qu’elle n’exprime pas l’isoforme rétinienne (Dp260), ce qui amène quelques anormalités à ce niveau [65].

1.4.2. Modèles canins

Des mutations dans le gène de la DMD ont été identifiées chez le Golden Retriever (GRMD), Rottweiler, le German Short-Hair Pointer, et le Cavalier King Charles Spaniels (CKCS-MD) [65]. La dystrophie musculaire du Golden Retriever a été la plus caractérisée. L’absence de la dystrophine est causée par un codon stop prématuré dû à une mutation ponctuelle au site d’épissage de l’intron 6, ce qui cause le saut de l’exon 7. Le phénotype observé chez le modèle GRMD est semblable à celui de l’humain DMD, présentant une perte de force musculaire progressive ainsi qu’une atteinte cardio-respiratoire. Toutefois, ce modèle n’est pas optimal puisque la mutation se trouve dans un site non fréquemment muté chez l’humain [67].

Le modèle CKCS-MD possède un phénotype dystrophique sévère, comme le GRMD, mais il a une mutation dans un site d’épissage de l’exon 50, résultant en sa délétion. Ceci présente un avantage du point de vue thérapeutique, puisque la majorité des mutations du gène humain de la DMD sont entre les exons 45 à 55. Le CKCS-MD représente donc le modèle idéal pour tester les méthodes thérapeutiques comme le saut d’exon, les zinc finger nucléases et les transposons [68].

1.4.3. Modèle félin

L’HFMD, ou Hypertrophy Feline Muscular Dystrophy, n’exprime pas la dystrophine. Toutefois, son phénotype est particulier : hypertrophie de certains muscles (langue, cou, épaules), salivation excessive, problème de marche causant des sautillements de lapin, cardiomyopathie, hépatosplénomégalie et insuffisance rénale. De larges délétions sont présentes dans le gène de la DMD au niveau des promoteurs musculaire et Purkinje. En raison de la faible similarité des phénotypes entre l’HFMD et l’humain DMD, ce modèle n’est que très rarement utilisé [69].

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