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La sexualité joue un rôle crucial dans l'élaboration de son identité et permet donc de donner de nouvelles directions concernant la définition de la femme.

L'image de soi, l'initiation à la sexualité, la découverte du plaisir, du désir, de l'orgasme, les fantasmes sur le couple, les angoisses face à cet apprentissage sexuel sont des sujets sur lesquels la société a fortement progressé, ébranlant ainsi la signification du couple et de la famille.

Depuis la révolution féminine du XXe siècle, les femmes ne sont plus soumises à la domination masculine. Elles créent leur propre existence dans une totale individualité, en explorant leurs propres désirs, sans être sous la tutelle du père ou du mari, à l'image de cette citation d'Albert Camus « Sentir sa vie, sa révolte, sa liberté, et le plus possible, c'est vivre, et le plus possible »234.

Les consciences se sont éveillées, les codes moraux se sont renversés, l'identité et la singularité de chaque femme sont reconnues. Des rapports de force à l'égalité, les femmes et les hommes conservent néanmoins une connexion complexe et vacillante surtout en couple. Selon Joy Sorman, qui s'est notamment penché sur la notion de couple, un couple c'est :

« S'abandonner mais se tenir, se glisser dans ses bras mais dire pourquoi, demander un baiser et puis s'enfuir, revigorée. Parce qu'il soulage le couple, permet une vie sociale plus sereine, plus assurée ; ce n'est pas le moindre de ses mérites... Le couple est salvateur parce qu'il gère les insuffisances, les carences, satisfait le corps désirant et le moi social, pose son homme et propose à chacun de vider son sac. Ici se tracent les limites de ma virilité, ici je récupère mon statut sexuel initial, mais il reste cette tension par laquelle je poursuis mon devenir mâle : je n'oublie pas le monde. Elle cherche le compromis, pas celui qui ne tient pas, le tiède et le bancal, mais celui qui assure la paix, sa pérennité et son consensus dur. »235

Grâce à cette définition du couple, il nous fait part des difficultés que peuvent rencontrer les femmes quand elles sont en couple : entre intrication et tension. En effet, c'est savoir être en couple avec autrui mais rester également soi-même. Le couple est cet engagement entre deux libertés bien distinctes.

De l'émancipation féminine au rejet du freudisme sur la femme, identifiée comme un être castré, la sexualité est essentielle à la définition d'une femme pour son indépendance et sa liberté. Les femmes continuent ainsi d'évoluer tandis que les hommes se perdent et stagnent par leur retard.

234 Albert Camus, Le Mythe de Sisyphe, Gallimard, Paris, 1994, p262 235 Joy Sorman, Boys, Boys, Boys, Gallimard, Folio, Paris, 2007, p91-92

L'émancipation de la femme a permis également la libération sexuelle : elle peut être libre de son corps et de son esprit. Elle anéantit par conséquent les tabous sexuels. Le couple n'est plus formaté par l'hétérosexualité, les individu-e-s peuvent sonder leurs désirs, se masturber et connaître plusieurs partenaires.

La découverte de la sexualité permet aux femmes de s'épanouir. Cette pensée est largement partagée par Simone de Beauvoir dans le Deuxième Sexe. Elle y souligne l'importance pour le sexe féminin, dans l'acte sexuel, il « engage une grande partie de sa destinée »236.

À partir de comparaisons binaires classiques, l'écrivaine rejette les similitudes soi-disant naturelles entre les deux sexes, ou encore cette théorie archaïque selon laquelle le coït est une jouissance individuelle, où la procréation devient un service pour l'espèce humaine. Au contraire, la femme, à l'instar de l'orgasme féminin, a une quête continuelle proche de l'insatisfaction. « L'érotisme de la femme est beaucoup plus complexe et il reflète la complexité de la situation féminine. La femelle est en proie à l'espèce dont les intérêts sont dissociés de ses fins singulières ; cette antinomie atteint chez la femme son paroxysme ; elle s'exprime entre autres par l'opposition de deux organes : le clitoris et le vagin. » Ces théories sexuelles, inouïes pour l'époque, expliquent donc que le plaisir féminin est souvent associé à la procréation par la stimulation vaginale. Mais l'épanouissement sexuel de la femme ne dépend pas seulement du savoir biologique mais aussi des conditions sociales et économiques.

