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3.3 Étude d’un système présentant de la variabilité

3.3.3 Influence du régime de programmation

Nous avons vu dans la partie2.2.4.2qu’il possible d’utiliser les jonctions tunnel magné-tiques à transfert de spin dans différents régimes de programmation, à savoir à courant faible, intermédiaire ou fort. Dans cette partie, les simulations à l’échelle d’un système nous permet-tent de mieux comprendre les avantages et les inconvénients de ces différents régimes quant à l’utilisation de jonctions tunnel magnétiques à transfert de spin comme synapses artificielles.

300 mV 500 mV 700 mV

Amplitude V

prog

des impulsions

de programmation

100 nW

1 W

10 W

100 W

Puissance moyenne absorbée par la matrice synaptique

0,3 V

420 W

0,7 V

200 nW

0,46 V

182 nW

Régime de courant : faible intermédiaire fort

FI G U R E3.10 – Évolution, en fonction de l’amplitude de la tension de programmation Vprog employée, de la puissance moyenne consommée par l’ensemble des 655 360 synapses pour leur programmation durant l’apprentissage. Les différentes aires colorées indiquent la nature du régime de courant correspondant : faible (bleu), intermédiaire (blanc) et fort (rouge).

Rappelons tout d’abord que sans variabilité synaptique (SV = 0), les trois régimes de pro-grammation sont analogues puisqu’il n’y a alors pas de dispersion des probabilités de com-mutation : le taux de détection des véhicules et la proportion d’événements de type faux posi-tifs sont identiques d’un régime à l’autre. Toutefois, il n’en est pas de même en ce qui con-cerne l’énergie requise pour programmer les jonctions tunnel magnétiques à transfert de spin, qui dépend significativement du régime de programmation comme l’illustre la figure 3.10. La puissance moyenne consommée par la matrice d’éléments synaptiques durant la phase d’apprentissage est minimale dans le régime intermédiaire de courant, avec moins de 185 nW lorsque Vprog= 0,46 V. Pour des valeurs de tension de programmation plus élevées, la puissance moyenne consommée augmente légèrement avec la tension, atteignant par exemple 200 nW quand Vprog= 0,6 V (régime de fort courant). Lorsque la tension de programmation diminue, la puissance moyenne consommée croît également, notamment de façon très abrupte dans le régime de faible courant : dans le cas étudié, la matrice d’éléments synaptique consomme en moyenne 0,42 mW lorsque Vprog= 0,3 V ! En effet dans ce régime de programmation, bien que la diminution de l’amplitude des impulsions tende à réduire de façon quadratique la consomma-tion énergétique, la durée nécessaire au maintien de la probabilité de commutaconsomma-tion croît quant à elle exponentiellement.

Par ailleurs, en présence d’une variabilité synaptique SV non nulle, les trois régimes de programmation ne sont plus équivalents, comme nous pouvons le constater avec les

simula-0% 5% 10% 15% 20% 25%

0%

20%

40%

60%

80%

100%

Taux de détection

Démonstrateurs

technologiques

(a)

Régime de courant : fort intermédiaire faible

0% 5% 10% 15% 20% 25%

Variabilité synaptique SV

0%

20%

40%

60%

80%

100%

Proportion de faux positifs

(b)

FI G U R E3.11 – Taux de détection des véhicules (a) et proportion d’événements de type faux positifs (b) en fonction de la variabilité synaptique SV , lorsque les jonctions tunnel magnétiques à transfert de spin sont programmées dans leur régime de courant faible (3), intermédiaire (°) ou fort (ä). La programmation de type Spike-Timing Dependent Plasticity et le mécanisme d’inhibition latérale sont désactivés à l’issue de la phase d’apprentissage. Chaque simulation est répétée dix fois et les barres d’erreur représentent une fois l’écart-type obtenu. Le trait plein vertical noir indique la variabilité touchant les démonstrateurs technologiques de la littérature182,184.

tions Monte-Carlo de la figure3.11. Ainsi, si dans le cas des régimes de courant intermédiaire et fort, le taux de détection des véhicules s’avère relativement robuste jusqu’à atteindre une variabilité synaptique SV de 17 %, ce dernier diminue significativement dès une variabilité synaptique SV de 10 % dans le régime de faible courant. De même, jusqu’à atteindre 10 % de variabilité synaptique SV , la proportion d’événements de type faux positif évolue peu dans les deux régimes de plus fort courant, alors que dans le cas du régime de faible courant, cette proportion augmente dès que la variabilité synaptique SV s’accroît.

Ce contraste peut s’expliquer par la physique des jonctions tunnel magnétiques à trans-fert de spin. Comme nous l’avons vu dans la partie2.2.4.2, dans le régime de faible courant, le délai moyen avant commutation d’une jonction tunnel magnétique à transfert de spin présente une dépendance exponentielle à la densité de courant qui traverse cette dernière. En présence de variabilité entre les composants, chaque jonction tunnel magnétique est alors program-mée avec une densité de courant différente, ce qui a pour effet de disperser les probabilités de commutation de façon importante, contrairement aux régimes de programmation à courant intermédiaire ou fort, dans lesquels la dépendance du délai moyen avant commutation avec la densité de courant est moins abrupte.

