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1.3 Oscillation des neutrinos

2.1.4 Réacteur nucléaire

Réacteur thermique, réacteur rapide

Pour construire un réacteur, 2 choix s’offrent alors :

– le réacteur thermique : le choix est fait de chercher à thermaliser les neutrons afin de tirer parti des grandes sections efficaces dans le domaine thermique. Pour cela, il faut que les neutrons entrent en collision avec des noyaux légers, ce qui se traduit dans le réacteur par l’ajout au voisinage immédiat du combustible d’un matériau riche en éléments légers (H, D ou C), le modérateur. Les neutrons émis lors de la fission sortent alors du combustible avant de se thermaliser dans le modérateur et d’y diffuser jusqu’à retrouver le combustible ou d’y finir absorbé3. Ce principe est utilisé par l’ensemble

des réacteurs électrogènes commerciaux aujourd’hui en service. Et pour les trois quarts d’entre eux, l’eau est utilisée à la fois comme modérateur et comme caloporteur, ce qui simplifie la conception, mais limite la température de sortie à 320°C4.

3. Ce qui conduit à l’adage suivant : « Dans un réacteur, tout neutron naît rapide et meurt thermique ». 4. Le point critique de l’eau est 374,15°C et 221,2 bars, mais les réacteurs se limitent à une pression de 155

– le réacteur rapide : le choix est fait de garder un spectre de neutron rapide. Les neutrons issus de la fission ne pouvant que perdre de l’énergie lors des collisions avec les noyaux du milieu, il faut chercher à les utiliser le plus vite possible et à minimiser les pertes d’énergies lors des collisions. Le cœur est donc compact et tout matériau condensé contenant des noyaux légers en est banni, ce qui interdit le refroidissement par eau et ne laisse que les métaux liquides (sodium, plomb) et les gaz (hélium). La section efficace de fission étant assez faible (autour du barn) pour les noyaux disponibles, et les réactions d’absorption peu en-dessous, il faut un flux très élevé et un fort enrichissement du combustible. Le réacteur fonctionne à plus haute température, ce qui augmente le rendement, et les fuites neutroniques élevées permettent de régénérer des noyaux fissiles à partir de noyaux fertiles. On peut voir les réacteurs à neutrons rapides comme des concepts plus performants mais nettement plus complexes (notamment du point de vue des matériaux) que les réacteurs thermiques.

Malgré les possibilités ouvertes par les réacteurs rapides, les contraintes qu’ils imposent en ont jusque là limité l’emploi à des réacteurs de recherche5. Aussi la suite de ce chapitre se concentrera exclusivement sur les réacteurs thermiques de puissance.

Filières de réacteurs thermiques de puissance

Un réacteur nucléaire est donc un système critique stable, au moins autour de son point de fonctionnement. En général un réacteur nucléaire est opéré pour produire de l’électricité, mais d’autres usages existent : étude de la physique des réacteurs (aujourd’hui remplacée par la simulation), source de neutrons, propulsion (sous-marin, porte-avion, brise-glace, avion, fusée6. . . ). La production de chaleur couplée avec la production électrique est également à

l’étude, cette chaleur pouvant par exemple servir à dessaler de l’eau de mer ou catalyser l’hydrolyse de l’eau pour produire de l’hydrogène.

Il existe un très grand nombre de réacteurs possibles, du réacteur naturel d’Oklo aux concepts futuristes à combustible liquide. Un réacteur est en effet relativement facile à réaliser pour peu que le fissile soit disponible : il n’a fallu que 3 ans entre la découverte de la fission en 1939 et la réalisation du premier réacteur nucléaire artificiel en 1942, par empilement manuel de blocs de graphite et d’uranium naturel (d’où le nom de « pile » encore associé au réacteur nucléaire). Un grand nombre de combinaisons sont possibles même en ne considérant que les 3 composants principaux :

