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Les soins prénatals : une des solutions en regard des forts taux de mortalité maternelle et néonatale

Dans cette partie, nous discuterons de la définition et de l‟importance des soins prénatals dans la diminution des mortalités et des morbidités des mères et des nouveau-nés et pour finir nous présenterons la situation actuelle de la couverture des soins prénatals et de la politique d‟exemption adoptée dans le cadre des services de soins prénatals au Burkina Faso.

1.2.1 Les soins prénatals: définition et importance

Les soins prénatals sont indispensables pour lutter contre la mortalité maternelle et néonatale en ASS et particulièrement au Burkina Faso. Ils se situent parmi les quatre piliers du programme de l‟OMS «Pour une maternité sans risque», les trois autres mesures sont la planification familiale, l‟accouchement dans de très bonnes conditions d‟hygiène et de sécurité et les soins obstétricaux d‟urgence (Bergsjø, 2001; OMS, 2006b). Les soins prénatals se définissent comme étant les interventions que la femme enceinte reçoit d‟un professionnel de la santé (Banta, 2003). Ils sont apparus au début du XXe siècle en Europe et étaient destinés aux femmes démunies (Mathole, Lindmark, Majoko, & Ahlberg, 2004). Avec la professionnalisation des soins obstétricaux et l‟amélioration de la santé maternelle et périnatale, ils sont devenus un pivot dans la prévention des complications liées à la grossesse et à l'accouchement (Mathole et al., 2004). En effet, ils permettent de promouvoir des comportements sains et des compétences parentales chez la femme, en plus de prévenir et traiter les complications obstétriques (Lawn & Kerber, 2006). Plusieurs études ont démontré que les soins prénatals constituent un soutien social et psychologique pour les femmes enceintes (Banta, 2003). Ils contribueraient à réduire la fréquence de la morbidité physique et la mortalité des mères et des nouveau-nés (Banta, 2003; Kisuule et al., 2013; Lawn & Kerber, 2006; UNICEF, 2008). Les soins offerts durant la grossesse sont le créneau pour maximiser le continuum des soins et ils sont la porte d'entrée au système de santé pour bon nombre de femmes africaines. Ils donnent l‟occasion de promouvoir les avantages de l‟accouchement assisté par un professionnel de la santé (B. Nikiema,

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Beninguisse, & Haggerty, 2009) et d‟encourager les femmes à recourir aux soins postnatals.

À la suite d'un long débat amorcé au début des années 1980 sur le rapport coût-efficacité des interventions données aux femmes durant la grossesse (Banta, 2003; Bergsjø, 2001; Lerberghe & Brouwere, 2001), l‟OMS a développé un modèle simplifié de soins prénatals focalisés qui a pour objectif d‟être efficace et à moindre coût (Banta, 2003). Ce modèle regroupe un ensemble d‟au moins quatre consultations prénatales (CPN) avec une liste détaillée de toutes les interventions importantes et fondées sur des preuves (Annexe A) (Lawn & Kerber, 2006). La première CPN doit se faire durant les trois premiers mois de la grossesse avant la 14e semaine de gestation et la dernière CPN proche de la date prévue de l‟accouchement (Kisuule et al., 2013; Lawn & Kerber, 2006). La première CPN permet de confirmer la grossesse avec la femme et d‟évaluer le niveau de risque de la grossesse. Les trois autres suivis sont des rencontres de diagnostic, de dépistage de maladie existante, de prévention des complications et de promotion de la santé pour la future mère. Ce modèle est utilisé dans la plupart des pays africains notamment au Burkina Faso.

