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7.2 Bruits de fond réacteur éteint

7.2.3 Événements corrélés

Nous avons d’abord observé les événements corrélés issus de la source AmBe. L’événement prompt résulte de la superposition du gamma de 4,4 MeV et du neutron rapide, autour de 5,5 MeV, alors que l’événement retardé correspond à la capture du neutron sur le gadolinium, autour de 8 MeV. Le spectre attendu a déjà été présenté en figure 7.6. En conséquence, j’ai choisi de chercher le prompt entre 500 et 1200 photoélectrons et le retardé entre 700 et 1600 photoélectrons.

La figure 7.16 montre la distribution des écarts en temps entre ces deux événements. Les 4 premières microsecondes sont vides à cause du veto QDC, puis vient une exponentielle décrois- sante qui aboutit à un plateau. Le temps caractéristique de l’exponentielle est (7,1 ± 0,1) µs, une valeur compatible avec un dopage en gadolinium à 0,5 % en masse. Le sommet de la distribution est par contre légèrement arrondi. Ce comportement est attendu, car le neutron commence par se thermaliser avant d’atteindre sa probabilité maximale de capture et la ther- malisation peut prendre quelques microsecondes. Le plateau est légèrement pentu parce que la méthode de recherche des coïncidences s’arrête dès que le premier événement retardé est trouvé, ce qui défavorise les grands écarts en temps et provoque l’apparition d’une exponen- tielle paramétrée par la fréquence d’événements simples. Ici, la décroissance de l’exponentielle est suffisamment lente pour être ajustée par une droite.

/ ndf = 175.3 / 178 2 χ Prob 0.5424 p0 800.3 ± 7.2 p1 -0.3561 ± 0.0537 p2 12.46 ± 0.01 p3 -0.1405 ± 0.0006 s] µ [ prompt - t delayed t 0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 Entries [] 3 10 4 10 5 10 χ2 / ndf = 175.3 / 178 Prob 0.5424 p0 800.3 ± 7.2 p1 -0.3561 ± 0.0537 p2 12.46 ± 0.01 p3 -0.1405 ± 0.0006 s µ = 7.12 τ y = -0.36 x + 800

Figure 7.16 – Écarts en temps entre événements prompts et retardés de source AmBe. Source au centre de Nucifer.

La figure 7.17a présente les spectres pour les événements prompts et retardés, compa- tibles avec la forme annoncée par la simulation. Plus surprenant, la figure 7.17b montre sans ambiguïté une légère PSD, alors que le prompt est la superposition d’un gamma et d’un neutron rapide. Dans ces conditions, le paramètre de mérite s’établit à 0,28 alors qu’il avait été impossible de mettre en évidence cet effet à l’ALS avec le liquide prototype : seul le cas où le neutron est seul à interagir, avec la source à l’extérieur, avait donné lieu à une PSD observable.

Qtot [pe] 0 500 1000 1500 2000 2500 Entries [] 0 200 400 600 800 1000 1200 1400 1600 1800 Prompt Delayed

(a) Spectres prompt et retardé

Qtail / Qtot [] 0.1 0.12 0.14 0.16 0.18 0.2 0.22 0.24 Entries [] 0 2000 4000 6000 8000 10000 12000 14000 16000 18000 20000 22000 Prompt Delayed = 0.1397 µ = 0.152 µ = 0.00714 σ = 0.0115 σ FoM = 0.28

(b) Rapports Qtail/Qtot prompt et retardé

Figure 7.17 – Spectres et PSD prompts et retardés pour la source AmBe.

Source AmBe externe en coïncidence

Pour obtenir le véritable facteur de mérite, nous avons reproduit à Osiris l’expérience de la source AmBe externe avec Nucifer en coïncidence avec un scintillateur, décrite en section 6.3.1. La figure 7.18 montre le rapport Qtail/Qtot obtenu avec l’ej335. Comme il est néces-

saire d’intercaler un module de coïncidence supplémentaire dans l’acquisition Nucifer entre la somme des 16 PM et le déclenchement, les portes d’intégration sont décalées par rapport à nos mesures de référence (voir figures 7.17b et 7.20) et les positions des pics en Qtail/Qtot

changent. Après soustraction du bruit de fond, le signal apparaît avec un paramètre de mérite ne valant plus que 0,44, un chiffre à comparer au 1,2 mesuré sur banc de test et à l’extra- polation FoM&1,0 réalisée après la mesure de la PSD dans le prototype. En s’appuyant sur l’abaque présentée en figure 5.5, une conservation de 99 % du signal positon conduit à une probabilité de réjection d’environ 50 %.

