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3.1 Principe de l’expérience

3.1.2 Réacteur Osiris

Le projet Nucifer vise d’abord un déploiement sur le réacteur de recherche Osiris, pour valider le détecteur dans un contexte de recherche, avant une éventuelle installation sur un réacteur industriel.

Description de l’installation

Le réacteur Osiris [72] est un réacteur nucléaire de recherche du CEA, situé à Saclay. Sa conception remonte aux années soixante et sa divergence au 8 septembre 1966.

Figure 3.1 – Le réacteur Osiris. [72]

Ce réacteur est principalement utilisé pour l’irradiation d’échantillons (études de combus- tibles, de matériaux. . . ) mais il assure également la production d’isotopes médicaux1 et le

dopage du silicium de qualité microélectronique par capture neutronique2, il est donc conçu

et opéré pour fournir un maximum de neutrons aux expériences.

Osiris est un réacteur piscine (comme le montre la figure 3.1) : le cœur est situé au milieu d’une piscine d’eau ultrapure, dont la surface est à l’air libre et où les expériences peuvent prendre place. Il est donc modéré et refroidi à l’eau légère. Un circuit de refroidissement séparé de la piscine3 encapsule toutefois le cœur pour évacuer les 70 MW

th d’Osiris dans

1. Le plus connu est le 99mTc, utilisé pour la scintigraphie, et obtenu par désintégration βà partir du

99Mo, lui-même obtenu comme produit de fission dans des capsules d’235U. D’autres isotopes comme le132I

ou le192Ir sont aussi produits par activation pour les traitements par irradiation.

2. Le dopage du silicium repose sur la réaction n +30Si →31Si∗ β

−−→31P + γ. Le phosphore a un électron

de valence de plus que le silicium, le dopage obtenu est donc n. Ce procédé permet d’obtenir une excellente homogénéité de dopant dans le silicium, un critère essentiel maintenant que les couches déposées en microélec- tronique atteignent parfois quelques atomes d’épaisseur.

3. La boucle primaire du circuit de refroidissement cœur n’est pas pour autant pressurisée, une connexion entre la piscine et la boucle est d’ailleurs présente au-dessus du cœur et une petite partie de l’eau primaire est

l’atmosphère grâce à des aéroréfrigérants forcés (figure 3.2). Le débit nominal de la boucle primaire est de 5600 m3/h, et l’eau monte de 38C à 47C en passant à travers le cœur. La

puissance thermique, paramètre de normalisation crucial, est mesurée par un bilan thermique au niveau des échangeurs primaires (mesures de température et de pression donnant le débit). Une étude récente menée au SPhN a montré que l’incertitude s’établissait à 2 % [73], et peut- être mieux sur la période de prise de données de Nucifer grâce à un suivi plus régulier des capteurs de pression.

Figure 3.2 – Circuit de refroidissement primaire. [72]

Cœur du réacteur

Osiris utilise un combustible à l’uranium très enrichi pour fournir le maximum de neutrons. Le taux d’235U atteint 19,75 %, juste en-dessous de la limite conventionnelle de l’uranium

militaire4. Le cœur a la forme d’un pavé à section carrée divisée en 7 × 7 emplacements. Ils

peuvent être occupés par un des 38 éléments combustibles, ou réservés pour le passage d’une des 6 barres de contrôle, ou faire partie des 5 emplacements expérimentaux (figure 3.3). Le côté d’un emplacement mesure 8,74 cm, et le combustible est contenu dans un carré de 61,2 cm de côté et de 63 cm de hauteur. Un rang de réflecteurs en béryllium forme une huitième ligne côté sud, afin d’obtenir un flux davantage thermique pour certaines irradiations (certains des éléments réflecteurs peuvent même contenir directement les échantillons en leur centre). Un élément combustible est formé de 22 plaques, chaque plaque contenant une épaisseur de 0,51 mm de combustible U3Si2Al (siliciure d’uranium) gaîné par 0,38 mm d’aluminium. Entre

chaque plaque, un canal de 2,46 mm permet le passage de l’eau. Les barres de commandes sont asymétriques, comprenant du hafnium (un très bon absorbant neutronique) en haut et du combustible en bas. La montée des barres ne provoque donc pas seulement la disparition d’éléments absorbants, mais aussi l’insertion de combustible jeune : la répartition du flux haut bas est donc modifiée.

prélevée et renvoyée dans le circuit piscine après les échangeurs entre boucle secondaire et boucle primaire. 4. De 1966 à début 1980, le réacteur a fonctionné avec un combustible U-Al enrichi à 93 % et de 1980 à

Figure 3.3 – Emplacements en cœur et en piscine. En rouge les barres de commande, en vert les emplacements d’irradiation. Le plan le plus utilisé en 2012 n’est pas avec une irradiation en 52 (la dizaine donne la ligne, l’unité la colonne), mais 2 irradiations en 22 et 26, avec combustible en 13 et 15 (Molfi). Le béryllium n’est pas représenté, il serait à la place des chiffres de 1 à 7 au sud [72].

