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SINGULARIT´ ES ` A L’INFINI

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Dans ce chapitre, nous pr´esentons les articles [106] et [49] o`u nous poursuivons l’´etude, commenc´ee pendant la th`ese, dessingularit´es `a l’infini d’une applicationf :U →A1C via des techniques motiviques.

A la section 2.1, nous introduisons le cadre topologique usuel des singularit´` es `a l’infini defet en particulier les notions d’ensemble de bifurcation topologique Bftop et d’invariant λa(f) de non-´equisingularit´e `a l’infini.

A la section 2.2, nous rappelons les notions de` cycles proches motiviques `a l’infini Sf,a et d’ensemble de bifurcation motivique Bmotf d´evelopp´ees dans les articles [211, 212, 214] et par Takeuchi et ses co-auteurs [175, 176, 235]. Nous pr´esentons les r´esultats obtenus avec L. Fantini [106] : les cycles proches motiviques

`

a l’infiniSf,a se r´ealisent sur l’invariantλa(f) (Th´eor`eme 2.2.2.0.3) et sif est `a singularit´es isol´ees `a l’infini, l’ensemble de bifurcation motivique contient l’ensemble de bifurcation topologique (Corollaire 2.2.3.0.2).

A la section 2.3, dans la lign´` ee des travaux de Nicaise–Sebag (§1.5.1), nous pr´esentons les cycles proches analytiques `a l’infini Ff,a, dont le volume motivique est li´e `a Sf,a (´equation 2.3.0.0.1.2) et qui induisent un ensemble de bifurcation motivique de Serre BSerref contenu dansBfmot([106], D´efinition-Propri´et´es 2.3.0.0.3).

A la section 2.4, nous traitons le cas des courbes planes consid´` er´e avec P. Cassou-Nogu`es [49] sans hypoth`eses de non-d´eg´enerescence ou de commodit´e, relativement `a des polygones de Newton. Dans ce cadre, si f est `a singularit´es isol´ees, les ensembles de bifurcations topologique et motivique sont ´egaux et calculables via un algorithme (Th´eor`eme 2.4.6.0.1), et nous obtenons des formules de type Kouchnirenko pour la caract´eristique d’Euler de la fibre g´en´erique def (Th´eor`eme 2.4.4.0.3) et l’invariantλa(f) (Th´eor`eme 2.4.5.0.2).

2.1. Le point de vue topologique

2.1.1. Compactification. Soit kun corps de caract´eristique 0.

D´efinition 2.1.1.0.1. SoitU unek-vari´et´e alg´ebrique etf:U →A1kun morphisme dominant. On appelle compactification de f tout triplet (X, i,fˆ), o`uX est unek-vari´et´e alg´ebrique,i:U →X est une immersion ouverte dominante, et ˆf:X→P1kest une application propre, tel que le diagramme suivant soit commutatif :

U i //

f

X

fˆ

A1k j //P1k

o`uj est l’immersion ouverte dominante qui associe `a ale point [1 :a]. On noteX le ferm´eX\i(U) et ∞ le point [0 : 1]. On identifie tout point rationneladeA1kavec le point [1 :a] deP1ket on note 1/fˆl’extension de 1/f `a X\fˆ−1(0) et pour toute valeura, on consid`ere ˆf−al’extension def−a`a X\fˆ−1(∞).

Remarque 2.1.1.0.2 (Existence d’une compactification). En toute g´en´eralit´e le th´eor`eme de Nagata [179, 81, 78] assure l’existence d’une compactification. Dans le cas d’un polynˆomef ∈k[x1, . . . , xd] il suffit par exemple de consid´erer l’adh´erence d’un plongement du graphe def dans Pdk×P1k ou (P1k)d+1.

2.1.2. Fibrations de Milnor globales et ensemble de bifurcation topologique. saut Rappelons le th´eor`eme classique de fibration globale qui d´ecoule des id´ees de Thom [206].

Th´eor`eme-D´efinition 2.1.2.0.1 (Fibration de Milnor et ensemble de bifurcation topologique) Soit f: U → A1C une application r´eguli`ere d´efinie sur une vari´et´e alg´ebrique complexe lisse. Il existe une partie finieB de Ctelle que l’application

f|U\f−1(B):U \f−1(B)−→C\ B soit une fibrationC localement triviale. En particulier :

— Il existe un r´eelr >0 tel que la restriction

f :U \f−1(D(0, r))→C\D(0, r)

soit une fibrationC localement triviale appel´eefibration de Milnor `a l’infini def. Lafibre de Milnor

`

a l’infini de f, not´ee F, est `a diff´eomorphisme pr`es la fibre f−1(a) pour |a|> r. La monodromie `a l’infini, not´ee T, est un endomorphisme quasi-unipotent sur les groupes de cohomologieHck(F,Q), et est induite par l’action du groupe fondamental π1(C\D(0, r)) sur F.

