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2.2 Modélisation stochastique haut niveau d’une STT-MTJ

2.2.2 Bases analytiques

2.2.2.1 L’équation de Landau-Lifschitz-Gilbert-Slonczewski

Une approximation usuelle pour décrire la dynamique d’une jonction tunnel magnétique est de supposer que le moment magnétique total de la couche libre se comporte comme un « macrospin » mf, présentant un processus de retournement cohérent entre les deux configura-tions stables (parallèle ou antiparallèle au moment magnétique total de la couche de référence). Si cette hypothèse décrit assez fidèlement le comportement des jonctions tunnel magnétiques dont l’aimantation est dans le plan, ceci est moins avéré dans le cas des jonctions à anisotropie magnétique perpendiculaire. Pour ces dernières, les prédictions d’un modèle macrospin per-dent en précision lorsque les dimensions latérales de la jonction dépassent la cinquantaine de nanomètres. Au-delà de cette limite, il est souhaitable d’inclure les effets de retournement par nucléation et de sous-volumes magnétiques si l’on veut pouvoir rendre compte des écarts constatés expérimentalement avec les prédictions de retournement d’un modèle macrospin208.

Le mouvement de précession du macrospin mfpeut être décrit à l’aide de l’équation de Landau-Lifshitz-Gilbert, à laquelle sont ajoutés d’autres termes pour rendre compte de l’agita-tion thermique ainsi que du couple de transfert de spin (STT) :

dmf dt = −|γ|µ0mf× (Heff+ hsto) | {z } Précession + α MsVmf×dmf dt | {z } Amortissement +V TS | {z } STT (2.2)

Le champ effectif Heffregroupe les différents termes d’anisotropie magnétique, ainsi qu’un possible champ extérieur. Dans ce travail, le champ extérieur est supposé nul puisque nous nous focaliserons sur des jonctions tunnel magnétiques pilotées électriquement et dont le re-tournement est effectué en ayant recours au couple de transfert de spin. Les paramètresγ, µ0et

V sont respectivement le rapport gyromagnétique d’un électron, la perméabilité magnétique du

vide et le volume de la couche libre de la jonction. Les paramètres décrivant les matériaux sont l’aimantation magnétique à saturation Msainsi que le coefficient d’amortissement de Gilbert

α (sans unité). Pour modéliser les effets de l’agitation thermique sur le macrospin mf, un terme aléatoire de Langevin hstoest ajouté, dont les coordonnées cartésiennes suivent des processus aléatoires gaussiens indépendants, sans corrélation et chacun de moyenne nulle186,203,209.

Dans l’équation (2.2) précédente, le terme TSrend compte du couple de transfert de spin de Slonczewski147,186,210

TS= −µB |e|×

Js Ms2tf

× P × η(mf, ˆuinc) × mf× (mf× ˆuinc), (2.3) où |e|, µBet tfdésignent respectivement la charge électrique élémentaire, le magnéton de Bohr

208. J. Z. SU Net coll., Physical Review B, 2011.

209. J. L. GA RC Í A-PA L AC I O Set F. J. LÁ Z A RO, Physical Review B, 1998. 147. J. C. SL O N C Z E W S K I, Journal of Magnetism and Magnetic Materials, 1996.

et l’épaisseur de la couche libre. La densité du courant traversant la jonction selon sa normale est notée Js. Le terme P est la polarisation en spin du courant, lié à la magnétorésistance tunnel selon la relation TMR = 2P2/(1−P2). Le termeη(mf, ˆuinc) décrit l’efficacité angulaire du transfert de spin. Nous considérerons une valeur unitaire constante, à la manière de plusieurs travaux de la littérature186,211. L’amplitude du couple de Slonczewski est proportionnelle à celle de la densité du courant. Le terme de couple de transfert de spin qualifié de field-like, de plus petite amplitude que celui de SlonczewskiI, est négligé.

Comme cela a été déjà mentionné auparavant, des études poussées ont montré un bon accord expérimental avec les prévisions issues d’un modèle macrospin, bien que certains écarts aient néanmoins pu être observés dans le cas des jonctions à aimantation hors du plan, notam-ment dans le régime des faible probabilités de retournenotam-ment208.

