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Épidémiologie de la fièvre catarrhale ovine et émergence en Corse

3. Impact économique de la FCO

L’impact économique de la FCO a fait l’objet de relativement peu d’études (Gibbs & Greiner, 1988). Deux aspects sont à considérer : l’impact direct lié à la mortalité, au déclassement des carcasses, à la mauvaise qualité de la laine, à la baisse de la production laitière et de la fertilité des béliers et aux mesures de contrôle (vaccination, tests diagnostiques et visites vétérinaires) et l’impact indirect lié aux restrictions des mouvements d’animaux et à l’arrêt des exportations. Bien que difficile à estimer, la part de ces deux types d’impacts peut être très différente selon les pays. Globalement, pour les six continents, la FCO pourrait représenter 3 milliards de dollars par an de pertes directes et indirectes, avec en particulier un frein aux échanges pour les pays exportateurs de ruminants (Mellor, 2001). Cependant, très peu de données économiques sont disponibles pour étayer ces estimations ; l’information sur l’impact économique de la FCO reste rare et fragmentaire.

3.1. Coûts directs

Les coûts directs sont très variables selon les situations épidémiologiques. En Australie, aux États-Unis et en Amérique du Sud, ils sont faibles car il y a peu ou pas de foyers cliniques malgré la circulation de plusieurs sérotypes. Cette faible incidence et l’existence de vaccins efficaces expliquent d’ailleurs que peu d’études portant sur la FCO aient été financées aux Etats-Unis dans les années suivant la découverte de la maladie dans ce pays (Mulhern, 1985). Ailleurs, les coûts directs peuvent être très élevés : lors de l’épizootie de 1956-1960 en Espagne et au Portugal, on estime que 180 000 moutons seraient morts durant les seuls 4 premiers mois (Gorman, 1990). L’épizootie européenne actuelle, la plus importante jamais décrite, aurait conduit à la perte de plus de 1,5 millions d’ovins entre 1998 et 2006 (FAO, 2006). En Europe, ces coûts directs sont vraisemblablement plus importants dans les pays du pourtour du bassin méditerranéen que dans les pays du nord de l’Europe.

3.2. Coûts indirects

Dans de nombreux pays, ce sont les coûts indirects qui sont les plus importants. Ainsi la seule interdiction d’exportation des semences de bovins représentait pour les États-Unis dans les années 1970 un coût d’environ 24 millions $ par an (Gibbs & Greiner, 1988). On comprend ainsi l’intérêt des pays exportateurs de semence à évaluer précisément l’importance épidémiologique de la semence et des embryons vis-à-vis de la transmission de FCO (Bowen

et al., 1985a ; Bowen et al., 1985b ; Luedke, 1985 ; MacLachlan et al., 1985), face à la

perspective d’une éventuelle évolution de la législation (MacLachlan et al., 1992 ; Walton, 2004). À ceci s’ajoutent les coûts à l’interdiction des exportations d’animaux vivants (ovins, mais aussi autres hôtes réceptifs au virus). Ainsi Tabachnick estime que la FCO représenterait 125 millions de dollars de pertes annuelles aux États-Unis.

3.3. Impact économique de la FCO en Corse

L’impact économique de la FCO en Corse reste difficile à évaluer (Teissier du Cros, 2003) même si certains acteurs de la filière avancent une perte, pour l’ensemble de la filière ovine corse, de plusieurs millions d’euros (Moreau, 2004). La filière a beaucoup souffert des épizooties et les coûts directs sont élevés : au total, parmi les plus de 15 000 animaux qui ont été malades, plus de 12 000 animaux sont morts ou ont été abattus. La FCO aurait ainsi entraîné la disparition d’environ 10 % du cheptel corse, et seule la moitié des animaux perdus aurait été remplacés (Conseil Exécutif de Corse, 2006). La perte de lait consécutive à l’épizootie de 2001 se serait chiffrée à 100 000 litres et aurait également entraîné un déficit de 9 000 agneaux. De plus, les coûts de la vaccination et de sa mise en œuvre (> 500 000 € pour l’année 2007) et ceux des surveillances clinique et entomologique (> 300 000 € pour l’année 2007) sont importants (Direction générale de l'alimentation, 2007). Parmi les coûts indirects, on peut penser les coûts liés aux restrictions des mouvements d’animaux et à l’arrêt des exportations sont modérés puisque les échanges commerciaux de ruminants depuis la Corse sont limités (à l’inverse ces coûts sont sans doute très importants en Italie, Espagne, Hollande, Belgique et Allemagne). D’autres coûts indirects comme les pertes en termes de potentiel génétique au niveau du troupeau et de la race corse (a priori faibles selon l’Union pour la promotion de la race corse), ou ceux liés la fragilisation de la filière sont difficiles à estimer. Du fait notamment de la spécificité de la filière ovine corse (race corse) et de l’existence de produits régionaux spécifiques tels que le « brocciu », fromage bénéficiant d’une appellation d’origine contrôlée (Cesari, 2001), les épizooties de FCO ont également eu un impact important d’un point de vue culturel et social.

La démarche proposée au travers de cette thèse et visant à cibler la surveillance aux zones les plus à risques et à mieux comprendre les facteurs environnementaux influant sur l’épidémiologie de cette maladie s’inscrit dans ce contexte épidémiologique et économique.

Résumé

La fièvre catarrhale ovine (FCO) est une arbovirose* des ruminants causée par un

Orbivirus transmis par des moucherons du genre Culicoides (Diptera : Ceratopogonidae).

Elle affecte principalement les ovins et plus rarement les bovins et caprins.

Depuis 1998 l’Europe est confrontée à une situation épidémiologique complexe et d’une ampleur sans précédent. Le caractère exceptionnel de cette épizootie est lié :

- à l’expansion des limites traditionnelles de répartition de la FCO au-delà de 50 °N ;

- à l’expansion des limites de répartition de Culicoides imicola, vecteur d’origine subsaharienne, capturé pour la première fois notamment en Sardaigne, en Sicile, en Italie, en Corse, à Majorque et à Minorque (Mellor, 2004a), dans le Var, en Catalogne et au nord de la Péninsule ibérique ;

- à l’implication de nouveaux vecteurs (notamment en Italie et en Europe de l’Est et du Nord) ;

- au nombre de pays touchés (dont un nombre important touchés pour la première fois tels que l’Italie, la France, la Belgique, les Pays-Bas, l’Allemagne, et le Luxembourg) ;

- aux multiples origines des incursions de FCO ; - au nombre de sérotypes impliqués (1, 2, 4, 8, 9, 16) ; - à la durée des épizooties dans certains pays.

La Corse a été touchée depuis 2000 par les sérotypes 2, 4 et 16. Malgré une absence de foyers déclarés depuis la fin du premier semestre 2005, le virus de la FCO circule toujours dans l’île (sérotypes 4 et 16), justifiant le maintien de la surveillance sérologique et entomologique en Corse et sur le littoral méditerranéen français.

Chapitre 3