— Pour toute valeura0, il existe un r´eel η tel que la restriction

f :f−1(D(a0, η)\ {a0})→D(a0, η)\ {a0}

soit une fibration C localement triviale, appel´ee fibration de Milnor pour la valeur a0 de f. La fibre de Milnor pour la valeur a0 de f, not´ee Fa0, est `a diff´eomorphisme pr`es la fibre f−1(a) pour tout a appartenant au disque ´epoint´e D(a0, η)\ {a0}. La monodromie pour la valeur a0, not´ee Ta0, est un endomorphisme quasi-unipotent sur les groupes de cohomologieHck(Fa0,Q), et est induite par l’action du groupe fondamentalπ1(D(a0, η)\ {a0}) surFa0.

— Le plus petit ensemble B convenable est appel´eensemble de bifurcation topologique de f not´e Btopf . Remarque 2.1.2.0.2. L’ensemble de bifurcation topologique de f contient le discriminant disc(f) de f, form´e des valeurs critiques de f, mais l’inclusion n’est pas n´ecessairement stricte car f n’est pas n´ecessairement propre. Les valeurs lisses de bifurcation sont li´ees `a des “singularit´es `a l’infini” comme le montre l’exemple suivant.

Exemple 2.1.2.0.3 (Exemple de Broughton). Broughton consid`ere l’application f:A2C → A1C d´efinie par le polynˆome f(x, y) = x(xy −1). L’application induite de C2 dans C est lisse, mais son ensemble de bifurcation est{0}; sa fibre en 0 est l’unique fibre qui ne soit pas connexe, toutes les autres sont diff´eomorphes

`

aC. On peut observer le ph´enom`ene de “singularit´es `a l’infini” def de la mani`ere suivante. On consid`ere la compactification du graphe defdansP2C×P1Cet on observe un d´efaut d’´equisingularit´e de la compactification.

Par exemple, la compactification induite de la fibref−1(a) dansP2Ca plusieurs branches pour la valeura= 0 et une singularit´e de type cusp pour toute valeur a6= 0.

Exemple 2.1.2.0.4 (Polynˆomes `a singularit´es isol´ees `a l’infini). Soitf ∈C[x1,· · · , xd] un polynˆome de degr´e degf ≥2 et de composantes homog`enes (fi). On consid`ere la vari´et´e alg´ebrique

V ={([x0 :· · ·:xd], α)∈PdC×A1C|f˜(x0,· · · , xd) =αxdeg0 f}

2.1. LE POINT DE VUE TOPOLOGIQUE 41

o`u ˜f est le polynˆome homog´en´eis´e def. La vari´et´e V est une compactification partielle du graphe def dans le produitPdC×A1C. En particulier pour toute valeura, l’adh´erencef−1(a) dansPdCs’identifie `aV∩(PdC×{a}).

Le lieu singulier deV estP(Z)×A1C o`u

(2.1.2.0.4.1) Z :fdegf−1 = ∂fdegf

∂x1

=· · ·= ∂fdegf

∂xd

= 0.

On dit que f est `a singularit´es isol´ees `a l’infini siP(Z) est un ensemble fini. Les polynˆomes deC[x, y] ont par exemple des singularit´es isol´ees `a l’infini.

H`a et Lˆe dans le cas des courbes planes, et plus g´en´eralement Parusi´nski dans le cas des polynˆomes `a singularit´es isol´ees `a l’infini ont donn´e une description de l’ensemble de bifurcation topologique :

Th´eor`eme 2.1.2.0.5 (H`a-Lˆe [128], Parusi´nski [198], [199]). Soit f ∈ C[x1,· · ·, xd] un polynˆome `a singularit´es isol´ees `a l’infini. L’ensemble de bifurcation topologique est

(2.1.2.0.5.1) Bftop={a∈C|χc(f−1(a))6=χc(f−1(agen))}

o`u agen est n’importe quel ´el´ement deC\ Bftop.

Exemple 2.1.2.0.6 (Exemple de Broughton ´etendu [6]). Le polynˆome f(x, y, z) =x(xyz−1) a un discriminant vide, sa fibre en 0 est non connexe et ses fibresf−1(a) (poura6= 0) sont toutes hom´eomorphes.