1.2.2 Une couverture des soins prénatals améliorée, mais insuffisante

Selon l‟EDSBF-MICS IV, au Burkina Faso la couverture des soins prénatals s‟est améliorée durant ces dernières années passant de 59% en 1993 à 95% en 2010. Durant cette dernière année, neuf femmes sur dix ont reçu au moins une CPN de la part d‟un prestataire de soins qualifié. Cette amélioration a touché particulièrement les milieux ruraux où les femmes étaient moins susceptibles d‟utiliser les services de soins prénatals. Les données montrent que 94% des femmes vivant en milieu rural ont reçu des soins prénatals contre 99% de femmes vivant en milieu urbain (INSD & ICF International, 2012). Cependant, cette même enquête a révélé que les premières CPN se font tardivement à partir du sixième et septième mois de grossesse. Environ deux femmes sur cinq ont effectué leur première CPN au premier trimestre de la grossesse et seulement un tiers des femmes ont effectué les quatre CPN recommandées. Cette situation est plus remarquée dans les zones rurales où 31% des femmes ont effectué les quatre CPN recommandées contre 54% à Ouagadougou. La médiane de la première CPN se situe à 4,4 mois en milieu rural contre 3,9 mois en

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milieu urbain et le suivi de la grossesse est moins fort en milieu rural (38%) qu‟en milieu urbain (54%) (INSD & ICF International, 2012; UNICEF, 2012). Concernant le district sanitaire de Koudougou, le taux de CPN y est relativement satisfaisant, la couverture en CPN210 a atteint 81,25% en 2012. Cependant, comme dans l'ensemble du pays les femmes commencent tardivement les soins prénatals, ce qui fait que le taux d‟achèvement en CPN se situe à 35,35%. Ce même constat est noté dans la commune rurale de Kokologho où les taux de CPN demeurent très faibles (54,2%) et elles se font tardivement (Direction régionale de la santé du Burkina Faso, 2012).

Outre la sous-utilisation des soins prénatals par les femmes, la qualité des soins et les informations que les femmes reçoivent lors des visites prénatales demeurent insuffisantes. L‟EDSBF-MICS IV a révélé que seulement 53% des femmes sont informées des signes de complication de leur grossesse durant les CPN. Ce chiffre démontre que la quasi-totalité des femmes n‟a reçu aucun conseil sur les risques de leur grossesse. Par contre, la quasi- totalité des femmes au niveau national (peu de variation entre les zones urbaines et rurales) a affirmé avoir reçu des examens médicaux (e.g. : tension artérielle vérifiée, prélèvement d‟urine) et des suppléments de fer. Le prélèvement sanguin a été l‟acte le moins effectué (58%) surtout en milieu rural et peu de femmes ont également reçu un déparasitage intestinal (24%) (INSD & ICF International, 2012). Ces indications montrent en général une déficience de la qualité des soins offerts lors des CPN.

L‟utilisation non optimale des soins prénatals au Burkina Faso, comporte différentes conséquences. D‟abord, elle limite les différentes actions entreprises pour assurer le bon déroulement de la grossesse et de l‟accouchement et gêne considérablement le continuum des soins de SMNI. De plus, elle contribue au ralentissement du développement sanitaire et humanitaire du pays et limite le recours à l‟accouchement médicalement assisté qui en 2010 se situait à 67% au niveau national et à 39% pour les femmes vivant en milieu rural (UNICEF, 2012). Enfin, l‟utilisation non optimale des soins prénatals entrave la lutte contre le paludisme et le VIH.

10 Il s‟agit du nombre de femmes en grossesse ayant suivi deux CPN au cours d‟une période donnée, rapporté en % au nombre total de grossesses attendues au cours de la période (Direction générale de l'information et des statistiques sanitaires, 2012).

15 1.2.3 La politique d’exemption du paiement des soins préventifs durant la grossesse

au Burkina Faso

Depuis l‟annonce des OMD en 2000, la réduction des taux de mortalité maternelle et infantile est devenue une priorité pour les pays africains. Les États, les organisations internationales et certaines organisations non gouvernementales s‟attèlent à proposer des solutions pouvant améliorer l‟accès aux services de SMNI et par conséquent pouvant diminuer les taux de mortalité maternelle et infantile avant 2015. C‟est dans ce contexte, que les politiques d‟exemption (totale ou catégorielle) du paiement direct des soins ont commencé à voir le jour dans plusieurs pays d‟ASS. Au Burkina Faso, la politique vise essentiellement les femmes enceintes et les nouveau-nés. Concernant les soins prénatals, depuis 2002 l‟État burkinabé avait décidé de rendre gratuits les soins préventifs pour les femmes enceintes de toute nationalité résidant dans le pays (Commission d'enquête parlementaire sur les subventions publiques dans le secteur de la santé, 2012; De Sardan & Ridde, 2012). Cette politique de gratuité «sélective» a été renforcée en 2009 par la prise en charge gratuite du paludisme grave chez les femmes enceintes (De Sardan & Ridde, 2012).

