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Sensibilité aux paramètres météorologiques et implications épidémiologiques

Les Culicoides vecteurs

3. Bio-écologie de C imicola

3.5. Sensibilité aux paramètres météorologiques et implications épidémiologiques

Les paramètres météorologiques et climatiques ont une très forte influence sur les populations de vecteurs ; leur dynamique saisonnière, et donc celle de la maladie, en est sans doute la manifestation la plus visible. Les conditions optimales de développement sont atteintes lorsque les conditions favorables de température, d’humidité, de vent… sont réunies.

3.5.1. La température

La température est un paramètre clef qui influe sur la transmission de la maladie via son influence sur la biologie des Culicoides (répartition, abondance, activité, dispersion, développement larvaire, durée de vie…) et sur le développement de l’agent pathogène (virogénèse), (Mathieu et al., 2007(soumis)). En effet, le niveau de transmission peut être évalué par la capacité vectorielle* et parmi les paramètres qui la définissent (Garrett-Jones, 1964), la densité, la fréquence de piqûre, la survie et la compétence des vecteurs et la durée d’incubation extrinsèque* sont tous fortement influencés par la température.

3.5.1.1. Température et biologie de C. imicola

La température est déterminante pour l’activité : C. imicola serait actif lorsque des températures sont comprises entre 12,6 et 32 °C, avec un optimum entre 18 et 29 °C (Sellers & Mellor, 1993). Au laboratoire, 14 % des individus d’une population de C. imicola survivent 15 jours à -1,5 °C, aucun au-delà de 25 jours (Nevill, 1971). La diminution de la température avec l’altitude expliquerait les limites altitudinales de répartition des Culicoides. Des captures ont révélé la présence de C. imicola jusqu’à 759 mètres dans la Péninsule ibérique (Rawlings

et al., 1997), 1 275 mètres au Maroc (Baylis et al., 1997) et de faibles effectifs ont été

retrouvés à 1 000 mètres en Italie (Conte et al., 2003).

Chez d’autres espèces de Culicoides, il a été montré que l’augmentation de température raccourcit la durée des stades larvaires et nymphal mais aussi la survie des adultes (Hunt et

al., 1989). Elle augmente l’activité des adultes (Murray, 1987b), le taux d’infection des

moucherons par le virus, et raccourcit la période d’incubation extrinsèque (Mullens et al., 2004). En revanche, en dessous de 15 °C, le virus ne se réplique plus dans l’insecte et la transmission est interrompue (Mullens et al., 1995).

3.5.1.2. Température et maintien de la circulation virale

La température est un des facteurs déterminants pour expliquer le maintien de la circulation virale d’une année sur l’autre (overwintering) sans nouvelle introduction d’animaux ou de vecteurs infectés. Chez C. imicola, la diapause (phase d’arrêt du développement) étant assurée par le stade larvaire et en l’absence (a priori) de transmission verticale, le virus ne peut persister qu’au sein des populations de vecteurs adultes ou d’hôtes réservoirs. Dans certaines zones tropicales, les vecteurs adultes peuvent être présents toute l’année et ainsi maintenir le cycle de transmission. Cela pourrait également avoir été le cas dans certaines zones méditerranéennes telles que la Turquie occidentale et au sud de l’Espagne mais semble peu plausible à Madrid, à Lesbos ou en Colombie britannique19 (Sellers & Mellor, 1993). En Turquie, il est avéré que des populations d’adultes ont permis le maintien du virus de la FCO pendant les hivers 1977-1978 et 1978-1979. Au cours de ces hivers, la moyenne des températures journalières maximales du mois le plus froid était de 12,5 °C (Sellers & Mellor, 1993).

En zone tempérée, il est rare que les adultes de C. imicola puissent se maintenir pendant l’hiver. Ainsi la maladie ne pourra être maintenue d’une année sur l’autre que si la durée d’absence des vecteurs adultes est inférieure à la durée maximale de virémie chez l’hôte. Deux paramètres sont donc à prendre en compte : la durée d’absence d’activité des vecteurs adultes et la durée de virémie (à un niveau suffisant) des espèces réservoirs. La durée maximale de la virémie peut atteindre 54 jours chez les ovins (Koumbati et al., 1999) et, chez les bovins, la durée maximale de virémie prédite est 9 semaines20 (Singer et al., 2001). En connaissant le niveau de virémie « efficace », nécessaire à l’infection des vecteurs (niveau variable selon les populations de vecteurs, la température…), on pourrait estimer la durée maximale pendant laquelle un vecteur peut être absent sans que le cycle de transmission ne soit interrompu. Néanmoins, certaines études récentes émettent l’hypothèse que des bovins

19 Sellers (1993) évalue la possibilité de persistance du virus au sein de populations de vecteurs adultes en

fonction des conditions suivantes :

