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4.4.1 GEANT4

Afin d’étudier le détecteur et notamment d’évaluer l’efficacité de détection, la simulation est un outil indispensable. Cette simulation doit contenir un maximum de processus phy- siques microscopiques et fournir des observables comparables aux observables mesurées, tout en autorisant la modélisation fine du détecteur et notamment de sa géométrie en 3 dimen- sions. Pour remplir ces objectifs, la seule possibilité est d’utiliser la méthode Monte Carlo, la simulation par éléments finis serait trop complexe. À cette fin, l’expérience utilise le code

geant4 [97], qui est un code issu de la collaboration de la communauté de la physique des hautes énergies au niveau mondial visant à permettre la simulation les processus physiques élémentaires dans un détecteur (voir annexe G.3).

Des bibliothèques supplémentaires peuvent être ajoutées : les sorties de la simulation Nucifer utilisent root et les processus spécifiques aux neutrinos reposent sur la bibliothèque GlenLAND écrite par Glenn Horton-Smith à partir de son travail sur l’expérience KamLAND. Cette bibliothèque fournit également des modèles de PM réalistes et un générateur d’événe- ment doté de multiples options. La simulation de Nucifer est issue de la simulation de Double Chooz.

4.4.2 Géométrie

La géométrie actuellement utilisée est présentée figure 4.7. Elle comporte également les différents blindages et la casemate à Osiris (voir annexe G.3). Je l’ai principalement écrite, avec l’apport de Gaëtan Boireau durant son stage [98]. La simulation reproduit seulement les grands éléments du détecteur, en omettant donc les diffuseurs, tuyaux et autres capteurs. Le tube d’étalonnage est tout de même présent pour assurer une simulation correcte des sources d’étalonnage, de même que les passages de tuyaux dans le tampon. Une contrainte de geant4 est l’obligation d’imbriquer complétement les volumes les uns dans les autres, tels des poupées gigognes : un volume ne peut en aucun cas en écraser plusieurs autres, mais il peut en écraser un seul. Cela conduit par exemple à définir le tube d’étalonnage en deux morceaux, l’un dans le liquide scintillant et l’autre dans l’azote. Les PM sont décrits par l’enveloppe d’un empilement de tores, ce qui donne une forme proche de la géométrie réelle mais impose de les conserver d’un seul tenant. Comme le bas de l’ampoule trempe dans l’huile minérale mais qu’il n’est pas possible de séparer les PM en deux, le volume d’huile scintillante englobe complétement les PM et dépasse donc du rebord du tampon.

Les matériaux sont pour l’essentiels directement définis en même temps que la géométrie par la donnée de leur composition chimique (voir isotopique dans le cas du gadolinium) et de leur densité. geant4 calcule alors leurs propriétés d’interaction avec la plupart des particules, mais deux cas particuliers nécessitent un traitement spécifique : l’interaction avec les neutrons et les propriétés optiques. Comme la diffusion des neutrons est un processus extrêmement long devant les autres processus en jeu en physique des particules, un traitement particulier doit être appliqué aux neutrons pour que le code ne perde pas son temps à calculer les milliers de traces d’une diffusion neutronique, comme expliqué en section 4.4.5. Les propriétés optiques (transparence, scintillation. . . ) ne peuvent pas non plus être déduites de la formule chimique d’un matériau et doivent être précisées en sus. Il est également possible de définir des surfaces et de leur conférer des propriétés optiques, comme une réflexion diffusante.

4.4.3 Cartes de données

Dans la simulation Nucifer, toutes ces propriétés annexes sont précisées dans un fichier texte externe, une carte de données. Les cartes de données sont lues seulement à l’exécution, ce qui apporte une grande souplesse d’utilisation. Généralement les propriétés considérées dé- pendent de l’énergie (qui peut être exprimée en longueur d’onde pour les propriétés optiques) et sont alors données en deux colonnes, énergie et valeur. Les cartes de données peuvent également servir à paramétrer la simulation, par exemple en précisant les options du modèle physique (activation de tel ou tel processus) ou de la géométrie.

(a) Cuve Nucifer (b) Blindages vus de côté

Figure 4.7 – Modélisation de Nucifer dans GEANT4. Blanc : air, violet : béton, bleu : plomb ou eau, jaune : polyéthylène, rouge : acier, orange : aluminium, bleu clair : liquide scintillant, vert clair : huile minérale et veto muon. Seul les sections horizontales du tube d’étalonnage sont visibles.

Nucifer utilise 4 cartes de données principales :

– Nucifer_Options.dat est la carte de données principale, qui définit la verbosité, les choix de physique, les options de géométrie et configurent les sorties.

– fluids_card.dat définit la composition des liquides pour le modèle optique.

– PMT_card.dat donne la position et l’orientation des PM. Le blindage magnétique est aussi défini dans cette carte, et d’autres accessoires comme un cône de concentration de la lumière sont en option.

– materials_optic_properties_card.dat contient les propriétés optiques mais aussi neutroniques des matériaux. Les propriétés de scintillations, absorption et réémission des liquides ne sont pas définies ici à une exception près : la probabilité d’émission d’un photon par scintillation en fonction du temps est donnée par les coefficients de 4 exponentielles dont la somme conduit à cette probabilité. Trois jeux de coefficients sont nécessaires, pour les cas où la particule incidente est un électron, un proton ou un alpha.

En plus de ces 4 cartes, le modèle de scintillation trouve ses données dans un ensemble de cartes de données dédiées.

