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Les travaux féministes dans années 1970 se basent sur des comparaisons binaires femme/homme, que l'on retrouve chez Simone de Beauvoir et dans les écrits français. La décennie suivante critique ce système de pensée universaliste limitant la définition de la femme et s'orientant alors vers la question du genre essentiellement étudiée dans les œuvres américaines.

En 1990, Judith Butler écrit Trouble dans le Genre, œuvre qui ne sera traduite en français qu'en 2005. L'auteure réécrit Le Féminisme et la Subversion de l'Identité, comme précise le sous- titre. Ce livre est la base des Gender Studies, ou Études du Genre, peu abordées en France. Judith Butler propose aussi une théorie queer94 montrant que l'identité féminine peut sortir des idées sur la

féminité et renouvelant le genre.

Puis en 2004, Judith Butler écrit Défaire le Genre95 pour souligner l'importance de la

construction culturelle de soi et celle de la notion de genre pour découvrir une nouvelle humanité.

« Le genre est le dispositif par lequel le masculin et le féminin sont produits et normalisés en même temps que les formes hormonales, psychiques du genre. Considérer que le terme « genre » se réfère toujours au « masculin » et « féminin » revient à passer à côté du point critique du binarisme. Le genre est le mécanisme par lequel les notions de masculin et de féminin sont produites et naturalisées, mais il peut être le dispositif de ces termes qui sont déconstruits et dénaturalisés. »96

En 2006, Mona Chollet97 rédige Beauté Fatale98 et fait le constat de la féminité et l'image de

la femme dans la société française, qui semble avoir bien oublié les luttes féministes du siècle dernier.

94 Queer est à la base, un mot anglais signifiant " étrange ", " peu commun ", souvent utilisé comme une insulte envers les individus gays, lesbiennes, transsexuels… Par ironie et provocation, il fut récupéré et revendiqué par des militants et intellectuels gays, transsexuels , transgenres, bisexuels , adeptes du BDSM , fétichistes et travestis à partir des années 1980. La théorie queer est une théorie sociologique ou philosophique. Elle critique principalement la notion de genre, le féminisme, et l'idée préconçue d'un déterminisme génétique de la préférence sexuelle. Ce courant des " études du genre sexuel " (Gender studies) apparaît au début des années 1990 aux États-Unis, au travers de relectures déconstructivistes, dans le prolongement des idées de Foucault et Derrida

95 Judith Butler, Défaire le Genre, 2004

96 Judith Butler, Défaire le Genre, Éditions Amsterdam, Paris, 2012, p59

97 Mona Chollet (1973 - ) journaliste et essayiste franco-suisse. Son travail porte sur la condition féminine et le féminisme.

98 Mona Chollet, Beauté Fatale, 2012. Dans son essai, la journaliste Mona Chollet dénonce l'aliénation féminine que véhiculent la presse féminine, les séries télévisées ou la chirurgie esthétique

« Le prisme omniprésent du « choc des civilisations » n'est en effet pas la seule caractéristique de l'époque qui pousse à un retour frileux aux identités sexuées traditionnelles. L'absence de perspectives de tous ordres, la dureté des relations sociales provoquent un repli des femmes sur les domaines qui leur ont toujours été réservés et qui, jugés étouffants il n'y a pas si longtemps, leur apparaissent désormais comme des abris préservés, intimes, rassurants, parés de tous les attraits. L'espace et les valeurs domestiques (vocation maternelle, cuisine, pâtisserie, couture, tricot) font l'objet d'un réinvestissement massif, de même que les compétences esthétiques : mode, beauté, maquillage, décoration... Non, ce n'est pas ringard – du moins pas si vous en faites un blog. Ainsi se remet en place cet ordre tracé au cordeau que la contestation des années 70 avait ébranlé : aux hommes l'abstraction, la pensée, le regard, les affaires publiques, le monde extérieur ; aux femmes le corps, la parure, l'incarnation, le rôle d'objets de regards et de fantasmes, l'espace privé, l'intimité...

Dans un monde défiguré, pollué, tenaillé par la peur, l'horizon sur lequel chacun s'autorise à projeter ses rêves s'est rétréci jusqu'à coïncider avec les dimensions de son chez lui et, plus

étroitement encore, avec celles de sa personne. Notre apparence, comme l'agencement et la décoration de notre cadre de vie, est au moins quelque chose sur quoi nous avons prise. La mode, associée à l'insouciance, au rêve et à la beauté, fournit une échappatoire mentale et imaginaire, en même temps qu'elle représente l'un des rares espoirs de réussite auxquels s'accrocher. »99

Dans Beauté Fatale, Mona Chollet fait le triste constat d'un retour aux anciennes valeurs qui ont précédé l'émancipation féminine, un effet de mode qui se reflètent dans les magazines, la mode vestimentaire, les idées sur la sexualité... Mais de ce retournement moral, les femmes d'aujourd'hui s'épanouissent parallèlement dans leur travail et construisent leur développement personnel. Même si l'égalité entre les deux sexes n'est pas complète, cette idéologie ne semble pas déranger une grande partie des femmes, refusant d'être assimilée aux féministes, un terme considéré comme insultant aujourd'hui.

Judith Butler fait perdurer le féminisme dans ses théories queer et sur la question du genre. Il se poursuit également au XXIe siècle, notamment dans la lutte contre les violences conjugales mais

aussi dans la controverse de la prostitution avec les fameux livres King Kong Theory100 et Baise-

moi101 - de Virginie Despentes.

99 Mona Chollet, Beauté Fatale : les nouveaux visages d'une aliénation féminine, Zone, Paris, 2012, p58

100Virginie Despentes, King Kong Théorie, 2006. Dans son essai autobiographique, Virginie Despentes traite de façon percutante du viol, de la prostitution et de la pornographie. Malgré quelques passages qui font tiquer, ce livre secoue les idées reçues. Stimulant... Dans un style foudroyant elle donne un récit intime et militant de la manière dont elle est « devenue Virginie Despentes ». Féministe inspirée par Angela Davis, Gail Pheterson ou Judith Butler, elle attaque les stéréotypes sur le viol, la prostitution et la pornographie, en analysant les rapports de genre et la mise en scène qui les construit

« L'idéal de la femme blanche, séduisante mais pas pute, bien mariée mais pas effacée, travaillant mais sans trop réussir, pour ne pas écraser son homme, mince mais pas névrosée par la nourriture, restant indéfiniment jeune sans se faire défigurer par les chirurgiens de l'esthétique, maman épanouie mais pas accaparée par les couches et les devoirs d'école, bonne maîtresse de maison mais pas bonniche traditionnelle, cultivée mais moins qu'un homme, cette femme blanche heureuse qu'on nous brandit tout le temps sous le nez, celle à laquelle on devrait faire l'effort de ressembler, à part qu'elle a l'air de beaucoup s'emmerder pour pas grand-chose, de toute façon je ne l'ai jamais croisée, nulle part. Je crois bien qu'elle n'existe pas. »102

À partir de son expérience de prostituée, Virginie Despentes montre qu'elles sont des femmes avant tout. Les virulents constats sur les actuelles critiques affligeantes sur les revendications des années 70, puisque les femmes ont des droits - pourquoi le féminisme devrait encore existé aujourd'hui ? -, Virginie Despentes donne un nouveau souffle au féminisme qui n'est pas obligatoirement radical mais tout simplement en faveur des femmes et de toutes ses différentes facettes originales.

1.2 Présentation du corpus : Simone de Beauvoir, Colette, Judith Butler et

Joy Sorman