Afin de parcourir pleinement la sexualité et de découvrir le plaisir sexuel, la femme doit s'émanciper des stéréotypes patriarcaux où elle serait un être accompli grâce à la grossesse, l'accouchement et l'allaitement. « Pour la société patriarcale, l'acte de chair, s'il n'est pas sanctifié par le code, par le sacrement, est une faute, une chute, une défaite, une faiblesse ; elle se doit de défendre sa vertu, son honneur ; si elle « cède », si elle « tombe », elle suscite le mépris ; tandis que dans le blâme même qu'on inflige à son vainqueur, il entre de l'admiration. »237 Ces préjugés sur la

libération sexuelle est encore d'actualité, pour cause l'humiliation faite aux femmes qui portent des jupes ou qui se font régulièrement insulter sans raison, comme si la prostitution était un acte condamnable et infâme.

236 Simone de Beauvoir, Le Deuxième Sexe Tome 2 Chapitre 3 L'Initiation sexuelle, Gallimard, Folio/essai, Paris, 2015, p145

« L'expérience érotique est une de celles qui découvrent aux êtres humains de la façon la plus poignante l'ambiguïté de leur condition ; ils s'y éprouvent comme chair et comme esprit, comme l'autre et comme sujet. C'est pour la femme que ce conflit revêt le caractère le plus dramatique parce qu'elle se saisit d'abord comme objet, qu'elle ne trouve pas tout de suite dans le plaisir une sûre autonomie ; il lui faut reconquérir sa dignité de sujet transcendant et libre tout en assumant sa condition charnelle : c'est une entreprise malaisée et pleine de risque ; elle sombre souvent. »238

La sexualité féminine demeure indéfiniment délicate et les prémices de cette recherche débutent dès l'adolescence. Cette période juvénile, faite de doutes et d'apprentissages, est déstabilisante, surtout pour la jeune fille qui appréhende sa première fois, expérience qui se rapproche d'un viol.

« Maintenant elle est empoignée, elle est emportée dans un corps à corps où l'homme est le plus fort ; elle n'est plus libre de rêver, de reculer, de manœuvrer : elle est livrée au mâle, il dispose d'elle... Il n'est pas rare que la première expérience de la jeune fille soit un véritable viol et que l'homme se montre odieusement brutal... Ce qui est extrêmement fréquent dans tous les milieux, dans toutes les classes, c'est que la vierge soit brusquée par un amant égoïste qui cherche au plus vite son propre plaisir, ou par un mari fort de ses droits conjugaux que la résistance de son épouse blesse comme une insulte, qui va jusqu'à se mettre en fureur si la défloration est difficile. »239

Même si les idées de Simone de Beauvoir sont contextuelles, l'initiation sexuelle reste difficile et douloureux pour une jeune fille qui offre sa virginité, « son plus précieux trésor »240. À

cet instant, la femme est touchée au plus profond d'elle-même par la pénétration.

Si auparavant la virginité était un symbole de pureté et d'honnêteté de la femme, aujourd'hui elle est déshonorante, une honte à se débarrasser au plus vite. La qualité de « vierge », avant sacralisée, est défavorable, honteuse et parfois inavouable au premier partenaire, à l'époque actuelle. La virginité est considérée comme la représentation de la naïveté d'une jeune fille qui doit s'en affranchir pour s'émanciper. Nonobstant, le dépucelage reste toujours important dans l'épanouissement de la femme, une étape décisive dans l'initiation sexuelle de la jeune fille. Simone de Beauvoir et Colette apportent des comparaisons entre la femme et l'homme sur cette sensible phase de la vie et des réactions sur l'identité personnelle.

