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ETUDE STATISTIQUE ET ETUDE DE CAS

LA SITUATION « PARC »

L’étude statistique précédente faite sur un grand nombre de PE1 met en évidence leur difficulté à justifier par les propriétés correspondantes une procédure utilisée pour un tracé de médiatrice. Il s’agit dans cette deuxième partie d’éclairer ces informations par un regard différent : celui d’une étude de cas sur quelques étudiants seulement, confrontés à une tâche de résolution de problème mettant à nouveau en jeu des médiatrices, non plus dans une situation « papier-crayon » mais dans l’environnement Cabri Géomètre. L’objectif est de repérer quelles propriétés de la médiatrice sont effectivement mobilisables par ces PE1 pour justifier l’existence d’une médiatrice, en même temps que la nature des preuves proposées dans cet environnement informatique.

Les étudiants ont travaillé pendant 2 ou 3 séances de 1h30 pour découvrir le logiciel Cabri Géomètre avant que la situation « PARC » ne leur soit proposée. L’énoncé proposé est le suivant : « Placer 4 points quelconques P, A, R, C. Tracer les segments [PA], [AR], [RC], [CP], [PR], [AC]. Tracer les médiatrices de [PA] et de [AR]. Elles se coupent en un point I. Tracer les médiatrices de [RC] et de [CP]. Elles se coupent en un point K. Déplacer les points P, A, R et C dans le plan. Que peut-on dire de la droite (IK) ? ». Les figures obtenues ressemblent à la figure ci-dessous.

La figure de la situation PARC sous Cabri.

Figure 4

Analyse a priori : les caractéristiques de la situation La situation choisie répondait à plusieurs contraintes : L’aspect dynamique de Cabri doit être exploité.

Ce n’est évidemment pas la peine de travailler avec Cabri si la situation est identique, voire plus simple, avec un papier et un crayon ! Les étudiants, peu familiers encore de Cabri qu’ils découvraient, n’avaient évidemment pas toujours le réflexe de déplacer les points dans le plan. C’est pourquoi, dans la consigne, on leur demandait de le faire. L’aspect dynamique de Cabri est ici manifeste. Sans lui, la conjecture est très difficile.

Connaissances et compétences mathématiques accessibles, plusieurs démonstrations possibles.

La deuxième contrainte que nous nous sommes fixée est qu’il y ait plusieurs démonstrations et plusieurs « Cabri-validations » possibles, avec des connaissances et compétences mathématiques concernant la médiatrice qui soient effectivement disponibles pour une partie au moins des PE1. L’objectif de cette partie de l’expérimentation est alors d’observer dans quelle mesure la connaissance « la médiatrice est l’ensemble des points équidistants des extrémités du segment », non mobilisée dans les situations précédemment étudiées dans un environnement « papier-crayon », devient mobilisable dans l’environnement « Cabri » pour une tâche de justification. Le problème proposé ici se rapproche ainsi des « problèmes ouverts » au sens défini par l’équipe de l’IREM de Lyon. Dans [Arsac. 1991], le problème ouvert est défini ainsi :

« Nous appelons « problème ouvert », un problème qui possède les caractéristiques suivantes :

L’énoncé est court.

L’énoncé n’induit ni la méthode, ni la solution (pas de questions intermédiaires, ni de questions du type « monter que »). En aucun cas, cette solution ne doit se réduire à l’utilisation ou l’application immédiate des derniers résultats présentés en cours.

Le problème se trouve dans un domaine conceptuel avec lequel les élèves ont assez de familiarité. Ainsi peuvent-ils prendre facilement « possession » de la situation et

L’énoncé n’induit ni la méthode, ni la solution : Cette séquence se situe en amont du cours de géométrie, les différents théorèmes ou définitions utiles n’ont pas été travaillés ensemble. Il ne s’agit en aucun cas d’appliquer ce qui a été vu en cours. Par ailleurs, il y a plusieurs manières de résoudre le problème, par des « Cabri-vérifications » ou par une démonstration mathématique, chacun de ces chemins se déclinant en plusieurs possibilités.

Le problème se trouve dans un domaine conceptuel avec lequel les étudiants ont assez de familiarité : Les connaissances et compétences nécessaires relèvent du collège et sont disponibles, à défaut d’être mobilisables, à une majorité de PE1.

Par ailleurs, il s’agit bien de mettre les étudiants dans une situation d’apprentissage qui leur permette d’« essayer, conjecturer, tester, prouver », l’objectif étant justement d’analyser la nature de leur preuve, « cabri-vérification » ou démonstration mathématique (plus ou moins formelle).

