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Simulations numériques du retournement de la couche libre

2.2 Modélisation stochastique haut niveau d’une STT-MTJ

2.2.3 Simulations numériques du retournement de la couche libre

¶ , (2.4)

et pour une transition opposée, de la configuration antiparallèle à la configuration parallèle :

Jc0AP→P=2|e| ħ × 1 − P2 P × αtfµ0Ms µ Hk+Ms 2 ¶ , (2.5)

où |e|, ħ et tfdésignent respectivement la charge électrique élémentaire, la constante de Planck réduite et l’épaisseur de la couche libre. Le terme Hkdésigne l’amplitude du champ d’aniso-tropie. Il s’agit de la somme des contributions de différentes anisotropies, par exemple d’un terme d’anisotropie magnétique lié aux matériaux tel que l’anisotropie magnétocristalline, et d’un terme d’anisotropie de forme provenant de la géométrie du composant, notamment dans le cas d’une jonction dont la section cylindrique n’est pas circulaire.

Les équations correspondantes pour le cas d’une jonction tunnel magnétique à anisotropie magnétique perpendiculaire peuvent être trouvées dans la référence [213].

L’existence de deux équations distinctes, (2.4) et (2.5) selon la transition considérée, pour l’amplitude de la densité de courant critique Jc0provient de la dépendance angulaire du trans-fert de spin. Cependant, il est montré dans la littérature214,215et expérimentalement180que ces deux valeurs correspondent à la même tension critique Vc0= Jc0P→APRP= Jc0AP→PRAP(comme cela est présenté sur la figure2.4).

2.2.3 Simulations numériques du retournement de la couche libre

Simuler la trajectoire du moment magnétique mfde la couche libre d’une jonction tunnel magnétique dans le cadre du modèle de retournement cohérent décrit précédemment est une façon simple d’obtenir une valeur du délai avant commutation∆t. Cette partie présente rapi-dement l’approche Monte-Carlo adoptée pour obtenir une estimation de la distribution statis-tique de ce délai avant commutation∆t. Cette estimation servira ensuite dans la partie2.2.4à élaborer un modèle analytique qui soit plus rapide à simuler que les simulations Monte-Carlo précédentes, ceci afin de permettre notamment l’étude de systèmes impliquant un nombre con-séquent de jonctions tunnel magnétiques, tout en conservant un degré de réalisme physique satisfaisant quant à la grandeur qui nous intéresse, à savoir le délai avant commutation∆t.

2.2.3.1 Dispositifs simulés

Nous visons des applications réalistes des jonctions tunnel magnétiques, sans dispositif de refroidissement complexe. Les simulations sont donc réalisées à température ambiante (300 K).

En sus de nous placer dans une hypothèse de programmation à courant stationnaire, nous

214. K. BE R N E RTet coll., Physical Review B, 2014. 215. J. Z. SU N, Proceedings of the SPIE, 2016.

supposons également qu’aucun champ magnétique extérieur n’affecte le moment magnétique

mfde la couche libre, ce qui revient à supposer les aspects technologiques suffisamment bien maîtrisés pour être capables d’écranter totalement le champ magnétique dipolaire de la couche de référence.

Si la tendance actuelle des applications mémoires est de privilégier les jonctions tunnel mag-nétiques à anisotropie perpendiculaire157,188,216pour des raisons de meilleur passage à l’échelle de la consommation et de la durée de rétention, ainsi que de la densité d’intégration150, les simu-lations présentées ci-après se focalisent au contraire sur des dispositifs à aimantation dans le plan. Non que les avantages des jonctions à anisotropie perpendiculaire ne soient pas probants, mais plutôt parce qu’il n’est pas évident que les applications neuromorphiques nécessitent le même cahier des charges que les applications mémoires conventionnelles, notamment en terme de durée de rétention. Or à volume constant, la rétention mémoire peut être modifiée simplement en changeant le rapport d’aspect des jonctions à aimantation dans le planI, alors que les dispositifs à anisotropie perpendiculaire nécessitent d’ajuster l’anisotropie d’interface des matériaux employés150, ce qui est potentiellement moins aisé. Par ailleurs, il n’y a à prio-ri pas d’obstacle majeur à l’adaptation de la méthodologie présentée ci-après (et du modèle analytique en découlant) au cas des dispositifs à anisotropie perpendiculaire.

Les dimensions latérales des jonctions simulées (table2.1 page ci-contre) les rangent dans une technologie du nœud 45 nm.