238 Simone de Beauvoir, Le Deuxième Sexe Tome 2 Chapitre 3 L'Initiation sexuelle, Gallimard, Folio/essai, Paris, 2015, p188

239 Ibid. p161 240 Ibid. p163

L'initiation sexuelle chez Colette apparaît dès la rencontre avec Mme Dalleray, la Dame en blanc, celle qui va initier Phil aux joies de la sexualité et de la sensualité. Toujours habillée, elle est semblable à une prêtresse, silencieuse, mystérieuse et supérieure.

« Ses paroles, et son regard impassible où flottait un arrière-sourire, blessèrent Philippe... Il entendit grincer une grille à l'angle du mur, et sa tentative de fuite le mena juste devant la porte ouverte, une allée d'hortensias roses apoplectiques, et la Dame en blanc.

– Je m'appelle Mme Dalleray, dit-elle. – Philippe Audebert, dit Phil précipitamment.

Elle esquissa un geste d'indifférence et fit un « oh !... » qui signifiait : « Cela ne m'intéresse pas ».

Elle marchait près de lui et subissait sans broncher le soleil sur ses cheveux noirs, tirés et brillants. Il se mit à souffrir de la tête, et se crut insolé en retrouvant, auprès de Mme Dalleray, cet espoir, cette appréhension d'un évanouissement qui l'eût délivré de penser, de choisir et d'obéir...

Il entra et crut perdre pied en pénétrant dans une pièce noire, fermée aux rayons et aux mouches. La basse température qu'entretenaient persiennes et rideaux tirés lui coupa le souffle. Il heurta du pied un meuble mou, chut sur un coussin, entendit un petit rire démoniaque, venu d'une direction incertaine, et faillit pleurer d'angoisse...

Une main blanche plongea trois doigts dans le verre et les retira aussitôt. Le feu d'un diamant brilla, reflété dans le cube de glace que serraient les trois doigts. La gorge serrée, Philippe but, en fermant les yeux, deux petites gorgées, dont il ne perçut même pas le goût d'orange acide ; mais quand il releva les paupières, ses yeux habitués discernèrent le rouge et le blanc d'une tenture, le noir et l'or assourdi des rideaux. Un ara rouge et bleu, sur son perchoir, ouvrit son aile avec un bruit d'éventail, pour montrer son aisselle couleur de chair émue...

– Il est beau, dit Phil d'une voix enrouée.

– D'autant plus beau qu'il est muet, dit Mme Dalleray.

Elle s'était assise assez loin de Philippe, et la fumée verticale d'un parfum qui brûlait, répandant hors d'une coupe l'odeur de la résine et du géranium, montait entre eux. Philippe croisa l'une sur l'autre ses jambes nues, et la Dame en blanc sourit, pour accroître la sensation de somptueux cauchemar, d'arrestation arbitraire, d'enlèvement équivoque qui ôtait à Philippe tout son sang-froid...

Elle n'avait pas fait un mouvement depuis leur entrée dans la pièce obscure, ni risqué une parole qui ne fût parfaitement banale. Pourtant le son de sa voix, chaque fois, infligeait à Philippe une sorte inexprimable de traumatisme, et il reçut avec terreur la menace d'un mutuel silence. Sa sortie fut piteuse et désespérée. Il heurta son verre à un fantôme de petite table, proféra quelques mots qu'il n'entendit pas, se mit debout, gagna la porte en fendant des vagues lourdes et des obstacles invisibles, et retrouva la lumière avec une aspiration d'asphyxié. »241

L'initiation sexuelle de Phil avec la Dame en blanc est très subtile. Empreint de sensations, d'hésitations et de maladresses, le coït n'est pas explicite. Au contraire, la narratrice partage sa parole avec les impressions sensorielles et psychiques du jeune homme. Privé de la vue et tentant de se repérer par les odeurs, Phil se laisse quand même envahir par ce mélange d'excitation et de peur qui tourne même à l'angoisse. La perte de sa virginité se révèle par sa voix enrouée et la nudité de ses jambes. Mme Dalleray reste toujours mystérieuse, ce qui souligne l'importance du silence à ce moment-là. Les mots sont insuffisants face à la profusion d'émotions ressentie lors la première fois. Ce double discours entre Phil et la narratrice permet de suggérer l'égalité entre la femme et l'homme sur le champ du sensible lors de l'initiation sexuelle. Lors de la narration sur l'initiation sexuelle de Phil, Vinca est encore présentée comme « une enfant qui à ses côtés grandissait, portant sa tête

blonde et droite comme un épi »242. Sa première fois marque néanmoins sa maturité et la fin de

l'enfance du roman.