Cycle de fonctionnement

Un cycle commence par la levée des deux barres d’arrêt (en général les barres 2 et 5 sur la figure 3.3), suivie de la levée successive et progressive des deux barres de démarrage (en général les barres 1 et 6 sur la figure 3.3). La divergence est atteinte au milieu de la quatrième barre, qui est totalement levée au bout de quelques jours. Le reste du cycle est contrôlé en levant successivement les 2 dernières barres (donc en général 3 et 4 sur la figure 3.3), ce qui induit un basculement gauche droite du flux neutronique en plus de l’effet bas haut déjà évoqué. De plus, le plan de chargement du réacteur est réévalué à chaque cycle pour offrir un flux neutronique approprié à chaque expérience, il faut donc s’attendre à des asymétries différentes à chaque cycle.

Le cycle dure une vingtaine de jours et consomme environ 2 kg d’235U, suivi d’une dizaine

de jours d’arrêt. Un sixième ou un septième des éléments combustibles sont remplacés à cette occasion. Osiris a également la particularité d’avoir un jumeau dans un bâtiment adjacent, Isis, qui a exactement la même géométrie et le même combustible mais est opéré à une puissance 100 fois inférieure et sert à tester les expériences.

Nucifer à Osiris

(a) En rouge, l’emplacement de Nucifer,

et en bleu le cœur [74]. (b) Blindages Nucifer dans la casemate d’expérience.Le cœur est représenté par le cube rouge. Figure 3.4 – Nucifer par rapport à Osiris.

Nucifer est installé sur le radier, au dernier niveau du réacteur situé −11 m sous le niveau de la surface de la piscine (figure 3.4a), d’où son nom de niveau « -11 ». Ce site permet de supporter la masse du détecteur et de ses blindages. Une légère protection contre les rayon- nements cosmiques est offerte par l’épaisseur des planchers supérieurs (voir section 3.1.4). Le réacteur est à peu près au niveau du plafond de la casemate (figure 3.4b), ses rayonnements étant atténués par les 2 m d’épaisseur du mur de béton et les 3,25 m d’eau entre le centre du cœur et le mur. Pourtant, des fuites significatives de gammas et de neutrons parviennent à passer le mur (voir section 3.1.4). Cet emplacement est donc défavorable du point de vue des bruits de fond, avec des bruits de fond cosmiques peu atténués et une ambiance gamma élevée. Détecter des neutrinos dans ces conditions n’est pas aisé.

Enfin, le déploiement de Nucifer impacte de plusieurs manières la sûreté de l’installation : – présence d’une tonne environ de liquide organique, donc inflammable, dont les vapeurs

peuvent avoir un point éclair relativement bas (jusqu’à 60◦C) ;

– présence de plusieurs tonnes de plastique, le tout formant une importante charge calo- rifique ;

– haute tension susceptible de fournir l’énergie d’activation nécessaire à un feu ;

– masse de plusieurs dizaines de tonnes implantée juste derrière le mur piscine, représen- tant un risque pour l’intégrité de la structure en cas de séisme.

La sécurité est elle-aussi en cause : risque d’incendie (conduisant à un risque de brûlures ou d’intoxication), d’explosion, d’anoxie (présence d’azote), de chute d’objets contondants (briques de plomb, éléments de la structure), chimique (les liquides scintillants sont souvent classés CMR - cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques) et radiologique (réacteur, sources). Dans ce contexte, un dossier de sûreté [75] et un dossier de sécurité [76] ont été constitués qui ont notamment conduit à la mise en place de capteurs (détecteurs de liquide au sol, d’excès d’azote, de fumée et de chaleur), de mesures anti-incendie (cloison et porte pare-feu) et à fixer la structure au sol et au plafond. Le référentiel de sûreté de l’installation étant impacté, l’accord de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) a été sollicité et obtenu, ce qui au total a demandé un délai d’environ deux ans.