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Approche maladie

2. Modélisation statistique du risque de FCO

3.2. Discussion sur les résultats obtenus

3.2.1. Variété des variables sélectionnées

Les modèles obtenus aux trois échelles de voisinage, bien que présentant des points communs tels que l’inclusion de la variable mixité, ne permettent pas de dégager une seule catégorie de variable associée au risque. En effet, des variables liées aux caractéristiques des élevages, à l’altimétrie, à l’occupation du sol et au paysage sont incluses dans les différents modèles. De même, il n’y a pas une seule classe de végétation qui ressorte aux trois échelles de voisinage (que ce soit en termes de pourcentage de surface d’occupation du sol, de nombre d’entités ou de longueurs des bordures).

La variété des modèles pourrait résulter de plusieurs phénomènes. Tout d’abord, la démarche menée ici est de type exploratoire et il n’y a pas dans la littérature d’hypothèse forte associant C. imicola avec un type de végétation ou de milieu bien précis. Ainsi, cette variété

pourrait refléter la complexité et/ou une certaine plasticité des la bio-écologie de C. imicola.

Sa large répartition mondiale (cf. chapitre 3 partie 3) et son installation pérenne dans des

nouveaux écosystèmes méditerranéens soutiennent cette hypothèse. Pour autant, la répartition spatiale de vecteur est localement très hétérogène (observations de terrain personnelles, illustrées dans le chapitre suivant), attestant que ce vecteur ne s’établit pas dans tous types de milieux.

D’autre part, du fait de l’absence d’hypothèse a priori sur les milieux favorables au

vecteur, i) un grand nombre de variables caractérisant l’environnement (46) ont été testée, ii) et la construction (méthode pas à pas ascendante) ainsi que le choix des modèles ont été basés sur des critères uniquement statistiques. Ces choix méthodologiques appliqués à un faible nombre d’élevages contribue sans doute aussi à la diversité des modèles obtenus.

Enfin, une plus grande homogénéité entre les modèles aurait pu être obtenue si un éventail plus large de milieux avait été testé. En effet, seuls les milieux au voisinage des élevages ont

été comparés. Or les élevages n’étaient pas présents dans tous types de milieux. Par exemple, aucun élevage n’était situé au delà de 800 mètres d’altitude, expliquant sans doute pourquoi cette variable, pourtant identifiée comme influant sur la répartition du vecteur (cf. chapitre 3,

partie 3.5.1.1), n’a pas été identifiée par les modèles.

3.2.2. Importance des variables paysagères

Les résultats montrent que les indicateurs paysagers sont pertinents pour décrire l’environnement favorable à la survenue de FCO aux trois échelles de voisinage. Dans la plupart des études portant sur la caractérisation de conditions environnementales favorables à une maladie ou un vecteur, l’occupation du sol est pris en compte via le type majoritaire ou le

pourcentage de surface occupée par chaque type, variables facilement extraites dans des SIG (cf. chapitre 1, partie 2.4). Malgré la disponibilité de logiciels gratuits et simples permettant

d’extraire des indices plus divers et plus complets comme Fragstats, les indicateurs relatifs à la longueur des frontières, à la diversité du milieu ou à la connectivité sont encore rarement pris en compte. Ils ont pourtant montré leur utilité pour caractériser certains aspects de l’écologie de la transmission de pathogènes, notamment dans le cas de la maladie de Lyme (Estrada-Pena, 2002). Ces résultats montrent aussi que ce type d’approche peut être mis en œuvre même lorsque la bio-écologie du vecteur est mal connue.

3.2.3. Echelles de voisinage

Comme la distance de dispersion par vol actif de C. imicola n’est pas connue précisément,

trois échelles de voisinage (trois tailles de zones tampons) ont été testées. Les résultats montrent que l’environnement influe sur la survenue de FCO aux trois échelles. Il serait intéressant de tester des voisinages plus grands (en prenant une taille de zone tampon supérieure à 2 km) afin de voir sur quelle distance l’environnement exerce une influence sur la survenue de FCO.

3.2.4. Variables sélectionnées dans le modèle à 1 km

Comme le modèle à 1 km présente la plus forte capacité de discrimination, la suite de la discussion porte sur les variables retenues dans ce modèle.

3.2.4.1. Mixité

La mixité des élevages apparaît comme un facteur de risque pour les trois échelles de voisinage. Ce résultat va à l’encontre de l’hypothèse que les bovins, en attirant plus les

Culicoides que les ovins, pourraient avoir un rôle protecteur vis-à-vis de ces derniers (Du

Toit, 1962 ; Luedke & Anakwenze, 1972). Les résultats obtenus ici sont néanmoins à interpréter avec précaution étant donné le déséquilibre des effectifs et la largeur des intervalles de confiance associés aux l’odds ratios qui en résulte. Ces résultats devront ainsi être confirmés afin de savoir si les bovins et caprins, réservoirs du virus de la FCO (Du Toit, 1962 ; Luedke & Anakwenze, 1972) ont un rôle plus important dans l’épidémiologie de la maladie en tant que réservoir ou en tant que hôte nourricier.

