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des soins prénatals

2.2 Les facteurs associés à l’utilisation des soins prénatals en ASS et au Burkina Faso

2.2.2 Les caractéristiques individuelles

Dans cette partie, nous traiterons deux aspects des caractéristiques individuelles des usagères des services de santé: les caractéristiques sociodémographiques et les caractéristiques socio-économiques.

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 Les caractéristiques sociodémographiques

Plusieurs études se sont penchées sur les caractéristiques sociodémographiques pour expliquer l'utilisation des services de soins prénatals dans les pays en développement. L‟éducation de la femme et du mari, la parité atteinte, le lieu de résidence, l‟intervalle des naissances, la taille de la famille, l‟âge de la femme à la grossesse, le statut matrimonial, la religion et l‟ethnie sont identifiés dans différentes études comme étant associés à l‟utilisation des soins prénatals (Ali, Osman, Abbaker, & Adam, 2010; De Allegri et al., 2011; Kisuule et al., 2013; Mathole et al., 2004; B. Nikiema et al., 2009; Rwenge & Tchamgoue-Nguemaleu, 2011; Simkhada et al., 2008; Tann et al., 2007).

Selon une revue systématique sur l‟utilisation des soins prénatals dans les pays en développement, l‟éducation de la mère est le facteur le plus consistant pour expliquer l‟utilisation des soins prénatals (Simkhada et al., 2008). Les femmes qui sont scolarisées et celles dont leur mari est scolarisé sont plus susceptibles d‟utiliser les services de soins prénatals (Kisuule et al., 2013; Simkhada et al., 2008). L‟étude de Tann et al. (2007) réalisée dans une zone semi-urbaine en Ouganda montre, en effet, que les femmes qui ont un faible niveau d‟éducation ont plus de difficulté à avoir accès à des soins prénatals, d‟accouchement et postnatals de qualité. Selon certaines études qualitatives réalisées dans les pays en développement, cela s'explique par le fait que les femmes éduquées comprennent davantage l'importance des CPN (Simkhada et al., 2008). Par ailleurs, il faut souligner que l'éducation interfère souvent avec le revenu, car les femmes et les hommes les moins scolarisés sont souvent les plus démunis (Fournier & Haddad, 1995). De plus, les femmes les plus scolarisées vivent le plus souvent dans les milieux urbains. Ainsi, le lien entre le niveau d‟éducation et le recours aux soins permet de s'interroger sur les difficultés d‟accès aux services de santé par les femmes peu scolarisées en ASS.

L‟âge de la femme à la grossesse est aussi un déterminant de l‟utilisation des services de soins prénatals, mais il est généralement confondu avec d‟autres caractéristiques individuelles (Magadi, Agwanda, & Obare, 2007), dont l‟effet de la parité (Simkhada et al., 2008). En effet, les femmes qui ont beaucoup d'enfants ont tendance à ne pas recourir aux services de santé durant la grossesse parce qu'elles se perçoivent plus expérimentées et plus

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confiantes que celles qui sont à leur première grossesse (Ali et al., 2010; Mathole et al., 2004). Quoi qu‟il en soit, selon l'étude de Magadi et al. (2007) qui s'est basée sur les Enquêtes démographiques et de Santé (EDS) de 21 pays de l'ASS, les adolescentes et les femmes âgées de moins de 20 ans ont plus de risques que les femmes les plus âgées de faire leur première CPN tardivement ou de ne pas compléter les quatre CPN requises. Ce résultat est corroboré par une autre étude faite en Namibie, où il a été trouvé que l‟accès aux soins prénatals était significativement moins probable pour les femmes âgées de 15 à 24 ans que pour les femmes âgées de 35 ans et plus (Namasivayam, Osuorah, Syed, & Antai, 2012). Les adolescentes vivant en milieu rural et celles en état de grossesse sans être mariées sont plus à risque de ne pas recourir adéquatement aux services de santé. Avec le poids des croyances culturelles et religieuses en ASS selon lesquelles une femme ne peut pas être mère sans être mariée, les mères célibataires vivent l'exclusion, la stigmatisation et elles éprouvent de la gêne à recourir aux services de soins de SMNI (Faye, 2008; Ouattara, Bationo, & Gruénais, 2009). Selon Ouattara et al. (2009), le système de santé reproductive au Burkina Faso serait un lieu de domination masculine où les mères célibataires sont exclues et stigmatisées à travers les discours des professionnels de la santé qui mettent en exergue les normes du mariage et l'importance du mari. De ce fait, les mères célibataires et les adolescentes ne recourent pas ou inadéquatement aux soins prénatals par peur d‟être stigmatisées par les professionnels de la santé ou par les autres femmes de leur communauté.