Pour résumer, les régimes de programmation à courant intermédiaire ou fort nécessitent une puissance plus faible lors de la phase d’apprentissage et tolèrent mieux la variabilité entre les composants que le régime de programmation à faible courant. Étant donné que le régime de programmation intermédiaire requiert des tensions plus faibles que le régime à fort courant, les jonctions tunnel magnétiques à transfert de spin devraient présenter une meilleure fiabi-lité dans ce régime. Le régime de programmation à courant intermédiaire apparaît ainsi être le régime optimal pour utiliser des jonctions tunnel magnétiques à transfert de spin comme synapses artificielles. Ceci diffère des applications mémoires plus traditionnelles des jonctions tunnel magnétiques à transfert de spin, pour lesquelles la vitesse de programmation est le pre-mier critère d’intérêt et un courant de programmation plus élevé alors un choix préférable.

3.4 Conclusions

Possibilité d’apprentissage à l’échelle d’un système. Dans ce chapitre, nous avons présenté des simulations informatiques fonctionnelles d’un système neuromorphique de grande échelle qui utilise des jonctions tunnel magnétiques à transfert de spin comme synapses artificielles binaires. Ces travaux ont montré la possibilité de remplir une tâche cognitive réaliste en utili-sant une règle d’apprentissage de type Spike-Timing Dependent Plasticity, adaptée selon une interprétation probabiliste afin de tirer profit du comportement intrinsèquement stochastique de ces nanocomposants mémoires innovants.

Les synapses étudiées, constituées chacune d’une unique jonction tunnel magnétique, sem-blent particulièrement intéressantes pour s’attaquer à des tâches dynamiques, comme la détec-tion de véhicules présentée, puisque les performances obtenues approchent celles de systèmes

se basant sur des synapses analogique cumulatives. Dans le cas de tâches plus statiques, telles que la classification de chiffres manuscrits, des travaux conceptuels récents248suggèrent la né-cessité d’une certaine redondance des nanocomposants stochastiques constituant les synapses pour approcher les performances de synapses cumulatives. Toutefois, le niveau de redondance reste modéré pour la tâche présentée : il semble pertinent d’envisager étudier l’apprentissage de ce type de tâches en utilisant des synapses stochastiques constituées chacune d’un faible nombre de jonctions tunnel magnétiques à transfert de spin.

Des résultats encourageants pour la conception de futurs systèmes neuromorphiques. Les simulations présentées dans ce chapitre suggèrent également qu’un système neuromorphique exploitant des jonctions tunnel magnétiques à transfert de spin comme synapses puisse être tolérant à plusieurs catégories d’imprécisions touchant ces dernières. Nous avons ainsi pu observer le maintien de performances raisonnables voire analogues à celle d’un système idéal dans des situations de variabilité des caractéristiques entre composants synaptiques, de fluctua-tions transitoires de ces dernières ou encore de variation du rapport des chances de succès des deux types commutations. Par ailleurs, la consommation énergétique liée à la programmation des synapses peut atteindre des valeurs plus faibles que celles rapportées dans la littérature pour des architectures similaires qui traitent la même tâche cognitive mais utilisent d’autres composants mémoires innovants comme synapses artificielles.

De l’importance du régime de programmation. Disposer d’un modèle avancé du comporte-ment stochastique que nous exploitons au sein des jonctions tunnel magnétiques à transfert de spin nous a permis d’évaluer dans quelle mesure le régime de programmation influence les performances du système. Ainsi, le régime de faible courant apparaît peu propice à un usa-ge synaptique puisqu’il souffre rapidement de la variabilité des caractéristiques des synapses et présente une consommation énergétique qui peut devenir importante en comparaison de systèmes déjà présentés dans la littérature. En revanche, les régimes de courant intermédiaire et fort entraînent des comportements proches et intéressants. Ils maintiennent notamment un excellent niveau de performances en présence de variabilité synaptique, même pour des valeurs qui excèdent celles de démonstrateurs technologiques mémoires de la littérature. Par ailleurs, dans ces deux régimes, la programmation des synapses requiert une énergie inférieure aux valeurs rapportées dans la littérature pour un système similaire réalisant la même tâche cognitive, avec un léger avantage au régime de courant intermédiaire.

À la suite des résultats présentés précédemment, le régime de courant intermédiaire appa-raît comme le régime de programmation à privilégier pour utiliser des jonctions tunnel magné-tiques à transfert de spin comme synapses artificielles binaires et stochasmagné-tiques dans le cadre de tâches cognitives similaires à celle employée dans ce chapitre.

Synapses électrochimiques métalliques :

plasticités multiples et apprentissage

« L’expérience est une mémoire, mais l’inverse est vrai. »

Alfred CA M U S

C

E C H A P I T R E porte sur l’étude du potentiel d’usage synaptique d’une variété particulière de cellules électrochimiques métalliques, à base d’un électrolyte de sulfure d’argent ( Ag2S). Ces composants mémristifs offrent des comportements plastiques différents de ceux des jonctions tunnel magnétiques étudiées précédem-ment, dont notamment une forme originale et intrinsèque de plasticité hebbienne que nous avons modélisée analytiquement. Des simulations fonctionnelles d’un sys-tème exploitant des synapses décrites par ce modèle analytique sont ensuite utilisées pour réaliser une preuve de concept d’un apprentissage qui exploite les différents comportements plastiques intrinsèques offerts par ces synapses pour simplifier la gestion externe des phases d’écriture. Ces premières études sont également l’occasion d’évaluer les effets du bruit sur les entrées présynaptiques ou encore de la variabilité entre éléments synaptiques sur l’apprentissage d’un tel système. ”

4.1 Introduction