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des soins prénatals

2.2 Les facteurs associés à l’utilisation des soins prénatals en ASS et au Burkina Faso

2.2.4 Les croyances et pratiques culturelles autour de la grossesse

Les croyances culturelles concernant la grossesse et l'accouchement sont d'une grande importance pour comprendre le recours aux soins prénatals dans les pays d'ASS. Dans une région où se chevauchent modernité et tradition, le recours aux soins prénatals est fortement conditionné par les croyances et pratiques relatives à la grossesse et à l‟accouchement.

Dans plusieurs ethnies en ASS, la grossesse est perçue comme un état naturel dans le cycle de la vie et non comme une maladie (Beninguisse et al., 2004; Finlayson & Downe, 2013; Mathole et al., 2004). Cette perception de la grossesse entrave le recours aux services biomédicaux. Certaines femmes qui n‟ont remarqué aucun dysfonctionnement durant leur grossesse ne considèrent pas nécessaire de recourir aux services de santé (Finlayson & Downe, 2013; Kisuule et al., 2013). De plus, dans le contexte africain, la grossesse relève non seulement du naturel, mais aussi du surnaturel. Dans le but de préserver le fœtus contre les attaques surnaturelles, la grossesse doit être gardée secrète durant les premiers mois (Beninguisse et al., 2004; Mathole et al., 2004). Cet aspect culturel de la grossesse est fortifié par les croyances liées à la sorcellerie et par le fait que la grossesse est incertaine étant donné que la femme se base généralement sur des présomptions pour détecter son état (Beninguisse & De Brouwere, 2004; Beninguisse et al., 2004). Par conséquent, dans certaines études effectuées au Cameroun et au Burkina Faso, les femmes perçoivent les services de santé comme étant «indiscrets» à cause de leur caractère collectif. Ainsi, elles préfèrent recourir à la médecine traditionnelle où elles ont plus d'intimité et où elles peuvent avoir également la prise en charge des rituels de protection et de purification (Beninguisse et al., 2004). Le souci de garder secrète la grossesse est un obstacle au recours aux soins prénatals durant les trois premiers mois de grossesse comme recommandé.

Par ailleurs, certaines caractéristiques du système de santé, dont la présence des hommes dans les services de SMNI, en outre de leur caractère collectif, ne sont pas bien perçues par les femmes (Beninguisse & De Brouwere, 2004; Beninguisse et al., 2004). En effet, la grossesse et l‟accouchement sont considérés comme étant des événements privés qui relèvent exclusivement du domaine féminin. La présence de professionnels de la santé

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masculins dans les services de santé reproductive gênerait l'accès aux soins prénatals (Beninguisse et al., 2004).

Dans certains groupes culturels, il a été observé que la femme enceinte doit respecter une panoplie d'interdits et de prescriptions alimentaires et comportementaux. Ces interdits qui ont des significations symboliques ont pour but de garantir une issue favorable à la grossesse et au devenir de l'enfant (Beninguisse et al., 2004). Même si ces pratiques culturelles ont un sens négatif pour la médecine occidentale, elles donnent aux femmes une satisfaction sociale et psychologique. Peu d'études (Beninguisse & De Brouwere, 2004; Beninguisse et al., 2004) répertoriées dans la recension des écrits portent sur ces interdits alimentaires et comportementaux en ASS qui pourraient influencer le choix des femmes à recourir ou ne pas recourir aux soins prénatals. Sur cette lancée, d‟autres études ont montré que dans certaines sociétés hiérarchiques la décision de recourir aux services de soins prénatals requiert l‟autorisation des sages de la tribu, du mari, de la belle-mère ou de l‟ainé de la famille (Finlayson & Downe, 2013). Par conséquent, les femmes n'ont pas toujours le pouvoir de décider pour elles-mêmes concernant leurs soins durant la grossesse.

Certaines préférences et attentes des usagères mettent en évidence, au-delà des croyances et pratiques culturelles entourant la grossesse, les représentations sociales des identités sexuelles qui sont à la base des inégalités sociales de santé. Par le fait même, il est impératif de comprendre le rôle des inégalités de genre dans l'explication de l'utilisation et de l'accès aux services de santé par les femmes en ASS. À ce propos, Namasivayam et al. (2012) ont enquêté sur l'association entre l'accès aux services de santé reproductive par les femmes et les inégalités de genre à trois niveaux dont individuel, relationnel et social en ASS et en Asie du Sud. Leur étude a révélé que les inégalités de genre liées à la polygamie, la violence conjugale, l‟âge au premier mariage (≤19 ans), le fait que la femme soit moins éduquée que son partenaire sont des prédicteurs significatifs de l'accès aux soins de santé reproductive. Selon ces auteurs, les systèmes de valeur de type patriarcal qui sont souvent discriminatoires placent les femmes et les jeunes filles dans des positions inférieures aux hommes et aux garçons. De ce fait, les femmes éprouvent des difficultés à recourir adéquatement aux services de santé et plus particulièrement aux soins prénatals.

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L'utilisation des services de santé reproductive met en évidence les inégalités de genre qui subsistent dans des milieux et des contextes sociaux, culturels et politiques différents.

En résumé, il est essentiel que d'autres études puissent être faites à ce niveau afin de mieux comprendre les pratiques et croyances culturelles qui changent d'un contexte à un autre. Actuellement, il existe peu d'études sur l'aspect culturel entourant la grossesse et l'accouchement en ASS (OMS, 2006b), alors que ces recherches pourraient permettre une meilleure connaissance de certaines barrières parfois imperceptibles, mais qui sont néanmoins des motifs de non-recours aux services de soins prénatals.