Qtail / Qtot [] 0 0.05 0.1 0.15 0.2 0.25 0.3 Entries [] 0 200 400 600 800 1000 Signal Background Subtraction = 0.087 µ = 0.011 σ = 0.129 µ = 0.030 σ FoM = 0.44

Figure 7.18 – Rapport Qtail/Qtot obtenu à Osiris. Source AmBe en rouge, sans source en bleu,

Bruit de fond corrélé et accidentel

J’ai ensuite cherché des événements corrélés directement dans le bruit de fond. Les cou- pures en énergie sont typiquement celles utilisées pour la recherche de neutrinos : la coupure prompte débute au seuil et monte à 6 ou 8 MeV. La coupure neutron va généralement de 6 à 10 MeV. Ces coupures ne sont que préliminaires, puisqu’elles ne seront fixées que par le meilleur rapport signal sur bruit dans la recherche de neutrinos, réacteur allumé.

s] µ [ prompt - t delayed t 0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 Entries [] 0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 type evt ν

type evt, veto software ν

s

µ

= 8.33

τ

Figure 7.19 – Événements corrélés dans le bruit de fond. Données acquises après la fermeture du veto muon, mais avant la fermeture des blindages.

La figure 7.19 montre que des événements corrélés sont présents dans le bruit de fond, suivis par un très faible nombre de coïncidences fortuites. Les données utilisées ici datent de l’intégration de Nucifer, lorsque la cuve avait été insérée dans les blindages, mais que ces derniers n’avaient pas encore été complétement refermés. Le veto muon est complet, mais le dernier mur de polyéthylène et de plomb n’est pas encore monté. Cette situation permet d’avoir un grand nombre de neutrons rapides dans la cuve, au détriment d’un test en condition réelle du veto muon, qui ne permet ici de rejeter que 20 % des événements corrélés.

Le temps caractéristique de l’exponentielle vaut ici (8,3 ± 0,2) µs, soit une microseconde de plus que pour la source AmBe. Nous attribuons cet écart au temps de thermalisation du neutron, probablement supérieur car les neutrons cosmiques sont plus rapides que les neutrons de source AmBe. Des simulations avec un code de neutronique sont prévues pour comprendre la différence, soit mure à Subatech soit tripoli4 au SERMA.

J’ai également cherché à mettre en évidence la PSD, donc en conditions réelles puisque le but est bien de réduire le bruit de fond corrélé. La figure 7.20 montre un paramètre de mérite qui s’établit à 0,5 soit une valeur supérieure au 0,44 mesuré avec la source AmBe externe en coïncidence (voir section 7.2.3). Comme la PSD augmente avec l’énergie de la particule incidente (voir figure 5.3), cela peut s’expliquer par l’énergie élevée des neutrons induits par muons par rapport aux neutrons de la source AmBe, limités à quelques MeV.

Cette valeur du paramètre de mérite n’est pas satisfaisante au regard des très bonnes performances de l’ej335 sur banc de test, mais à l’inverse il n’était pas sûr que la PSD soit encore exploitable avec autant d’atténuation. Si nous prenons comme référence un paramètre de mérite de 0,5, nous pouvons rejeter 65 % des événements de neutrons rapides en ne perdant que 1 % des neutrinos.

Qtail / Qtot [] 0.1 0.15 0.2 0.25 0.3 Entries [] 0 50 100 150 200 250 300 350

FoM = 0.50

Prompt Delayed = 0.141 µ = 0.0081 σ = 0.182 µ = 0.027 σ

Figure 7.20 – Rapport Qtail/Qtot des événements prompts et retardés de bruit de fond.

La figure 7.19 montre également un plateau à très faible statistique de coïncidences for- tuites après le pic des événements corrélés. Après 100 µs, l’influence des corrélations est dis- sipée et ce plateau permet la mesure du taux d’événements accidentels. Pour augmenter la statistique, nous augmentons la profondeur en temps de notre recherche de paires, en cher- chant l’événement retardé jusqu’à plusieurs milliseconde. Pour cela, nous avons développé 2 techniques dans le cadre des stages de Johan Pelzer [73] et Vincent Fischer [110] :

1. la recherche de paires multiples : après avoir sélectionné un événement prompt, nous cherchons tous les événements qui passent la sélection retardée dans une porte allant jusqu’à 10 ms, et nous ajoutons à la distribution tous les écarts en temps entre ce prompt et tous ces retardés ;

2. les portes décalées : après avoir sélectionné un événement prompt, nous cherchons l’évé- nement retardé à partir d’un temps arbitraire (de plus de 100 µs) après le prompt, ce qui revient à décaler la porte de coïncidence ; puis nous répétons le processus pour 100 portes décalées et pour chaque décalage nous construisons la distribution des écarts en temps sans le décalage arbitraire.

Nous attendons un plateau plat dans le cas de première méthode, et 100 plateaux identiques dans le cas de la seconde. L’ajustement de ces plateaux divisés par leur durée donne ensuite le taux de coïncidences fortuites. Les résultats obtenus sont comparables dans nos barres d’erreur. Par contre, les résultats varient énormément en changeant les coupures, comme le montre le tableau 7.2.

Comme attendu, la coupure basse en énergie est beaucoup plus influente que la coupure haute. La coupure veto rejetant tous les événements dans les 100 µs suivant un signal du veto ou une saturation du détecteur permet de gagner presque un ordre de grandeur sur les bruits de fond accidentels. À l’inverse, la coupure PSD rejetant tous les événements avec un rapport

Qtail/Qtot inférieur à 0,18 n’influe que très peu sur ces événements, ce qui était attendu.