Par cons´equent, l’ensemble de bifurcation Btopf est le singleton {0}. Par ailleurs, toutes les fibres de f ont une caract´eristique d’Euler ´egale `a 1, mais ce polynˆome n’est pas `a singularit´es isol´ees `a l’infini : l’ensemble P(Z) (o`uZ est d´efini `a l’´equation (2.1.2.0.4.1)) est une droite projective.

Si le polynˆome f est `a singularit´es isol´ees dans AdC (ce qui ne signifie pas n´ecessairement qu’il soit `a singularit´es isol´ees `a l’infini), alors Artal Bartolo–Luengo–Melle-Hern´andez [6, Theorem 1.7] ont prouv´e que la caract´eristique d’Euler de chaque fibref−1(a) peut ˆetre calcul´ee en termes de la caract´eristique d’Euler de la fibre g´en´eriquef−1(agen) et de certaines donn´ees num´eriques que l’on va d´ecrire. Des r´esultats similaires ont auparavant ´et´e obtenus dans les articles [93, 197, 231] et dans le cas des courbes [234, 128, 43]. Pour les singularit´es `a l’infini, on pourra se r´ef´erer `a l’ouvrage de synth`ese [240].

Th´eor`eme 2.1.2.0.7. Soit f un polynˆome `a singularit´es isol´ees de C[x1, . . . , xd]. On a les ´egalit´es χc f−1(a)

c f−1(agen)

+ (−1)d µa(f) +λa(f) (2.1.2.0.7.1)

χc f−1(agen)

= 1 + (−1)d−1 µ(f) +λ(f) (2.1.2.0.7.2)

pour touta∈C etagen ∈C\ Btopf , o`u

— µ(f) est le nombre de Milnor global qui rend compte des singularit´es def dans l’espace affineCd µ(f) =X

a∈C

µa(f)

o`u pour toute valeur a, µa(f) est la somme des nombres de Milnor des points singuliers de la fibre f−1(a). Rappelons queµa(f)>0 si et seulement si aappartient au discriminant def.

— λ(f) rend compte du comportement `a l’infini de f

(2.1.2.0.7.3) λ(f) =X

a∈C

λa(f) avec

(2.1.2.0.7.4) λa(f) =µ PdC, f−1(a), D

−µ PdC, f−1(agen), D

o`u f−1(a) est l’adh´erence de f−1(a) dansPdC,Dest le diviseur induit par la partie homog`ene def de degr´e deg(f) dans l’hyperplan `a l’infini dePdC, et pour toute valeurb∈C,µ PdC, f−1(b), D

est le nombre de Milnor g´en´eralis´e de Parusi´nski [197]. Les invariants λa(f) “mesurent” le d´efaut d’´equisingularit´e

`

a l’infini et sont nuls pour toutes les valeurs a except´ees un nombre fini. Nous d´etaillons ci-dessous le cas de la dimension 2, celui-ci a ´et´e ´etudi´e par Suzuki [234], H`a–Lˆe [128] ou Cassou-Nogu`es [43], on pourra se r´ef´erer `a l’article de synth`ese [99]. La g´en´eralisation en dimension sup´erieure `a 3 a ´et´e donn´ee par Artal-Bartolo–Luengo–Melle [6, Definition 1.4], Siersma–Tib˘ar [231] ou Tib˘ar [239].

Nous d´etaillons la construction de l’invariant λa(f) dans le cas d’un polynˆome deC[x, y].

Exemple 2.1.2.0.8 (Invariant λa(f) en dimension 2). Soitf ∈C[x, y] un polynˆome non constant. On notedson degr´e etf0, . . .,fd, ses composantes homog`enes. Dans cet exemple, on rappelle pour toute valeur a la d´efinition de l’invariant λa(f), qui “mesure” le d´efaut d’´equisingularit´e `a l’infini des fibres de f dans P2C, voir par exemple la formule (2.1.2.0.8.2) ci-dessous. On consid`ere la vari´et´e alg´ebrique

V ={([x:y :z], a)∈P2C×A1C|G(x, y, z, a) = 0}

avec

G(x, y, z, a) = ˜f(x, y, z)−azd

o`u ˜f est le polynˆome homog`ene associ´e `a f. On note iV : A2C → V l’immersion ouverte dominante qui `a (x, y) associe le point ([x:y : 1], f(x, y)) deV. On note ˆfV :V →A1C l’application qui `a ([x :y:z], a) ∈X associea. Le lieu singulier deV est le ferm´e, not´eVsing, donn´e par les ´equations

(2.1.2.0.8.1) ∂fd

∂x = ∂fd

∂y =fd−1=z= 0.

