• Aucun résultat trouvé

FORMATION DES ENSEIGNANTS EN DIDACTIQUE : QUELQUES

1.4. Les élèves-professeurs

A l’IUFM, un enseignement de didactique est dispensé aux élèves-professeurs.

Compte tenu de l’horaire réduit consacré à cette discipline, les concepts enseignés sont rarement utilisés dans les classes. Le jeune enseignant est confronté à des problèmes plus immédiats : programme à terminer, motivation des élèves, indiscipline, et, parfois

Formation des enseignants en didactique : quelques réflexions

115

même, des problèmes de violence. En plus, dans le Secondaire, l’Inspection n’encourage pas toujours les références didactiques…..

* Notion que j'ai présentée au colloque APMEP de Gérardmer(2000)

Comme on peut le voir, la situation mérite vraiment d’être améliorée. Je suis convaincu que la connaissance de concepts de didactique, et leur utilisation, peuvent aider de nombreux professeurs à enseigner, et surtout à mieux analyser les situations de classe et les réactions des élèves.

2. 2. LA DÉ-TRANSPOSITION DIDACTIQUE

Nous allons voir dans ce paragraphe comment l’utilisation d’un phénomène de didactique peut permettre de mieux comprendre certaines réactions d’élèves. Nous avons choisi le phénomène de dé-transposition, mais ce n’est qu’un exemple. Dans la situation qui sera proposée, le phénomène de contrat didactique interviendra également.

(Brousseau (6) ).

2-1. Notion de transposition scolaire

Pour introduire la notion de dé-transposition, il est utile d’introduire préalablement la notion de transposition scolaire.*

Le Savoir Savant, constitué par les propriétés et les notions découvertes par les chercheurs en mathématiques, n’est pas enseigné, en général, sous sa forme initiale. Il subit une transformation appelée transposition (Yves Chevallard (7) ).

Il me semble utile de préciser une partie de cette transformation. Considérons, par exemple, les programmes de l’Enseignement Primaire et Secondaire. Une fois fixées l’ensemble des connaissances devant figurer aux programmes de toutes ces classes, il convient ensuite de les répartir par niveaux. Ainsi, une même notion pourra être introduite au Primaire, approfondie une première fois au collège, puis de nouveau reprise et précisée dans les classes suivantes…

Ainsi, on conçoit qu’à chaque étape la notion est présentée sous une forme non définitive. Je dirai alors qu’il y a une transposition scolaire entre la notion la plus élaborée du programme (elle-même ayant déjà subi une transposition par rapport au Savoir Savant) et la notion enseignée à un niveau donné.

2-2. Notion de dé-transposition

Une transposition scolaire conduit souvent à une simplification, et parfois à une

« déformation » de la notion présentée. L’élève peut alors conserver des idées imprécises, et parfois incorrectes de la notion. Si, dans la suite de ses études, il rencontre de nouveau cette notion, ces idées peuvent alors constituer un obstacle. Il convient alors de dé-transposer, c.à.d. d’aider l’élève à rectifier ses réflexes, ses représentations.

* appelée également transposition interne (voir (4))

Un exemple

En classe de 6° on peut énoncer la propriété suivante :

« a et b étant deux entiers naturels, si a2 = b2 , alors a = b ».

En classe de 5ème sont introduits les nombres négatifs. La propriété précédente,

« si a2 = b2 , alors a = b », n’est plus vraie dans ce cas.

Mais certains élèves conservent l’ancien réflexe. Il ne suffit pas d’énoncer la nouvelle propriété rigoureusement,

« si a2 = b2 , alors a = b ou a = - b »

pour que l’élève oublie du jour au lendemain ses anciens réflexes. Il faut dé-transposer, c’est à dire aider l’élève à rectifier.

Les exemples de ce type sont très nombreux [voir ANTIBI-BROUSSEAU (3 ) et (4 )]

2-3. Analyse d’une situation

La situation présentée ici a été observée par Roland POUGET, Professeur à l’IUFM de Toulouse, lors d’une visite de PLC2.