2.2.3.2 Méthodologie

L’équation (2.2) est résolue numériquement en utilisant un schéma à point milieu217,218, pour des valeurs stationnaires de la densité de courant Js, s’étendant de valeurs sensiblement en deçà de la valeur critique Jc0à bien au-delà. Ces simulations étant de type Monte-Carlo, pour chaque valeur de Js, de multiples trajectoires de retournement du moment magnétique mfde la couche libre sont simulées (typiquement entre 250 et 25 000). La moyenne arithmétique per-met de construire un estimateur empirique du délai moyen avant retournement <∆t >, tandis qu’un histogramme fournit une estimation empirique de sa distribution statistique. L’étude des résultats de ces simulations Monte-Carlo est l’objet des parties2.2.4.1et2.2.4.2.

Il est à noter qu’un ensemble de géométries et de barrières énergétiques a été simulé, afin de pouvoir construire un modèle analytique de haut niveau présentant une certaine robustesse face à des variations de géométrie et de matériaux des jonctions tunnel magnétiques. Il s’agit d’obtenir un modèle qui puisse être utilisé en ayant simplement connaissance d’un nombre restreint de paramètres. L’idée est d’être capable de prédire les bonnes tendances selon le régime de programmation employé, sans immanquablement nécessiter le recours à un ajustement

216. M. GA J E Ket coll., Applied Physics Letters, 2012.

I. Nous négligerons à ce propos tout anisotropie magnétocristalline et considérerons l’anisotropie de forme comme l’unique source d’anisotropie magnétique.

217. C. SE R P I C O, I.D. MAY E RG OY Zet G. BE RTOT T I, Journal of Applied Physics, 2001. 218. L. BA N A S, Numerical Analysis and Its Applications, 2005.

numérique (ce dernier restant toutefois envisageable si le besoin s’en fait sentir et que des données expérimentales sont disponibles). Les jeux de paramètres restreints ainsi utilisés dans les simulations sont présentés dans la table2.1. Les valeurs retenues sont représentatives des ordres de grandeur rencontrés dans la littérature.

Étiquette légendes A B C

Demi-grand axe a (nm) 50 37 50 40 47 50 54 60 60

Demi-petit axe b (nm) 20 19 20 20 18 20 21,5 20 20

Épaisseur tf (nm) 2 1,9 2 2 1,9 2 2,2 1,5 2

Saturation magnétiqueµ0Ms (T) 1,5 1,8 1,8 1,5 1,8 1,2 1,2 1,5 1,5 Résistance état parallèle RP (kΩ) . . . 1 . . . .

Résistance état antiparallèle RAP (kΩ) . . . 2,5 . . . . Température T (K) . . . 300 . . . . Coefficient de Gilbertα (sans unité) . . . 0,01 . . . .

TA B L E2.1 – Paramètres de la couche ferromagnétique libre des composants simulés : carac-téristiques (haut) et communs (bas). Seuls les composants utilisés dans les figures sont dotés d’une étiquette.

Deux types de commutations sont possibles : de la configuration magnétique parallèle vers celle antiparallèle (P→AP) et réciproquement (AP→P). Comme nous avons par exemple pu le voir dans le cas de la densité de courant critique avec les équations (2.4) et (2.5), les formules associées à chacun des cas se différencient seulement par un facteur multiplicatif (tel que 1 + P2 ou 1 − P2), appliqué à la densité de courant injectée Jset lié à l’efficacité du transfert de spin. Afin de diviser par deux le nombre de simulations Monte-Carlo à réaliser, nous simulerons un cas exempt de ce facteur multiplicatif, et les axes de densités de courant seront ensuite remis à l’échelle selon le facteur multiplicatif du type de commutation souhaitée.

2.2.3.3 Exemple de résultats

Un exemple de trajectoire illustrant le processus de retournement est présenté à la figu-re2.10. La trajectoire du moment magnétique mfIde la couche libre (ligne bleue en trait plein) a été obtenue en résolvant numériquement l’équation (2.2) en présence d’un courant cons-tant et à une température supérieure à zéro kelvin. Les oscillations en spirales de la trajectoire sont dues au terme de précession de l’équation (2.2). La trajectoire est par ailleurs bruitée par l’agitation thermique à laquelle est soumis le moment magnétique. L’orbite de précession du moment magnétique mfaugmente progressivement, s’éloignant de plus en plus de la position initiale, jusqu’à provoquer la commutation vers la configuration magnétique opposée. Après le retournement, le courant injecté ne s’oppose plus à l’amortissement de la trajectoire, mais agit au contraire comme un amortissement supplémentaire : le moment magnétique mfconverge rapidement vers sa nouvelle position d’équilibre stable.

m

f

initial

Comm

utation

Facile aimantation (dans le plan)

m

f

final

Difficile aimantation (dans le plan) Difficile aimantation (hors du plan)

FI G U R E2.10 – Exemple, dans le cas d’une jonction tunnel magnétique dont l’aimantation est dans le plan, de la trajectoire suivie par le moment magnétique mfde la couche libre, régie par l’équation (2.2), lors de l’application d’un courant constant à une température (absolue) non-nulle.