Les coupures veto et PSD sont plus équilibrées sur les corrélés, avec un rejet d’un facteur 3 chacune.

Coupure

prompte (pe) aucuneCoupures veto logiciel et PSDveto veto et PSD

100<Qtot<600 700 ± 10466 ± 1 51,1 ± 0,4214 ± 5 45,3 ± 0,371 ± 3

200<Qtot<600 102,6 ± 0,5 11,6 ± 0,2448 ± 7 120 ± 4 10,8 ± 0,233 ± 2

200<Qtot<800 105,1 ± 0,5 11,9 ± 0,2559 ± 8 149 ± 4 11,0 ± 0,242 ± 2

Table 7.2 – Taux quotidiens de bruits de fond accidentel (en bleu) et corrélé (en rouge), pour 3 coupures promptes, coupure veto muon 100 µs et coupure de PSD à 0,18. La coupure retardée est 600<Qtot<1000 photoélectrons.

Avec tous les blindages, un veto de 100 µs derrière chaque déclenchement veto muon et chaque saturation du détecteur, une coupure en PSD et des coupures en énergie réalistes (prompt entre 200 et 600 photoélectrons, retardé entre 600 et 1000), le taux d’événements corrélés s’établit à (33 ± 2) /jour et le taux d’événements accidentels à (10,8 ± 0,2) /jour. Même si ces chiffres sont appelés à changer avec le nouveau liquide et les coupures finales déterminées réacteur allumé, les taux d’événements corrélés avec la coupure veto sont bien inférieurs aux 650 événements/jour prédits par les simulations préliminaires.

La simulation geant4 de la capture neutron est présentée figure 7.21a avec le liquide actuel. Dans nos coupures d’analyse, 25 % des neutrons injectés dans la cuve sont détectés, un chiffre proche des 28 % du cas idéal (voir figure 4.9).

Qtot [pe] 0 200 400 600 800 1000 1200 1400 1600 1800 2000 Entries [] 0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 220 25 %

(a) Neutrons de 20 keV homogènes et isotropes dans Nucifer. L’efficacité est évaluée entre 600 et 1000 photoélectrons, nos coupures d’analyse.

Qtot [pe] 0 200 400 600 800 1000 1200 1400 1600 1800 2000 Entries [] 0 500 1000 1500 2000 2500

(b) Énergie visible des neutrinos générés par

NuMC. L’efficacité est évaluée pour 3 coupures dif- férentes.

Figure 7.21 – Spectres simulés pour les événements prompts et retardés, en photoélec-

trons, avec l’EJ335 actuel.

Le couplage entre NuMC et geant4 permet d’obtenir un spectre en charge des événements neutrinos, présenté figure 7.21b. Pour les 3 coupures du tableau 7.2, les efficacités positons sont présentées dans le tableau 7.3. En prenant en compte l’efficacité neutron et l’efficacité en temps, on obtient également les taux de neutrino attendus et les rapports signal sur bruit.

Coupure prompte (pe)

100<Qtot<600 200<Qtot<600 200<Qtot<800

efficacité positon (%) 58 % 46 % 62 %

taux de neutrino (νe/jour) 142 ± 5 112 ± 5 151 ± 5

signal / bruit corrélé OFF 2,0 3,4 3,6

Table 7.3 – Taux de neutrinos et rapport signal sur bruit attendus avec l’EJ335 actuel.

Avec la coupure prompte 200<Qtot<600, 112 neutrinos sont attendus par jour, un chiffre

à comparer aux 207 neutrinos par jour dans nos simulations avec une coupure à 2 MeV pour le prompt et à 6 MeV pour le retardé avec un liquide complètement transparent (voir le tableau 4.3). Ce liquide a donc un fort impact sur les performances du détecteur. Le rapport signal sur bruit corrélé se dégrade en baissant la limite basse de la coupure prompte mais s’améliore en montant sa limite haute, ce qui s’explique par la forme du bruit de fond, plus important à basse énergie.

Ces simulations fournissent une base réaliste pour affirmer que la réjection des bruits de fond corrélés est faisable dans Nucifer à Osiris, grâce à l’efficacité de notre veto et à la PSD. Avec le changement de liquide, la résolution en énergie va d’abord s’améliorer. Davantage de neutrinos sont alors attendus, et le bruit de fond à basse énergie qui est actuellement étalé dans tout le spectre devrait être mieux confiné sous le seuil de déclenchement, réduisant le taux d’événements accidentels dans les coupures. De plus la PSD devrait être améliorée, le paramètre de mérite passant de 0,5 à plus de 0,7 (voir figure 7.20 et tableau 5.3). Par contre il est possible que l’amélioration de la résolution augmente également le nombre de captures neutrons accidentelles comptabilisées. Globalement, le rapport signal sur bruit de fond corrélé réacteur éteint devrait donc s’améliorer, nous laissant plus de marge de manœuvre pour relâcher les coupures et augmenter l’efficacité neutrino.