Concernant la religion et l'ethnie, plusieurs études présentent des divergences sur leur lien avec l‟utilisation des soins prénatals (Simkhada et al., 2008). Certaines études quantitatives (De Allegri et al., 2011; Rwenge & Tchamgoue-Nguemaleu, 2011) ont démontré que l‟utilisation des services de santé maternelle diffère selon l‟appartenance à une religion ou à une ethnie donnée. Cependant, ces études ont suggéré de faire d'autres recherches qualitatives afin de mieux comprendre les mécanismes par lesquels ces deux facteurs influencent la décision des femmes à utiliser les services de santé durant la grossesse. Ainsi, nous estimons que la religion et l‟ethnie relèvent de l‟ordre culturel et social et doivent être perçues à travers les interprétations fondamentales données à la grossesse et à la naissance par les populations.

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Enfin, le lieu d‟habitation est un facteur important pour déterminer l‟accès aux soins. À cet égard, Ridde et al. (2004) ont étudié les inégalités d‟accès aux soins dans différents milieux urbains, semi-urbains et ruraux au Burkina Faso et ils ont trouvé que les personnes qui vivent dans les zones rurales utilisent peu les services de santé. De plus, les populations rurales sont plus pauvres que celles urbaines et l‟offre des services de soins est plus diversifiée en zone urbaine qu‟en zone rurale. Dans une autre étude effectuée au Soudan (Ali et al., 2010), les femmes qui n‟utilisent pas les soins prénatals sont celles qui ont moins d‟éducation et qui vivent dans les zones rurales. Cependant, cette étude n‟a pas trouvé de relation significative entre le lieu de résidence et l‟utilisation inadéquate des soins prénatals.

 Le revenu et l’accès aux services de soins

La relation entre le revenu et l‟utilisation des services de santé a été largement étudiée dans les pays en développement. Plusieurs études ont démontré que le revenu de la famille est un déterminant majeur dans le processus de décision d‟utiliser les soins prénatals. Le coût des soins et les faibles capacités financières des femmes et de leurs familles sont en général désignés comme limitant l‟accès aux services de santé modernes dans les pays en développement (Ridde et al., 2004). Avec l‟implantation des paiements directs dans les services préventifs et curatifs du secteur public en ASS, le coût des soins est devenu source d‟exclusion des gens les plus pauvres et plus particulièrement des femmes des milieux ruraux (Ridde, 2004). Il a été établi qu‟au Burkina Faso après l‟utilisation de la médecine traditionnelle, le manque de ressource financière est la deuxième explication du non- recours aux soins (Banque mondiale, 2003 cité dans Ridde, 2004). En effet, les femmes ont généralement recours à la médecine traditionnelle pour son accessibilité économique, géographique et culturelle (Beninguisse, Nikiéma, Fournier, & Haddad, 2004; Faye, 2008; Mathole et al., 2004). Plusieurs autres études ont révélé que l‟appartenance à un ménage riche influence positivement l‟utilisation des services de santé et des soins prénatals (Ridde et al., 2004).

Cependant, De Allegri et al. (2011) ont montré dans leur étude une relation négative entre le revenu de la famille et l'utilisation des soins prénatals dans le district sanitaire de Nouna

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au Burkina Faso. Selon cette étude, les femmes des ménages les plus aisés seraient moins disposées à utiliser les services de soins prénatals que les femmes des ménages pauvres. L‟explication plausible avancée par ces auteurs est l‟exemption des frais de santé en vigueur dans ce district sanitaire qui aurait encouragé les femmes des ménages pauvres à utiliser beaucoup plus les services de soins prénatals. L'augmentation accrue de la fréquentation des services de soins prénatals, dont les longues heures d'attente qu'elle engendre, pourraient dissuader les femmes des ménages plus aisés à recourir aux CPN. D'autres études soutiennent que l'exemption des frais de santé pour les populations les plus pauvres augmenterait l'utilisation des services de santé dans les pays de l'ASS (Ridde et al., 2010).

De plus, dans ces contextes où la pauvreté touche beaucoup plus les femmes, le mari est souvent le principal pourvoyeur du ménage. Les femmes doivent alors négocier avec leur mari pour payer les coûts directs ou indirects des soins prénatals, mais ces négociations s‟avèrent parfois difficiles (Finlayson & Downe, 2013). Par ailleurs, l‟étude de Fromageot et al. (2005) a pu montrer avec l‟exemple des populations rurales sénoufo que l‟accroissement des ressources financières des femmes ne signifie pas nécessairement une utilisation accrue des services de santé par cette population. En effet, cette étude a révélé que l‟autonomie financière que procure le maraichage aux femmes ne crée pas obligatoirement une autonomie d‟accès, autrement dit elle ne réduit pas les distances spatiales et sociales aux structures de soins. Les femmes investissent alors dans les soins de leurs enfants et prennent en charge certaines dépenses qui étaient de la responsabilité du chef de famille. Leur recours aux soins serait ainsi déterminé selon leur position sociale et aucunement par leur autonomie financière (Faye, 2008).