– le combustible : choix de son état chimique (métal, oxyde, carbure. . . ), de sa géométrie (barreaux, boulets, liquide. . . ), et souvent de son gainage pour le séparer du caloporteur (matériau, géométrie. . . ) ;

– le modérateur : choix du matériau (eau légère, eau lourde, graphite, ou rien pour un réacteur rapide) et de sa géométrie ;

– le caloporteur : choix entre l’eau légère, un gaz (CO2, He. . . ), un métal liquide (Pb, Na)

pour les réacteurs rapides, voire un sel fondu (NaCl, LiF) pour un réacteur liquide. Un grand nombre de ces concepts a vu le jour, principalement pour des tests, et quelques

bars, où la température d’ébullition est d’environ 330°C.

5. Quelques prototypes tels Phénix et SuperPhénix ont bien été raccordés au réseau mais ces machines servaient davantage à étudier le concept qu’à produire du courant, et n’ont pas eu de successeurs à ce jour.

6. Un avion a volé avec un réacteur en fonctionnement à bord mais sa propulsion était assurée par des réacteurs classiques (Convair X-6 [50]). Plusieurs moteurs fusées nucléaires ont été testés au sol avec succès, aucun n’a décollé (projet NERVA [50]). Des concepts de propulsion spatiale ont aussi été proposés.

concepts spécifiques restent retenus pour des réacteurs de recherche, mais les réacteurs nu- cléaires commerciaux actuels se restreignent à quelques concepts. Tous sont thermiques, uti- lisent des barreaux d’oxyde d’uranium légèrement enrichi (figure 2.7) et sont refroidis à l’eau. L’eau pouvant à la fois thermaliser les neutrons et évacuer la chaleur, un même circuit peut être utilisé pour les rôles de caloporteur et de modérateur. Ce concept très répandu dans le monde (les trois quarts des réacteurs commerciaux, et la grande majorité des projets de construction) prend le nom de Réacteur à Eau Légère (REL ou LWR pour « Light Water Reactor » en anglais, figure 2.8). Seule l’eau légère est utilisée dans ce double rôle, car le circuit thermohydraulique génère des fuites et des effluents que le coût de l’eau lourde rend inacceptables. Les autres filières utilisent l’eau lourde (CANDU canadien) ou le graphite (RBMK russe) comme modérateur, et résultent de choix historiques.

Le REL se décline en deux sous-filières, le Réacteur à Eau Bouillante (REB ou BWR pour « Boiling Water Reactor ») et le Réacteur à Eau Pressurisée (REP ou PWR pour « Pressurised Water Reactor ») qui équipe l’ensemble du parc français. Le REP et le REB diffèrent par le nombre de circuits de refroidissement : dans un REB l’eau est vaporisée au contact du cœur dans le premier circuit et le second évacue la chaleur grâce à la source froide, alors que dans un REP le premier circuit maintient l’eau liquide en permanence, la vapeur est produite dans le deuxième circuit et un dernier circuit évacue la chaleur.

Figure 2.7 – Assemblage de REP. Une grappe de commande contenant un absor- bant neutronique, souvent du bore, est in- sérée dans l’assemblage [56, 52].

Figure 2.8 – Cœur de REP sous eau. Le cœur est en cours de rechargement, sous eau pour contenir la radio- activité et refroidir le combustible usé. La couleur bleu est due au rayonnement Cerenkov induit par les γ émis par les produits de fissions [57, 52].

Un rassemblement d’États, d’industriels et d’organisations internationales appelé « Forum Génération IV » s’est constitué pour étudier l’électronucléaire du futur. Six concepts ont été retenus [58] : réacteur rapide au sodium, réacteur rapide au plomb, réacteur rapide à gaz, réacteur à eau supercritique, réacteur rapide à sels fondus, et réacteur à gaz à haute tempéra- ture. Tous seront très difficiles à industrialiser, bien que tous profitent de retours d’expérience de réacteurs de recherche ou même de prototypes. Le déploiement de ces technologies n’est

pas attendu dans les meilleurs scenarios avant 2050.