Nous pouvons trouver certains exemples de l’analyse des résultats fournis par ce type de simulations aux figures 2.13 page 89et2.15 page 94.

Remarque

Rassembler les données de chacune des courbes de la figure2.13a nécessité plusieurs jours de calculs sur un cœur de processeur moderne (Intel® Xeon E5-1620), et ce mal-gré l’utilisation d’un langage compilé pour les portions critiques (en termes de vitesse d’exécution) du code de simulation. La raison de ceci est liée au fait que le pas de temps des simulations ne peut pas être augmenté proportionnellement à la durée moyenne de ces dernières, qui augmente lorsque le courant injecté diminue. Le pas de temps employé durant ces simulations doit en effet rester suffisamment faible pour décrire la dynamique de précession du moment magnétique mfde la couche libre, qui ne dépend du courant injecté. Or le temps moyen d’incubation avant retournement à simuler peut quant à lui de-venir bien plus élevé, de sept à huit ordres de grandeur dans le cas des plus faibles valeurs de densité de courant Jssimulées.

Ceci souligne l’importance et l’intérêt de développer un modèle analytique du com-portement stochastique des jonctions magnétiques qui soit plus rapide à simuler dans le cadre de la conception et de l’optimisation de circuits, ainsi que de simulations à l’échelle d’un large système.

2.2.3.4 Nomenclature

La plupart des symboles utilisés dans les équations du présent chapitre sont regroupés dans la table2.2 page suivante. Ces notations seront conservées tant que faire se peut dans les chapitres suivants.

Symbole Description (unité) Formule ħ constante de Planck réduite (J·s)

|e| charge d’un proton (C)

µ0 perméabilité magnétique du vide (H·m−1)

µB magnéton de Bohr (A·m2)

γ rapport gyromagnétique (rad·s−1·T−1)

kB constante de Boltzmann (J·K−1)

a demi-grand axe de la couche libre (m)

b demi-petit axe de la couche libre (m)

tf épaisseur de la couche libre (m)

P polarisation en spin du courant

α coefficient d’amortissement de Gilbert

Ms aimantation à saturation (A·m−1) . . . Ms=||mf||

V

T température (K)

V volume de la couche libre (m3) . . . .V = πabtf

Na,b,tf coefficients du champ démagnétisant219selon les directions de a, b et tf

f0 facteur de fréquence du modèle de Néel-Brown220(Hz) . f0= (|γ|Naµ0Ms)/π Hk amplitude du champ d’anisotropie221(A·m−1) . . . Hk= (Nb− Na)Ms

E0 barrière énergétique à courant nul221(J) . . . E0= (µ0MsHkV )/2 φ0 écart-type angulaire dans le plan (rad) . . . .φ2

0= kBT /(µ0(Nb−Na)Ms2V ) τ0 temps caractéristique du modèle de Sun204(s) .τ0=ln³2φπ0´/³α|γ|µ0(Hk+Ms

2 )´ D paramètre de diffusion209(T2·s·m3) . . . .D =1+αα2· kBT

|γ|Ms

RP résistance électrique dans la configuration parallèle (Ω)

RAP résistance électrique dans la configuration antiparallèle (Ω)

TMR magnétorésistance tunnel . . . Éq. (2.1)

mf moment magnétique global de la couche libre (A·m2) ˆ

uinc vecteur unitaire de la direction des électrons polarisés incidents

η(mf, ˆuinc) efficacité angulaire du transfert de spin

Js densité de courant (A·m−2)

Jc0 amplitude de la densité de courant critique à 0 K (A·m−2) . . .Éq. (2.4) et (2.5)

Heff champ effectif (A·m−1)

hsto terme aléatoire de Langevin (A·m−1) . . . Voir éq. (2.3) de [209] TA B L E2.2 – Symboles récurrents dans les formules du chapitre. Les formules sont données