Il a été prévu, concernant la gestion du financement de cette politique d‟exemption, qu'un transfert de fonds soit fait aux districts sanitaires bénéficiaires par la Direction des affaires administratives et financières sur proposition de la Direction de la santé de la famille. Chaque district sanitaire doit acheter les médicaments et consommables nécessaires pour les distribuer dans les formations sanitaires bénéficiaires, dont les Centres médicaux avec antenne chirurgicale (CMA) et les Centres de santé et de promotion sociale (CSPS) (Commission d'enquête parlementaire sur les subventions publiques dans le secteur de la santé, 2012). Le principal résultat attendu de cette politique était l'amélioration de l'accès aux soins prénatals, cependant certaines études montrent que cette politique d'exemption, comme d'autres, manque d'effectivité dans sa mise en œuvre (Commission d'enquête parlementaire sur les subventions publiques dans le secteur de la santé, 2012; De Sardan & Ridde, 2012).

En principe, les soins préventifs durant la grossesse sont gratuits au Burkina Faso. Toutefois, cette notion de gratuité mériterait qu‟on s‟y attarde afin de mieux comprendre les

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actes qu'elle regroupe. La politique de la gratuité des soins prénatals se traduit par le fait qu‟une femme peut se présenter aux services de santé pour recevoir certains soins préventifs gratuitement qui sont : l‟acte de consultation, le carnet de consultation, les comprimés de fer/acide folique, les comprimés de sulfadoxine-pyriméthamine, les consommables de la consultation (gants, bandelette réactive), le dépistage du VIH chez la femme enceinte et la prophylaxie ARV et la prise en charge du paludisme grave de la femme enceinte (Commission d'enquête parlementaire sur les subventions publiques dans le secteur de la santé, 2012). Concernant l'acte de la prise en charge du paludisme grave de la femme enceinte, il n‟existe aucun texte réglementaire pour orienter les professionnels de la santé. De ce fait, les agents de santé distribuent des moustiquaires imprégnés aux femmes enceintes qui viennent au premier trimestre pour leur première CPN (De Sardan & Ridde, 2012). Il est important de souligner que l'exemption des frais liée aux soins prénatals ne couvre pas les soins curatifs. Nous pouvons comprendre dans cette restriction que toute femme qui, en état de grossesse, a une maladie quelconque doit payer pour les médicaments et les soins pour sa santé. Les examens de laboratoire et d‟imagerie ne font, également, pas partie de la subvention des soins prénatals.

Ces restrictions de la politique nous emmènent à nous questionner sur son effectivité et sa pertinence. Le fait que certains actes soient gratuits et que d‟autres ne le soient pas peut-il être source d‟exclusion de certaines femmes? Sachant également que la majorité des femmes au Burkina Faso sont analphabètes, ces restrictions de la politique sont-elles compréhensibles pour ces populations peu instruites? Ces questions nous poussent à nous intéresser davantage aux populations qui sont en non-recours aux soins prénatals. La compréhension de leurs motifs de non-recours pourra nous permettre de jeter un regard critique, entre autres, sur l‟effet de ces politiques publiques sur l‟utilisation des services de santé. Dans le but de mieux comprendre le non-recours aux soins prénatals, nous allons dans les lignes qui suivent présenter l'état des connaissances sur l‟utilisation des services de soins prénatals en ASS et au Burkina Faso.

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Chapitre 2

État des connaissances sur l’accès et l’utilisation