3.2.4.2. Latitude et présence de zones arbustives rases

La latitude apparaît comme une des variables clefs dans les modèles à 500 m et à 2 km. Même si la variable latitude n’a pas été directement sélectionnée dans le modèle à 1 km, l’effet de cette variable pourrait être indirectement pris en compte au travers de la variable « présence de zone arbustive rase » En effet, cette dernière est corrélée à la latitude (coefficient de corrélation = -0,6), ce type de végétation étant essentiellement distribué dans l’extrême sud de l’île.

L’effet de la latitude pourrait refléter un effet distance à un point source, la Sardaigne. En effet, les réseaux de surveillance italiens et français ont montré que les sérotypes 2 (en 2000) et 4 (en 2003) avaient circulé en Sardaigne quelques mois avant d’être détectés en Corse (cf. chapitre 2, partie 2.3.3.1) (Gerbier et al., 2006). L’interdiction d’importer des ruminants

en provenance de zones infectées par la FCO ayant été mise en place deux mois avant la survenue du premier foyer en Corse, le risque d’introduction d’animaux virémiques peut être considéré comme mineur (Gerbier et al., 2007 (accepted)). Ainsi la chronologie des

événements soutient l’hypothèse d’une invasion régulière de moucherons infectés depuis la Sardaigne vers la Corse. Cette hypothèse est plausible du point de vue de la bio-écologie de

C. imicola puisque ce dernier peut être transporté par les vents sur de longues distances

(Braverman & Chechik, 1996 ; Sellers et al., 1978 ; Sellers et al., 1979) et que seuls 12 km

séparent les deux îles. De plus, l’analyse des vents a montré des conditions favorables permettant le transport de Culicoides étaient réunies au moment de l’introduction du sérotype

4 en Corse en 2003 (Gerbier et al., 2007 (accepted)).

3.2.4.3. Indicateur d’ensoleillement

Il peut paraître surprenant que l’indicateur d’ensoleillement moyen soit négativement associé au risque de survenue de FCO étant donné que C. imicola est un vecteur exotique dont

indicateur a été estimé pour un après midi d’été (cf. chapitre 5, partie 2.1.2.1), les conditions

de température minimales requises pour C. imicola étaient vraisemblablement atteintes

(la température moyenne en juin en Corse du Sud est de 19 °C). Une hypothèse expliquant cette association pourrait être que l’indicateur d’ensoleillement pourrait refléter les conditions d’humidité, qui, en été, pourraient constituer un facteur limitant.

3.2.4.4. Importance de la longueur des frontières

Des longueurs importantes de frontières (LSI) pour les classes « maquis, garrigue et forêt », « prairie ouverte » et « zone non végétalisée » sont associées à un risque élevé de survenue de FCO. Ces résultats montrent que la fragmentation et l’imbrication des milieux sont des indicateurs plus pertinents que le pourcentage de surface occupée par un type d’occupation du sol pour discriminer les zones à risque de FCO.

Il est intéressant de remarquer que le pourcentage de surface et le LSI ne sont pas toujours corrélés positivement, et qu’ils peuvent même être corrélés négativement, comme c’est le cas pour la classe « maquis, garrigue et forêt ». Les frontières entre types d’occupation du sol peuvent influer sur la transmission de la maladie de plusieurs façons comme par exemple en procurant des lieux de rencontre entre hôtes et vecteurs et/ou un milieu où les éléments indispensables de l’habitat des hôtes et/ou des vecteurs sont réunis. Une meilleure connaissance de la bio-écologie de C. imicola est nécessaire afin de savoir si les paysages

comportant d’importantes frontières de ces trois types classes sont favorables i) car ils réunissent des lieux de présence des hôtes (prairies ouvertes et zones non végétalisées) en contact avec des gîtes de repos pour le vecteur (maquis, garrigue et forêt) ou ii) car la présence de larges surfaces compactes de maquis, garrigue, forêt (avec un LSI faible) agit comme une barrière pour le vecteur, diminuant le risque pour les élevages voisins. En attendant de mieux connaître la bio-écologie de ce vecteur, les indicateurs paysagers testés doivent être choisis pour leur simplicité et leur robustesse doit être évaluée dans différents milieux et confortée par des études entomologiques de terrain.