Nous observons queVsing est ´egal au produitZ×A1Co`uZ est la partie ferm´ee deP2Cd´efinie par les ´equations (2.1.2.0.8.1). Comme ∂f∂xd, ∂f∂yd etfd−1 sont des polynˆomes homog`enes `a deux variables, leur lieu d’annulation commun est une partie finie de P1C et nous concluons que Z est un ensemble fini. On suppose maintenant que f est `a singularit´es isol´ees. Soit p0 = [x0 : y0 : 0] un ´el´ement de Z. On peut par exemple supposer que x0 6= 0. On travaille alors dans la carte x 6= 0 avec les coordonn´ees u = y/x et v = z/x. On d´efinit u0 =y0/x0,v0= 0 et pour tout adansC, on consid`ere le polynˆomeHa

Ha(u, v) =G(1, u, v, a).

Le point (u0, v0) est un point critique isol´e du polynˆome Ha, et on note µp0(a) le nombre de Milnor µ(u0,v0)(Ha), celui-ci ne d´epend pas du choix de la carte. Il suit du th´eor`eme de fibration de Thom-Mather que l’ensemble des valeursµp0(a) param´etr´e par aest fini. En particulier, pour une valeur afix´ee, il existe η > 0 tel que la fonction µp0 soit constante sur le disque ´epoint´e D(a, η)\ {a} de valeur µp0(agen) avec agen ∈D(a, η)\ {a}. On d´efinit alors les invariants

(2.1.2.0.8.2) λp0,a(f) =µp0(a)−µp0(agen) et λa(f) = X

p0∈Z

λp0,a(f).

Par semi-continuit´e sup´erieure de la fonction a7→ µp0(a) ([36, Prop 2.3]), on observe que λa(f) ≥0 et nul pour toutes les valeurs aexcept´ees un nombre fini.

Dans l’exemple de Broughton 2.1.2.0.3, chaque fibre admet un unique point critique isol´e `a l’infini, celui-ci a pour coordonn´ees ((0,0), a) dans une carte locale. Les nombres de Milnor `a l’infini sont µ(0,0)(0) = 2 et µ(0,0)(agen) = 1. Par cons´equentλ0(f) = 1 et λa(f) = 0, pour touta6= 0.

Corollaire 2.1.2.0.9. Soit f ∈C[x1, . . . , xd] un polynˆome `a singularit´es isol´ees. Si l’´egalit´e (2.1.2.0.5.1) du Th´eor`eme 2.1.2.0.5 est satisfaite, alors l’ensemble de bifurcation def est ´egal `a

Btopf = a∈C

λa(f)6= 0 ∪disc(f).

2.2. LE POINT DE VUE MOTIVIQUE 43

2.2. Le point de vue motivique

2.2.1. Fibre de Milnor motivique `a l’infini. Dans cette section, nous rappelons la notion de fibre de Milnor motivique `a l’infini introduite dans les articles [211, 214] et ind´ependamment par Matsui–Takeuchi [175]. application du Th´eor`eme-D´efinition 1.4.2.0.1, la fonction zˆeta motivique

Zδ

1/f ,i(U)ˆ (T) =X

n≥1

mes Xnδ,∞(1/fˆ) Tn,

est rationnelle et pourδ assez grand, sa limite ne d´epend pas du param`etre δ. On note alors S1/f ,i(U)ˆ =− lim

T→∞Zδ

1/f ,i(U)ˆ (T)∈ MGˆm

f−1(∞)×Gm. On d´eduit des r´esultats (§1.4) de Denef–Loeser et Guibert–Loeser–Merle [124,§3.9]

Th´eor`eme-D´efinition 2.2.1.0.1 (Fibre de Milnor motivique `a l’infini et r´ealisation [211, 214, 175])

Soitf :U →A1kun morphisme d´efini sur une vari´et´e alg´ebrique lisse et (X, i,fˆ) une compactification.

— L’image directe

Sf,∞= ˆf!S1/f ,i(U)ˆ ∈ MG{∞}×m

Gm

ne d´epend pas de la compactification choisie et est appel´eefibre de Milnor motivique `a l’infini de f.