Les PE1 et la médiatrice : étude statistique et étude de cas

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Analysons deux démonstrations possibles et les compétences nécessaires correspondantes. faire fonctionner correctement les propriétés suivantes :

Deux points sur une droite définissent la droite

Les élèves disposent en général de la connaissance suivante :

La médiatrice d’un segment est l’ensemble des points équidistants des extrémités du segment. La difficulté est le passage de cette définition à la mise en œuvre des deux propriétés correspondantes cités ci-dessus. Les étudiants ont des connaissances, mais celles-ci ne sont pas opérationnelles. Elles ne permettent pas d’agir. Nous allons le également les autres en I. I est donc sur la troisième médiatrice, celle de [PR].

Ainsi (IK) est la médiatrice de [PR]

Compétences correspondantes

Mobiliser spontanément ce théorème avec pour seul indice les mots

« médiatrices » et « coupent ».

Faire apparaître des triangles dans cette situation de quadrilatère

Appliquer le théorème

Faire fonctionner le théorème : Deux points distincts définissent une droite et une seule.

Il semblerait que les configurations « classiques » soient bien mémorisées par les étudiants. Ici, ce théorème de géométrie du triangle est mobilisable, alors même qu’il n’a pas été revu en cours.

En même temps, la conjecture ne doit pas être triviale, pour qu’il y ait un véritable enjeu de vérification ou de démonstration. De ce point de vue, l’expérience montre que la conjecture était peut-être trop cachée. Néanmoins, cela a permis un vrai travail dans les groupes.

Les choix de mise en œuvre sous Cabri

L’outil « médiatrice » est supprimé. Ce choix est fait pour

o Obliger les étudiants à mettre en œuvre une procédure de tracé

o Analyser éventuellement par la suite les effets de cette procédure sur les observations, les raisonnements ou les « Cabri vérifications » effectués.

Par ailleurs la question « Quel(s) moyen(s) pouvez-vous mettre en œuvre pour justifier cette réponse ? (répondez ici et mettez en œuvre ces moyens si possible)» est rédigée de telle sorte que l’on ne fasse pas explicitement référence à une démonstration ou à une « Cabri-vérification ». Effectivement, les deux types de productions apparaîtront.

Les productions des PE1.

24 étudiants ont effectué cette activité, avec les résultats suivants : 12 ne repèrent pas la médiatrice

12 repèrent la médiatrice (dont 7 avec aide) et effectuent des vérifications visuelles seulement (2) effectuent des « cabri vérifications » (10)

cherchent une démonstration mais ne trouvent rien (3)

démontrent en utilisant l’intersection des trois médiatrices d’un triangle ( 3)

La figure obtenue est trop chargée : la moitié des étudiants ne repèrent même pas la médiatrice, et pour l’autre moitié, il faudra parfois un « coup de pouce » du type : « vous pouvez mettre des éléments en couleur ». Certains se contentent de vérifications visuelles : « on voit que la droite (IK) est perpendiculaire à [PR] et passe par son milieu ». Presque tous ceux qui ont repéré la médiatrice effectuent des « Cabri-vérifications » : ils placent le milieu de [PR] par exemple et demandent à Cabri si ce point est sur la droite (IK), ou vérifient avec l’outil si (IK) et [PR] sont bien perpendiculaires. Quelques variantes permettent également de vérifier le milieu ou la perpendicularité : placer d’abord l’intersection de (IK) et de [PR] puis vérifier que ce point est à égale distance de P et de R par exemple pour le milieu ou mesurer les angles pour la perpendicularité. Milieu et angle droit sont les vérifications les plus fréquentes.

Quelques essais infructueux sont faits qui utilisent la symétrie orthogonale et un seul étudiant mesure la distance de la droite (IK) aux points P et R. Ces observations renforcent ce qui a été dit précédemment : les PE1 sont relativement « à l’aise » avec la propriété « droite perpendiculaire qui passe par le milieu, mais pas du tout avec l’« ensemble des points équidistants » qui peut également définir la médiatrice.

L’étude des cas de Sophie et de Delphine va permettre de mieux comprendre cette difficulté.

Les PE1 et la médiatrice : étude statistique et étude de cas

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Les cas de Sophie et de Delphine

Après un temps de travail individuel, Christophe et Sophie, seuls dans la séance ce jour-là, rédigent ensemble le texte suivant ( c’est surtout Sophie qui travaille) :

I intersection des médiatrices [AR] et [PR] (il s’agit en fait des médiatrices de [AR] et de [PR])

Donc [IA] = [IP] = [IR] (il s’agit en fait dans leur tête de distances)

[IP] = [IR] donc I milieu de [PR] (est-ce le mot milieu qui traduit mal leur pensée ou y a-t-il vraiment déduction erronée ?)