Précession non amortie

Précession amortie

Précession

Couple par

transfert de spin

Amortissement

H

eff

m

f

FI G U R E2.9 – Schéma général de la trajectoire suivie par un moment magnétique mf en présence d’un champ effectif Heff stationnaire (pour plus de clarté, le terme stochastique de Langevin hstoest ici supposé nul). L’ellipse en trait plein présente un cas sans amortissement, tandis que la spirale en pointillé décrit un cas ana-logue en présence d’amortissement (positif). Trois flèches colorées indiquent les directions des trois composantes de couple qui apparaissent dans l’équation (2.2). Il faut en outre noter que le couple de transfert de spin peut être dans le sens op-posé, selon le signe du courant. N.B. : les différentes flèches ne sont pas à l’échelle.

La figure2.9schématise l’effet de chacune des trois différentes composantes présentées dans l’équation (2.2) :

– le couple de précession, à cause duquel le moment magnétique mfa tendance à décrire une trajectoire cyclique autour du champ effectif Heff;

– le couple d’amortissement, caractérisé par le coefficient de Gilbertα, à l’origine de la

relaxation du moment magnétique mfvers le champ effectif Heff;

211. J. Z. SU N, IBM Journal of Research and Development, 2006. I. Au moins inférieur d’un facteur trois dans la littérature212.

– le couple de transfert de spin, qui peut être interprété, selon le signe du courant qui tra-verse la jonction, comme une composante s’opposant à l’amortissement ou au contraire renforçant ce dernier.

Nous pouvons donc constater que le couple de transfert de spin est l’effet physique qui permet d’agir sur l’aimantation de la couche libre d’une jonction tunnel magnétique par une simple injection de courant à travers la jonction. Si le courant est injecté dans le sens adéquat et d’une amplitude suffisante pour contrebalancer l’amortissement, il devient possible au moment mag-nétique mfde basculer vers la seconde configuration magnétique stable. Par ailleurs, à la suite de la commutation, si le courant est maintenu, ce dernier agit alors comme un amortissement supplémentaire.

Remarque

Il est à noter que le moment magnétique de la couche de référence est soumis à des effets similaires, mais de bien moindre amplitude en raison de l’ingénierie des couches employées pour fixer son orientation magnétique. Ceci permet de considérer qu’il n’est pas possible d’observer son retournement lors de l’application des impulsions de program-mation.

2.2.2.2 Une valeur de densité de courant critique pour le renversement de l’aiman-tation

Comme cela a été présenté dans la partie2.2.2.1, et à condition de bien choisir le signe du courant injecté, le couple de transfert de spin peut s’opposer à l’amortissement de la trajectoire du moment magnétique mfde la couche libre. La densité de courant critiqueI Jc0peut être définie formellement comme la densité de courant, injectée à une température T de 0 K , pour laquelle le moment magnétique mfde la couche libre est à la limite de la stabilité204.

Physiquement, en négligeant pour le moment les fluctuations thermiques et en considérant une situation initiale du moment magnétique mflégèrement hors d’équilibre, deux situations peuvent être rencontrées selon l’amplitude de la densité de courant injectée Js:

|Js| < Jc0: le couple d’amortissement surpasse celui dû au transfert de spin et la trajectoire du moment magnétique mfest amortie vers la position initialement stable de ce dernier (comme le cas en pointillé de la figure2.5a page 66) ;

|Js| > Jc0: le couple de transfert de spin surpasse l’amortissement, déstabilisant l’état d’équi-libre actuel. Le rayon de précession du moment magnétique mfs’accroît jusqu’au bas-culement de ce dernier vers la configuration magnétique opposée, qui devient alors le nouvel état d’équilibre.

Dans le cas d’une jonction tunnel magnétique dont l’aimantation est dans le plan, l’ampli-tude de la densité de courant critique s’exprime204,211, pour une transition de la configuration

parallèle à la configuration antiparallèle : Jc0P→AP=2|e| ħ × 1 + P2 P × αtfµ0Ms µ Hk+Ms