Le contexte

L’élève professeur fait un cours sur l’étude du signe du binôme du 1er degré, puis sur l’utilisation d’un tableau de signes pour en déduire le signe d’un produit de deux binômes du 1er degré. Il propose l’exercice suivant :

1) Montrer que –2 x2 + 7 x – 3 = (2 x-1)(3-x) 2) Résoudre dans R : -2 x2 + 7 x-3 < 0

Réaction des élèves

La première question est résolue par la quasi-totalité des élèves, mais, à la grande surprise de l’enseignant, la deuxième question pose problème à la grande majorité d’entre eux.

Des élèves produisent des écriture du type : -2 x2 + 7 x-3 < 0

-2 x2 + 7 x < 3 x(-2 x + 7) < 3

Certains s’arrêtent là, et d’autres continuent par x < 3 ou –2 x + 7 < 3

ou encore : x

<

3 (-2 x + 7)

Formation des enseignants en didactique : quelques réflexions

117

Lorsque l’enseignant essaie de convaincre les élèves d’utiliser le tableau de signes pour répondre à la question, certains interviendront en disant :

« mais Monsieur, on ne faisait pas comme ça l’an dernier ! ».

Une analyse possible de cette situation

Elle d épend, bien sûr, des connaissances préalables des élèves.

Un point commun à tous les élèves de cette classe de seconde : tous ont étudié en 3ème des équations et des inéquations du premier degré. Dans ce contexte, ils ont retenu le « point méthode » suivant :

« On met les x d’un coté, les termes sans x de l’autre ».

Ce « point méthode », utile dans le cas des inéquations du 1er degré, ne l’est plus pour les inéquations du second degré. Il convient donc de dé-transposer lorsque l’on propose à l’élève des inéquations du second degré. Une telle dé-transposition n’avait pas été réalisée ; d’où la maladresse commise par une majorité d’élèves au départ.

Peut-on dire que le phénomène de contrat didactique aurait dû inciter les élèves à utiliser la première question ?

Ici, la réponse est moins simple. En effet, il convient de considérer deux cas : 1er cas : les élèves ont l’habitude des problèmes à questions enchaînées.

Dans ce cas, le phénomène de contrat didactique doit inciter les élèves à utiliser la première question. S’ils ne l’ont pas fait, on peut dire, d’une certaine manière, que le phénomène de dé-transposition « l’a emporté » sur celui de contrat didactique.

2eme cas : Les élèves n’ont pas l’habitude des problèmes à questions enchaînées . Il n’y a alors aucune raison de faire intervenir le phénomène de contrat didactique, comme ci-dessus.

Remarques

Quelques élèves ont écrit « x < 3 ou –2 x + 7 < 3 ».

Ils ont vraisemblablement étendu, par pure analogie, la propriété :

« ab = 0 équivaut à a = 0 ou b = 0 ».

Contrairement à la maladresse analysée ci-dessus, de la première étape, je ne pense pas qu’ici une phase de dé-transposition soit nécessaire pour l’ensemble des élèves.

Les « points méthodes », utiles à un niveau donné, nécessitent souvent une dé-transposition ultérieure. En effet, ils sont précisément destinés à faire acquérir des réflexes, bien enracinés. S’ils ne s’appliquent plus dans des situations plus générales, l’élève est confronté à un obstacle ; on en connaît la cause, et on peut donc plus facilement aider l’élève à surmonter un tel obstacle.

3. LA CONSTANTE MACABRE 3-1. De quoi s’agit-il ?

Lorsque nous élaborons un sujet de contrôle, nous faisons presque toujours en sorte qu’un certain pourcentage d’élèves soit en situation d’échec. Un tel comportement, souvent inconscient, est dicté implicitement par la société. Les enseignants jouent ainsi le rôle de « sélectionneurs malgré eux ». [voir (1) et (2)]

Remarques

. Certains, se référant à la courbe de Gauss, pensent parfois que cette situation est naturelle. Il n’en est rien ; en effet, Gauss n’a nullement dit que la moyenne devait être égale à 10 sur 20 (souvent d’ailleurs, elle est inférieure à 10).