— Ce motif se r´ealise sur la caract´eristique d’Euler de la fibre g´en´erique f−1(agen) de f, sur la fonction

Remarque 2.2.1.0.2. A la section 2.4.4, nous explicitons le motif` Sf,∞ pour f ∈ k[x, y] avec k alg´ebriquement clos (Th´eor`eme 2.4.4.0.1). Si k=C nous en d´eduisons une formule `a la Kouchnirenko sur le calcul de la caract´eristique d’Euler de la fibre g´en´erique def (Th´eor`eme 2.4.4.0.3).

2.2.2. Cycles proches motiviques `a l’infini. Nous rappelons certaines notions de [214,§4], li´ees `a celles de Matsui, Takeuchi et Tibar [175, 176, 235].

Soitf :U →A1k un morphisme d´efini sur une vari´et´e alg´ebrique lisse. Soit (X, i,fˆ) une compactification application du Th´eor`eme-D´efinition 1.4.2.0.1, la fonction zˆeta motivique

(2.2.2.0.0.1) Zδ,∞ˆ

est rationnelle et pourδ assez grand, sa limite ne d´epend pas du param`etre δ. On note alors Sf−a,Uˆ =− lim

T→∞Zδ,∞ˆ

f−a,i(U)(T).

On d´eduit des r´esultats (§1.4) de Denef–Loeser et Guibert–Loeser–Merle [124,§3.9]

Th´eor`eme-D´efinition 2.2.2.0.1 (Cycles proches motiviques `a l’infini [211, 214])

Soitf :U →A1kun morphisme d´efini sur une vari´et´e alg´ebrique lisse et (X, i,fˆ) une compactification.

Soita un point deA1k. L’image directe suivante ne d´epend pas de la compactification choisie Sf,a = ˆf!Sf−a,Uˆ ∈ MG{a}×m

Gm

et est appel´eecycles proches motiviques `a l’infini def pour la valeura.

Remarque 2.2.2.0.2. Les cycles proches motiviques `a l’infini peuvent ˆetre consid´er´es comme la diff´erence des cycles proches globaux et affines (apr`es image directe)

Sf,a = ˆf! Sfˆ−a,U−i!Sf−a

Nous montrons que pour toute valeura, l’invariant λa(f) s’obtient comme r´ealisation du motifSf,a. Th´eor`eme 2.2.2.0.3 (Caract´eristique d’Euler de Sf,a et l’invariant λa(f) [106, Theorem 3.3])

Soitf un polynˆome deC[x1, . . . , xd]. Pour toutes valeursa∈Cetagen∈C\Bftop, nous avons l’identit´e (2.2.2.0.3.1) χec Sf,a

c f−1(agen)

−χec(f!Sf−a).

— Si an’est pas une valeur critique de f, alors (2.2.2.0.3.2) χec Sf,a

c f−1(agen)

−χc f−1(a) ,

— Si les singularit´es de f sont isol´ees dans Cd, alors pour toute valeur a

(2.2.2.0.3.3) χec Sf,a

= (−1)d−1λa(f). Remarque 2.2.2.0.4. Quelques remarques :

— Observons que l’identit´e (2.2.2.0.3.1) ne requiert pas quef soit `a singularit´es isol´ees dansAdC, on peut donc l’appliquer `a des situations o`u l’invariant λa(f) n’est pas d´efini et consid´erer l’entier χec Sf,a comme une g´en´eralisation de l’invariant λa(f).

— Nous explicitons le motif Sf,a pour f ∈ k[x, y] avec k alg´ebriquement clos (Th´eor`eme 2.4.5.0.1). Si k=Cnous en d´eduisons une formule `a la Kouchnirenko pour l’invariantλa(f) (Th´eor`eme 2.4.5.0.2).

2.2.3. Ensemble de bifurcation motivique.

Th´eor`eme-D´efinition 2.2.3.0.1 (Ensemble de bifurcation motivique [214,§4]) Soit f :U →A1k un morphisme d´efini sur une vari´et´e alg´ebrique lisse.

L’ensemble de bifurcation motivique de f est d´efini comme Bmotf =

a∈A1k

Sf,a 6= 0 ∪disc(f)

o`u disc(f) est le discriminant de f. Cet ensemble est fini [214, Th´eor`eme 4.13].