(i)- la moyenne des températures journalières maximales du mois le plus froid ≥ 12,5 °C, (ii)- au moins 45 % des températures journalières maximales ≥ 13 °C,

(iii)- la moyenne mensuelle de l’indice degré - jour ≥ 1,35 (Calcul de l’indice degré - jour : les jours ayant une température maximale comprise entre 18 et 29 °C ont un score de 6, ceux avec une température entre 13 et 17 °C ont un score compris entre 1 et 5),

(iv)- au cours de l’hiver, il y a au maximum 40 jours pour lesquels la température journalière maximale < 13 °C et au maximum 10 jours consécutifs ayant une température journalière maximale < 13 °C.

sans virémie détectable pourraient rester réservoirs pendant de longues périodes21 (Takamatsu

et al., 2003 ; Takamatsu et al., 2004) ; cette hypothèse n’a cependant pas encore été confirmée

sur le terrain. Les phénomènes permettant la persistance du virus en milieu tempéré ne sont donc pas entièrement compris.

Enfin, il ne faut pas perdre de vue que, même si le vecteur ne se maintient pas dans la zone considérée, il peut persister dans une région proche à partir de laquelle il pourra être re- introduit (overwintering dans une zone voisine). Cet argument plaide pour une gestion régionale ou supra-nationale des épizooties de FCO.

3.5.2. Humidité et pluie

Une humidité relative de l’air trop faible diminue l’activité et la survie des adultes. La pluie inhibe l’activité des adultes. L’humidité du sol est une variable déterminante de l’habitat larvaire de C. imicola (cf. partie 3.2. de ce chapitre) (Meiswinkel, 1997). Les œufs ne résistent pas à la sécheresse, alors que les nymphes, ne flottant pas, meurent si leur habitat est inondé (phénomène de lessivage des gîtes).

3.5.3. Effet du vent

Le vent a un effet inhibiteur sur la dispersion active (pour la recherche de proies, de gîtes larvaires et de repos) des adultes : les piégeages effectués les nuits de fort vent récoltent peu ou pas d’insectes. Ainsi, au Kenya, l’activité de C. imicola est fortement réduite lorsque le vent atteint 10 km.h-1 (Walker, 1977).

En revanche, des vents d’une altitude allant jusqu’à 2 km, d’une vitesse de 10 à 40 km.h-1 et d’une température de 12 à 35 °C permettent la dispersion passive des Culicoides sur plusieurs centaines de kilomètres (Sellers, 1992). Ainsi la dispersion de C. brevitarsis en Australie depuis les zones où il passe l’hiver vers les vallées et plaines côtières situées plus au sud peut être modélisée en fonction des vents (notamment sa vitesse) et de la température (Bishop et

al., 2000). La diffusion de C. imicola peut aussi être modélisée en prenant en compte le type

de couvert végétal et les barrières géographiques (comme le relief) (Cêtre-Sossah et al., 2008(accepté)). Comme il a été montré qu’une seule piqûre de C. variipennis suffisait pour transmettre la maladie (Foster et al., 1968), il est possible que l’arrivée d’un seul moucheron infecté suffise à introduire la maladie dans un territoire indemne.

21 Cela pourrait se produire grâce à un mécanisme de ré-activation au site de piqûre de particules virales

Résumé

Il existe une grande diversité de Culicoides, notamment de Culicoides vecteurs de FCO. En Europe, au moins trois systèmes épidémiologiques impliquant des vecteurs différents sont en place.

En Corse, le vecteur principal est C. imicola. Malgré sa large répartition, son abondance et son importance vétérinaire, plusieurs facteurs limitent les connaissances sur la bio-écologie de cette espèce. Ses gîtes larvaires, constitués par des sols humides ou saturés en eau et riches en matière organique, restent difficiles à identifier et à caractériser précisément en Europe, même dans des élevages où les densités d’adultes sont très importantes. De par la nature de ses gîtes larvaires, ses préférences trophiques et ses capacités de dispersion active limitées, C. imicola apparaît comme inféodé aux élevages (de ruminants et de chevaux notamment) et aux zones de faible altitude. Les paramètres de température et d’humidité ont une forte influence sur la biologie de cette espèce (abondance, activité, dispersion, développement larvaire, survie…) ainsi que sur la transmission de la maladie (capacité vectorielle, maintien de la circulation virale d’une année sur l’autre…). Le vent a un effet inhibiteur sur la dispersion active des adultes mais assure leur dispersion passive sur des centaines de kilomètres.

À partir de ces connaissances sur la bio-écologie de C. imicola, plusieurs modèles de répartition et d’abondance de ce vecteur en Méditerranée ont été développés. Ils sont présentés dans le chapitre suivant.

Chapitre 4

Modélisation de la répartition de la fièvre catarrhale ovine et de