Vinca est bien différente de Mme Dalleray aux yeux de Phil. C'est pourquoi l'initiation sexuelle de Vinca, réalisée par le jeune homme, est éloignée de cette « violence qui la change en femme : on parle aussi de « ravir » sa virginité à une fille, de lui « prendre » sa fleur. »243 Au

contraire, elle se rapproche des plaisirs de l'amour et « cette défloraison n'est pas l'aboutissement harmonieux d'une évolution continue, c'est une rupture abrupte avec le passé, le commencement d'un nouveau cycle. »244

« Philippe la contemplait sans gratitude, en souffrant hostilement... Une comparaison, que des heures d'amour caché, là-bas, à Ker-Anna, ne lui avaient point inspirée, commençait ici, comparaison qui n'atteignait pas encore la personne de Vinca, Vinca religion de toute l'enfance, Vinca délaissée respectueusement pour la dramatique et nécessaire ivresse d'une première aventure...

241 Colette, Le Blé en Herbe, Flammarion, Paris, 2015, p82-86 242 Ibid. p105

243 Simone de Beauvoir, Le Deuxième Sexe Tome 2 Chapitre 3 L'Initiation sexuelle, Flammarion, Folio/essai, Paris, 2015, p147

Moins gaie depuis une quinzaine, elle montrait plus de calme, et une égalité d'humeur obstinée qui inquiétait Philippe. Avait-elle vraiment voulu mourir avec lui, plutôt que d'attendre le temps d'aimer librement, cette jeune ménagère coiffée à la Jeanne d'Arc ? Le garçon aux sourcils froncés le changement, mais il ne songeait presque pas à Vinca en la contemplant. Présente, le péril de la perdre cessait, et l'urgence de la recouvrer ne le tourmentait plus. Mais une comparaison commençait, à cause d'elle. La faculté nouvelle de sentir, de souffrir inopinément, l'intolérance dont l'avait doté récemment une belle pirate, s'enflammaient au moindre choc, et aussi cette loyale injustice, ce début dans l'élévation qui consiste à reprocher au médiocre sa médiocrité et sa philosophie. Il découvrait, non seulement le monde des émotions qu'on nomme, à la légère, physiques, mais encore la nécessité d'embellir, matériellement un autel où tremble une perfection insuffisante. Il connaissait une naissante faim pour ce qui contente la main, l'oreille et les yeux – les velours, la musique étudiée d'une voix, les parfums. Il ne se le reprochait pas, puisqu'il se sentait meilleur au contact d'un enivrant superflu, et que certain vêtement de soierie orientale, endossé dans l'ombre et le secret de Ker-Anna, lui ennoblissait l'âme. »245

Dans cet extrait, au début, Phil ne reconnaît pas la femme qu'est Vinca car pour lui la maturité féminine est représentée par la Dame en blanc. Il la voit encore comme une petite fille « coiffée à la Jeanne d'Arc ». Mais, au cours de ce passage, la vision de Phil sur Vinca change progressivement, au fur et à mesure de ses sentiments pour la jeune fille. L'amour qu'il ressent éveille sa sexualité, non plus comme cette excitation physique de la découverte avec Mme Dalloray, mais des sentiments qui agitent tous ses sens. En prenant conscience de la part de la féminité et de la sagesse de Vinca, Phil mûrit également en désirant devenir un homme responsable, épanoui et parfait. Grâce à cette révélation sur une Vinca femme, Phil devient viril et masculin à son tour. Il a le désir de partager toutes ces nouvelles sensations avec celle qu'il aime, celle à qui toutes les pensées sont destinées. Ce désir, enfin reconnu par Phil, dévoile toute la trame du roman et en donne le sens.