Si on suppose que k=C alors le Th´eor`eme 2.2.2.0.3 implique

Corollaire 2.2.3.0.2. Soit f un polynˆome de C[x1, . . . , xd]et agen∈C\ Btopf . Nous avons l’inclusion a∈C

χc f−1(a)

6=χc f−1(agen) ⊂ Bmotf . On en d´eduit :

Th´eor`eme 2.2.3.0.3 (Cas d’inclusion Bftop ⊂ Bfmot). Soit f : U → A1C un morphisme d´efini sur une vari´et´e alg´ebrique lisse. Si l’identit´e (2.1.2.0.5.1) est satisfaite alors Btopf ⊂ Bmotf .

— C’est le cas si f est `a singularit´es isol´ees `a l’infini.

— Si U =A2C et f est `a singularit´es isol´ees, nous avons l’´egalit´e Bftop=Bfmot (Th´eor`eme 2.4.6.0.1).

2.3. LE POINT DE VUE ANALYTIQUE NON-ARCHIM ´EDIEN 45

Remarque 2.2.3.0.4. L’identit´e (2.1.2.0.7.2) χc f−1(agen)

= 1 + (−1)d−1 µ(f) +λ(f) se rel`eve en l’´egalit´e motivique ([106, Remark 3.7])

!Sglobalˆ

Dans cette formule, le motif Sglobalˆ

f ,U est d´efini ([214, Th´eor`eme 4.10]) comme

f ,U (T) est la fonction zˆeta motivique globale, qui est rationnelle et d´efinie par

(2.2.3.0.4.1) Zglobal,δˆ

2.3. Le point de vue analytique non-archim´edien

Dans cette section nous pr´esentons les notions de cycles proches analytiques `a l’infini et d’ensemble de bifurcation motivique de Serre, propos´ees dans l’article [106], pour une application r´eguli`ere f : U → A1k d´efinie sur une k-vari´et´e lisse. Ces constructions d´ecoulent de celles de Nicaise–Sebag [192], Bultot [39] et Hartmann [133], rappel´ees `a la section 1.5.1 et dont nous utiliserons les notations.

D´efinition et Propri´et´es 2.3.0.0.1 (Cycles proches analytiques `a l’infini)

SoitU unek-vari´et´e lisse etf:U →A1k une application r´eguli`ere. Avec les notations de la Remarque 1.5.1.0.5, soitUR,UK etUk, les changements de base induits par le morphismef.

— Lafibre proche analytique `a l’infini ou les cycles proches analytiques `a l’infini def pour la valeur 0 est leK-espace analytique

est d´efini `a l’´equation (1.5.3.0.3.2) etVol

UdR

i

est d´efini `a la D´efinition 1.5.2.0.1.

— On retrouve les cycles proches motiviques `a l’infini comme volume, grˆace aux ´egalit´es (1.5.3.0.1.2) et (1.5.3.0.3.1)

(2.3.0.0.1.2) Vol Ff,0

=L−(dimU−1)Sf,0∞,(1) ∈ Mµkˆ. Remarque 2.3.0.0.2. Quelques remarques :

— De mani`ere similaire, pour tout a ∈ A1k, on d´efinit la fibre proche analytique `a l’infini de f pour la valeur a comme la fibre proche analytique `a l’infini de f −a pour la valeur 0 ; on la note Ff,a. La d´efinition de ces K-espaces analytiques est intrins`eque et ne n´ecessite de choisir une compactification que pour calculer leur volume motivique.

— La d´efinition deFf,0 est analogue `a celle deSf,0, pour laquelle on choisit une compactification (X,fˆ) de (U, f) et on consid`ere seulement des arcs dont l’origine appartient `a F =X\U. En effet, comme observ´e dans la Remarque 1.5.1.0.5 le bon analogue pour l’origine d’un arc de X est la sp´ecialisation spdXR(x) du pointx de XdRi

, et l’inclusion de Ff,0 dans XdRi

=(XK)an induit un isomorphisme Ff,0∼=sp−1

XdR

(F)\(FK)an

puisque par la D´efinition 1.5.1.0.4, nous disposons des isomorphismes (UK)an∼=(XK)an\(FK)an et dURi∼=sp−1

XdR

(U).

Un avantage de Ff,a sur Sf,a est que ce dernier est d´efini `a partir d’une compactification dont on montre `a posteriori l’ind´ependance dans le choix, le premier ´etant exclusivement d´efini en termes def. Observons que retirer (FK)an est n´ecessaire pour obtenir un espace qui ne d´epend pas du choix de la compactification (X,f) ; cette ind´ˆ ependance est aussi une application du crit`ere valuatif de propret´e, car deux compactifications peuvent toujours ˆetre domin´ees par une mˆeme troisi`eme.