4.4.4 Modèle physique

La physique de la simulation Nucifer reprend directement celle de Double Chooz. Les processus basse énergie standards sont implémentés, avec traitement de l’optique. Comme les neutrons constituent une partie cruciale du signal neutrino, leur modélisation fait ap- pel au modèle Haute Précision de geant4 simplement appelé NeutronHP. L’installation des données nucléaires haute précision (sections efficaces d’interactions neutron matière notam-

ment) est indispensable. Malheureusement, les neutrons de basse énergie (comme nos neutrons thermiques) ne sont devenus des particules d’intérêt que récemment dans geant4, et prin- cipalement à cause des détecteurs neutrinos et de physique nucléaire. Même la bibliothèque haute précision est loin de regrouper l’ensemble des données nucléaires nécessaires pour un calcul neutronique précis, du moins jusqu’à la fin de l’année 2011. À ce moment a eu lieu la publication de geant4 version 9.5, qui entre autres améliorations propose une refonte du mo- dèle NeutronHP avec en particulier la mise à jour des données nucléaires, basées maintenant sur ENDF/B-VII (et avec la possibilité d’inclure une autre base de données nucléaire comme JEFF3). Le travail de portage vers la version 9.5 reste à faire mais s’avérera nécessaire au vu des systématiques cibles sur Nucifer et des biais induits par l’ancien modèle neutronique.

Le dernier point non encore inclus dans le modèle NeutronHP reste la prise en compte des liaisons moléculaires (de l’ordre de la dizaine d’électronvolts) dans les lois de renvoi angulaire lors d’une diffusion élastique à basse énergie (énergie thermique de l’ordre de la dizaine de milliélectronvolts). L’approximation actuelle considère tous les noyaux comme libres, ce qui correspond à un gaz monoatomique, mais pas à la matière condensée. L’effet de cette correc- tion est de désavantager légèrement la diffusion aux petits angles et donc de diminuer le libre parcours moyen, ce qui peut avoir un impact sur l’efficacité de collection des neutrons. Des comparaisons avec des codes neutroniques issus de la physique des réacteurs peuvent avoir lieu si besoin, comme dans le cas de Double Chooz avec la thèse de Thomas Mueller [28].

Deux particularités supplémentaires se dégagent par rapport à une modélisation standard : l’utilisation de la librairie GlenLAND et le modèle de scintillation. En plus de la géométrie réaliste des PM et d’un générateur d’événements très pratique (tirage aléatoire dans tout un volume, à sa surface, à partir de fichiers d’événements. . . ), cette bibliothèque implémente une nouvelle façon de gérer les événements longs grâce au « DeferTrackProcess ». Lors d’un événement neutrino ou de neutron rapide, un premier dépôt d’énergie a lieu à l’échelle de la nanoseconde où le code doit enregistrer les énergies, les positions. . . Puis le neutron diffuse pendant des dizaines ou des centaines de microsecondes, pendant lesquelles le code continue le traçage du neutron et l’enregistrement de chacune des traces, et ce jusqu’à la capture finale du neutron et un nouveau dépôt d’énergie. L’événement est donc très long avec une partie centrale longue et inutile. Le « DeferTrackProcess » sépare en deux les événements qui durent plus d’un certain temps (valeur paramétrée, habituellement 500 ns), pour ne conserver que les dépôts d’énergie.

Le modèle de liquide scintillant est celui de Double Chooz, écrit par Dario Motta. Il s’appuie sur un jeu de cartes de données contenant les données de scintillation, émission et absorption de composants habituels des liquides scintillants : huiles support, molécules scintillantes, additif fluorescent, décaleur de longueur d’onde, et complexe au gadolinium. La carte de données fluids_card.dat décrit la composition du liquide et le modèle optique recalcule une nouvelle carte de données dédiée aux propriétés optiques des liquides en mixant les différentes composantes. Une option dans Nucifer_Options.dat permet la lecture directe d’une carte de données pré-établie plutôt que l’utilisation du modèle.

4.4.5 Observables et sorties

Les sorties de la simulation de Nucifer utilisent un format de données commun avec les données expérimentales. Une partie des données de simulation est spécifique à la simulation : on parle d’information vraie. Les informations Monte Carlo vraies regroupent les données de génération de l’événement : énergie injectée, type de particule, position, direction, instant

de génération et énergie déposée par volumes d’intérêt. Les informations vraies en charge et temps sont les temps et poids des photons touchant les PM. À partir de ces charges et temps vrais, j’ai écrit la simulation de la numérisation par l’acquisition Nucifer, qui aboutit à des charges et temps similaires aux données expérimentales.

Pour cela, une impulsion de PM est reconstruite à partir des photons incidents. L’ampli- tude de chaque photoélectron est tirée dans une gaussienne asymétrique paramétrée dans la carte de données. Les valeurs proviennent de nos observations de photoélectron seul à l’oscillo- scope. Puis toutes les contributions des photoélectrons sont sommées pour fournir l’impulsion du PM. Une émulation de CFD numérique est ensuite appliquée à cette impulsion : on obtient ainsi un temps caractéristique, qui sert ensuite de base pour placer deux portes d’intégrations pour la charge totale et la charge de queue. On obtient au final à la fois des observables comparables aux données et au même format et les informations vraies pour interpréter la simulation.

De plus, l’analyzer peut avec une simple option procéder à l’analyse de simulations. J’ai ajouté un algorithme général qui compare les charges et les énergies et un algorithme qui compare les vertex d’interactions et les barycentres reconstruits.