La fin de l'enfance est marquée par les pensées de Phil : « Nous finissons ici, cette année, pensait sombrement Philippe, en regardant la mer. Vinca et moi, un être juste assez double pour être deux fois plus heureux qu'un seul, un être qui fut Phil-et-Vinca va mourir ici, cette année. »246 Cette

conclusion adolescente dévoile la création d'un nouvel être, à la limite de la monstruosité par son aspect hybride, qu'est « Phil-et-Vinca ».

245 Colette, Le Blé en Herbe, Flammarion, Paris, 2015, p132-133 246 Ibid. p135

Ces révélations libératrices sensorielles et sentimentales de Phil rejoignent l'évolution de la femme vers la liberté. Actuellement, et depuis l'émancipation féminine, les femmes sont sans tabou, plus épanouies, plus libres sexuellement. Grâce à l'éducation, elles explorent la jouissance plus tôt, parviennent à démasquer les mystères du plaisir et de l'orgasme que toute femme se doit de connaître.

L'apprentissage, la situation et l'initiation à la sexualité jouent un rôle essentiel dans l'épanouissement personnel. Les us et coutumes ont changé, la masturbation et la sexualité libre ne sont plus autant jugées obscènes. L'introduction érotique reste néanmoins angoissante et bouleversante pour la majorité des femmes. Considérée comme la représentation de l'entrée dans le monde des adultes, la première relation sexuelle a une charge symbolique très importante. Sans éducation sur la sensualité, le premier rapport est rarement satisfaisant car il est difficile de s'abandonner à l'inconnu.

D'autre part, la vie sexuelle d'un individu touche la vie intime et engendre un nouveau rapport avec le corps. Cette expérience physique et donc charnelle permet de se créer librement et montrer que l'identité et le genre ne sont pas issus de la nature. Cette critique est développée par Judith Butler : le sexe et son aspect corporel ne sont pas naturels mais des outils du langage. « Le chaos libidinal caractéristique de cette dépendance précoce est pleinement contenu par un.e agent.e unitaire dont le langage est structuré par une loi. En retour, ce langage structure le monde en supprimant les significations plurielles et en les remplaçant par des significations univoques et clairement distinctes. »247 En voulant définir rigoureusement l'humanité par des signes et leur sens,

le langage prive toute diversité au monde.

À partir des analyses de Julia Kristeva, dans le chapitre 3 : Actes corporels subversifs dans Trouble dans le Genre Le Féminisme et la subversion de l'Identité, Judith Butler dénonce la restriction du langage sur les infinis possibles et devenirs d'un individu. Dans le cadre de l'hétérosexualité, Kristeva pense que les désirs féminins sont liés à la maternité et donc fixés à la « loi paternelle » : « Kristeva considère que le désir d'enfanter est propre à l'espèce, qu'il vient d'une pulsion libidinale femelle collective et archaïque, toujours et encore constitutive d'une réalité métaphysique récurrente. Kristeva réifie ici la maternité et promeut cette réification comme s'il s'agissait d'un potentiel perturbateur. Résultat, la loi paternelle, en tant que fondement de la signification univoque, est destituée par un signifiant également univoque : le principe du corps maternel identique à lui-même dans sa téléologie indépendamment de ses « multiples » manifestations. »248

247 Judith Butler, Trouble dans le Genre Le féminisme et la Subversion de l'identité, Chap.3 Actes corporels subversifs, La Découverte, Paris, 2005, p181

En enfermant la femme dans un corps qui serait lié par définition à la maternité, Kristeva dépossède tous les choix de vie du sexe féminin. Pour Butler, « ce qui se passe pour de l'« instinct maternel » pourrait bel et bien être un désir culturellement construit interprété par un vocabulaire naturaliste. »249 L'« instinct maternel » serait donc artificiel, inventé par la société, à l'image du

langage. Cette « intuition », jugée péjorativement innée chez la femme, s'illustre dans Le Blé en Herbe : Vinca devient aussi une femme par ses gestes amoureux et maternels vis-à-vis de Phil. De