— L’int´egration motivique d´evelopp´ee par Hrushovski–Kazhdan [139] fournit un morphisme de groupe VolHK de l’anneau de Grothendieck des ensembles semi-alg´ebriques sur le corps valu´eK versMµkˆ (voir par exemple les articles [189] et [190, Theorem 2.5.1]). En particulier, le volume de n’importe quelle partie localement ferm´ee de (UK)an est d´efini, et l’´egalit´e

VolHK(Ff,0) =VolHK (UK)an

−VolHK

UdRi

est naturellement satisfaite dans ce contexte. De plus, les volumes motiviques dans [139] peuvent ˆetre calcul´es de mani`ere analogue aux volumes des articles [124] et [38], en termes de r´esolutions de singularit´es (voir par exemple [190, Theorem 2.6.1]), et cela peut ˆetre utilis´e pour prouver l’identit´e

VolHK

UdR

i

=f!Sf(1)

(voir par exemple [190, Corollary 2.6.2] ou [111]). De mˆeme on devrait pouvoir d´eduire l’identit´e VolHK (UK)an

= ˆf!S(1)ˆ

f ,U

et obtenir ainsi l’´egalit´e des volumes

VolHK(Ff,0) =Vol(Ff,0).

Observons enfin que, puisque la d´efinition de la fibre proche analytique `a l’infini est ind´ependante du choix d’une compactification def, l’approche utilisant le morphismeVolHKdonnerait elle aussi une d´efinition des cycles proches motiviques `a l’infini sans recours `a une compactification.

D´efinition et Propri´et´es 2.3.0.0.3 (Ensemble de bifurcation motivique de Serre)

Soit U une k-vari´et´e lisse et f:U →A1k un morphisme dominant. Avec les notations de la Remarque 1.5.1.0.5, soitUR,UK etUk, les changements de base induits par le morphismef.

— Pour toute valeura, on d´efinitl’invariant motivique de Serre deFf,0, comme S(Ff,0) :=S (UK)an

2.4. LE CAS DES COURBES PLANES 47

— L’ensemble de bifurcation de Serre de f est BfSerre=

a∈A1k

S Ff,a

6= 0 ∪disc(f).

— En combinant les d´efinitions de S(Ff,0), les formules (1.5.4.0.1.2) et (1.5.4.0.1.4), avec les formules (1.5.3.0.1.2) et (1.5.3.0.3.1), nous d´eduisons pour une compactification (X,fˆ) de f, les deux ´egalit´es S (UK)an On d´eduit du Th´eor`eme 2.2.2.0.3 et de la formule (2.3.0.0.3.1), le corollaire

Corollaire 2.3.0.0.4. Soit f un polynˆome de C[x1, . . . , xd]. Nous avons les inclusions a∈C

χc f−1(a)

6=χc f−1(agen) ⊂ BSerref ⊂ Bmotf . Remarque 2.3.0.0.5. En particulier, d`es que l’´egalit´e suivante a lieu

Bftop= a∈C

χc f−1(a)

6=χc f−1(agen)

comme dans le cas des courbes planes ou plus g´en´eralement lorsque f est `a singularit´es isol´ees `a l’infini, nous avons les inclusions Bftop⊂ BSerref ⊂ Bmotf .

2.4. Le cas des courbes planes

Dans cette section nous ´etudions le cas d’un polynˆome f ∈ k[x, y] o`u k est un corps alg´ebriquement clos de caract´eristique z´ero. L’´etude est faˆıte en toute g´en´eralit´e (c’est-`a-dire sans aucune hypoth`ese de commodit´e ou de non d´eg´en´erescence vis-`a-vis d’un polygone de Newton). Elle utilise les id´ees de Guibert [122], Guibert–Loeser–Merle [123], et Cassou-Nogu`es–Veys [46, 47] dans le cas d’un id´eal dek[[x, y]].

Ainsi, en utilisant les algorithmes de Newton local et global ([44], Th´eor`eme-D´efinition 2.4.1.1.6 et D´efinition 2.4.1.2.4), nous calculons en termes de polygones de Newton it´er´es de f, la fibre de Milnor motivique locale Sf,(0,0) (Th´eor`eme 2.4.3.1.1 comme corollaire de [47], voir aussi [122, 125]), lafibre de Mil-nor motivique `a l’infini Sf,∞(Th´eor`eme 2.4.4.0.1) et lescycles proches motiviques `a l’infini Sf,a (Th´eor`eme 2.4.5.0.1).