. Certains également pensent que pour faire progresser nos élèves, nous devons leur proposer des exercices présentant quelques difficultés. C’est aussi mon avis, bien sûr, lorsque l’élève est en situation d’apprentissage. Mais il convient de bien différencier la phase d’apprentissage et la phase d’évaluation.

3-2 Une situation

Parmi les étudiants dont j’encadre les recherches en didactique des mathématiques, certains sont eux-mêmes enseignants. Pour tester et analyser des réactions d’élèves, nous élaborons des tests dont l’objectif est de repérer certains comportements. Il ne s’agit nullement dans ce cas de mettre une note, et encore moins de se soumettre à la

« constante macabre ».

J’ai souvent pu constater à quel point les habitudes professionnelles de certains collègues les conduisent à élaborer leurs fiches d’expérimentation comme des textes de contrôle, même si l’objectif n’est certainement pas de mettre une note. Par suite, ils laissent parfois de côté le but de la recherche. Je pourrais faire état de plusieurs anecdotes surprenantes pour illustrer ceci.

En voici une qui me semble vraiment significative.

Le thème de recherche d’un enseignant était la symétrie axiale à l’école primaire.

Sur papier quadrillé, A étant situé à un nœud du quadrillage, on souhaitait analyser les réactions des élèves dans les deux cas suivants.

1er cas

La droite d est l’une des lignes du quadrillage.

2ème cas

La droite d est une « diagonale » du quadrillage.

Mon collègue m’a communiqué les conclusions de son expérimentation : selon lui, les résultats étaient analogues dans les deux cas.

Formation des enseignants en didactique : quelques réflexions

119

Ceci nous a évidemment surpris, car le premier cas nous semblait plus simple. Très intrigué, je consulte les fiches des élèves. Je constate alors que, dans le deuxième cas, le point A est placé à 2 cm environ de la droite d alors que dans le premier cas, il est bien plus éloigné, à une dizaine de centimètres de la droite d. Compte-tenu de cet

éloignement, certains élèves s’étaient vraisemblablement trompés dans le décompte des carreaux !

Je demande à mon collègue pourquoi le point était bien plus éloigné dans ce cas que dans l’autre, il m’a alors répondu :

« Si je l’avais placé à 2 ou 3 carreaux, cela aurait été trop facile ! ».

Une telle attitude peut être expliquée par le phénomène de la « Constante Macabre », présente même en dehors d’une situation scolaire d’évaluation classique.

Un tel comportement peut surprendre ; mais il n’est vraiment pas exceptionnel. Je l’ai observé plusieurs fois. Tout récemment, lors d’une réunion avec six collègues préparant leur mémoire pour le Diplôme d’Université de Didactique, une enseignante a eu un comportement du même type. De plus, dans ce cas, je les avais mis en garde auparavant contre de telles réactions, en présentant précisément l’anecdote ci-dessus…

Remarque : variable didactique

La détermination de variables didactiques peut permettre de prévoir certaines difficultés rencontrées par les élèves. Dans l’exemple ci-dessus concernant la symétrie axiale, la mise en évidence, à priori, de la variable didactique «distance du point à l’axe» n’aurait vraisemblablement pas évité à l’enseignant d’être victime de la

«constante macabre». D’ailleurs, il est clair que, implicitement, l’enseignant avait considéré la distance du point à l’axe comme une variable didactique. En effet, en éloignant le point de l’axe, il avait conscience que ce serait moins «facile».

Il y a cependant un avantage à déterminer les variables didactiques : on peut mieux se rendre compte que, si l’étude concerne la variable «position de l’axe de symétrie», il faut modifier uniquement cette variable quand on change d’énoncé.

4. PHÉNOMÈNES DE DIDACTIQUE : LEUR UTILITÉ