K intersection des médiatrices [RC] et [CP]

Donc [KC] = [KR] = [KP]

[KR] = [KP] donc K milieu de [PR]

donc (IK) passe par le milieu de [PR] et elle est médiatrice de [PR] car tous les points issus de la médiatrice sont équidistants des extrémités du segment.

Il apparaît ainsi que ces étudiants sont capables d’utiliser la définition de la médiatrice comme ensemble des points équidistants pour conclure à une égalité de distances, mais ne peuvent utiliser l’égalité de distances correctement pour conclure à l’existence d’une médiatrice. Une difficulté bien connue est mise en évidence : la propriété caractéristique qui définit la médiatrice comme ensemble de points équidistants des extrémités du segment est une condition nécessaire et suffisante mais ces deux aspects ne sont pas également pris en compte par l’étudiant, capable de faire fonctionner l’un mais pas l’autre.

Observons les énoncés suivants :

Tout point de la droite (IK) est à égale distance de P et de R Les points I et K sont à égale distance de P et R

Le second semble plus faible que le premier, et pourtant ils sont équivalents, grâce à deux autres théorèmes :

par deux points distincts passe une droite et une seule

l’ensemble des points équidistants de deux points fixés est une droite

L’équivalence des deux énoncés n’est probablement pas évidente pour les étudiants et on comprend alors qu’à partir de la définition « la médiatrice est l’ensemble des points équidistants », les étudiants peuvent conclure à des égalités de distance mais qu’à partir de deux égalités de distance, ils ne peuvent conclure à la présence d’une médiatrice.

La même explication permet d’interpréter le travail de Delphine, qui écrit :

médiatrice de [PR]. Ceux qui l’ont fait (3 seulement) ont pour cela utilisé la deuxième démonstration envisagée lors de l’analyse a priori, qui utilise le théorème de

concourance des trois médiatrices d’un triangle, alors même qu’aucun rappel de cours n’avait été fait sur le sujet et qu’aucun triangle n’apparaissait explicitement dans l’énoncé.

Les étudiants utilisent ainsi plus volontiers ce théorème de concourance des médiatrices d’un triangle plutôt que la propriété caractéristique de la médiatrice comme ensemble de points équidistants. L’analyse précédente détaille les difficultés de la seconde et permet donc d’interpréter en partie ce choix. Par ailleurs, celui-ci met en évidence une certaine familiarité de quelques étudiants avec les théorèmes classiques sur le triangle.

CONCLUSION

Pour conclure d’un autre point de vue cette présentation partielle de notre étude sur le rapport à la géométrie des futurs professeurs des écoles en formation initiale, nous pouvons affirmer que la propriété caractéristique de la médiatrice d’un segment de droite d’être « l’ensemble des points équidistants des extrémités de ce segment » est une connaissance disponible, au moins pour certains PE1, au sens où ces étudiants sont capables de l’énoncer, voire de la réciter comme une règle apprise, mais elle ne produit aucune compétence mobilisable par eux-mêmes : les étudiants disposent là d’un savoir qu’ils ne peuvent utiliser. Cette connaissance est stérile car elle ne débouche sur aucune compétence. Autrement dit, les connaissances de G2 ne sont pas articulées

o d’une part avec des techniques de G1 (résultat du questionnaire)

o d’autre part avec des utilisations possibles (résultat de la situation PARC).

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BIBLIOGRAPHIE

ARSAC Gilbert, GERMAIN Gilles & MANTE Michel (1991) : Problèmes ouverts et situation-problème. Éditions IREM de Lyon.

HOUDEMENT Catherine & KUZNIAK Alain (1998): géométrie et paradigmes géométriques, in Petit x n° 51, pp 5 à 21

LABORDE Colette & CAPPONI Bernard (1995): Modélisation à double sens, in Actes de la 8ème Ecole d'été de Didactique des mathématiques. Editions IREM de Clermont-Ferrand

NICOLAS-LORRAIN Brigitte (2000): Conceptualisation géométrique en formation de PE, in Actes du colloque COPIRELEM de Chamonix, pp.165-178

PARZYSZ Bernard (1989): Représentations planes et enseignement de la géométrie de l'espace au lycée. Contribution à l'étude de la relation voir/savoir. Thèse de doctorat.

Université Paris-7. Ed. IREM Paris-7

PARZYSZ Bernard (2001): Articulation et déduction dans une démarche géométrique en PE1, in Actes du colloque COPIRELEM de Tours (à paraître)

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Communication C2

29ème colloque Inter-IREM des formateurs et professeurs chargés de la formation des maîtres.

pages 73 à 84

PRÉGNANCE

DU CONTRAT INSTITUTIONNEL