En appliquant la r´ealisation caract´eristique d’Euler, nous obtenons des formules de type Kouchnirenko exprimant le nombre de Milnor `a l’origine def (Th´eor`eme 2.4.3.2.1), la caract´eristique d’Euler de la fibre g´en´erique (Th´eor`eme 2.4.4.0.3) et l’invariantλa(f) (Th´eor`eme 2.4.5.0.2) en termes d’aires associ´ees aux faces de polygones de Newton issus des algorithmes de Newton.

Enfin, dans le cas `a singularit´es isol´ees cette ´etude nous permet de montrer que les ensembles de bifurcation topologique et motivique sont ´egaux `a un troisi`eme ensemble issu de l’algorithme de Newton, appel´eensemble de bifurcation de Newton, et calculable algorithmiquement (Th´eor`eme 2.4.6.0.1).

2.4.1. Algorithmes de Newton et ensembles de bifurcation de Newton, local et `a l’infini.

2.4.1.1. Algorithme de Newton local. L’algorithme de Newton a ´et´e introduit par Newton [181] dans sa preuve du th´eor`eme de param´etrisation des branches d’une singularit´e de courbe plane :

Th´eor`eme 2.4.1.1.1 (Newton–Puiseux [181, 210, 252]). Toute ´equation f(x, y) = 0 o`u f est un polynˆome (ou une s´erie formelle de C[[x, y]]) avec f(0,0) = 0, admet au moins une solution de la forme

x=tn, y =

X

k=1

aktk, (pour un certain n∈N).

Dans tout ce qui suit on consid`erera le corpskalg´ebriquement clos et de caract´eristique z´ero.

D´efinition 2.4.1.1.2 (Polygone de Newton `a l’origine). Soitf ∈k[x−1, x, y] ´ecrit sous la forme f(x, y) = X

(a,b)∈Z×N

c(a,b)(f)xayb. Rappelons quelques d´efinitions et notations :

— Le support de f est l’ensemble d´efini par Supp(f) ={(a, b)∈Z2|c(a,b)(f)6= 0}.

— Pour tout (p, q)∈N2 on notem(p, q) = min{ap+bq|(a, b)∈Supp(f)}.

— Lepolygone de Newton `a l’origine N(f) est d´efini comme l’enveloppe convexe de Supp(f) + (R+)2. On noteraγ les faces du polygoneN(f) et on ´ecrira γ ∈ N(f).

— Soit γ une face de dimension 0 de N(f),γ est alors un point (a0, b0) et lepolynˆome face associ´e est fγ(x, y) =c(a0,b0)(f)xa0yb0.

— Soit γ une face de dimension 1 de N(f),γ est support´ee par une droitel d’´equation l:pγa+qγb=Nγ

o`u (pγ, qγ)∈N2 est un vecteur primitif, et lepolynˆome face est fγ(x, y) = X

(a,b)l∩N(f)

c(a,b)(f)xayb.

Comme le corps k est suppos´e alg´ebriquement clos, il existe c ∈k, (aγ, bγ) ∈Z×N, (p, q) ∈ N2 etr

´el´ements non nuls et distincts dek, not´esµi, tels que fγ(x, y) =cxaγybγ Y

1≤i≤r

(yp−µixq)νi.

Chaqueµi est appel´eracinedemultiplicit´eνi du polynˆome facefγ. L’ensemble des racines est not´eRγ. Les racines sont dites simples si chaque multiplicit´e νi est ´egale `a 1. Le polynˆome f est non d´eg´en´er´e par rapport `a son polygone de Newton N(f), si pour chaque face γ de dimension un du polygone, le polynˆome face fγ est `a racines simples.

— Si l’on note (a0, b0), . . . ,(ad, bd) les faces de dimension 0 du polygone N(f), ordonn´ees par ordonn´ees d´ecroissantes, alors lahauteur de f est d´efinie commeh(f) =b0−bd. On noteγv la face (a0, b0) et on pose av:=a0 etbv:=b0. On noteγh la face (ad, bd) et on poseah:=adetbh:=bd. Ces facesγh etγv

— Si l’on note (a0, b0), . . . ,(ad, bd) les faces de dimension 0 du polygone N(f), ordonn´ees par ordonn´ees d´ecroissantes, alors lahauteur de f est d´efinie commeh(f) =b0−bd. On noteγv la face (a0, b0) et on pose av:=a0 etbv:=b0. On noteγh la face (ad, bd) et on poseah:=adetbh:=bd. Ces facesγh etγv

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